Ce que l’avenir nous promet (de pire), La Poste nous l’apporte déjà !

Tout le monde connaît la nouvelle pub TV de La Poste et pour beaucoup elle est plutôt pas mal voire même… trop Top ! Ne nous y trompons pas. Le message de la direction de La Poste est clair : La Poste s’adaptera aux nouvelles directives européennes de libéralisation.

Article paru dans l’Egalité n°87

La directive de 1997, qui avait ouvert le processus de libéralisation avait pour projet d’instaurer le service universel en substitution du service public. Elle prévoyait dans le même temps la disparition de 200 à 400 000 emplois en Europe. En Finlande, la moitié des bureaux de poste ont fermé.

La nouvelle directive, menée par le très libéral commissaire européen Bolkenstein, en constitue la suite. Le service public ne s’occupera désormais que des courriers deplus de 50 grammes pour un prix maximum de 2,5 fois le tarif de base, au lieu de 350 grammes maximum pour 5 fois le tarif de base. Elle permet l’ouverture à la concurrence du courrier transfontalier. Des services payants comme la collecte à domicile et la remise du courrier à toute heure disparaîtraient de la sphère publique pour être offertes à la concurrence privée. Le but de Bolkenstein et de ses acolytes est bien la marchandisation complète de l’activité postale et des postiers, qui n’est pas sans impact sur les prix, la qualité de service et les emplois.

La Gauche plurielle loin de s’opposer à ce projet, préfère donner son aval sur le principe tout en modérant ses effets : repousser les délais d’application à 2 ans, calmer les ardeurs du privé sur le courrier transfrontalier, seuil prix/poids à 150 g et n’excédant pas 4 fois le tarif de base… Depuis des mois le gouvernement de la Gauche plurielle affirme qu’il défendra bec et ongles le service public. L’attaque est néanmoins portée et avec son soutien et celui des parlementaires qui ont grosso-modo adopté la directive version gauche plurielle. Cette directive va conduire à de nouvelles suppressions d’emplois et au jumelage de certains bureaux de poste ou à de nouvelles fermetures, c’est-à-dire à une régression de la présence postale dans les zones rurales et dans les banlieues tant pour l’activité courrier que les services financiers.

Les dirigeants de La Poste en France soutiennent la proposition du gouvernement de la gauche plurielle. En effet, La Poste a besoin de temps pour être compétitive contre les mastodontes que sont les postes allemande ou hollandaise dans la compétition européenne et qui soutiennent le projet de Bolkenstein.

Pour se préparer à la privatisation, la direction de La Poste en France a sorti le projet SOFT (Schéma d’organisation des fonctions transversales). Néanmoins, les responsables du siège s’étaient engagés à garder SOFT à l’état de projet jusqu’au terme de la mise en place de l’ARTT. Sous couvert de l’ARTT, La Poste s’est attelée à séparer les activités guichet/courrier dans les bureaux ou les activités courrier/colis dans les centres de distribution. En fait, c’est l’objectif premier du projet SOFT : la filière de métier. éclatement en filières

Il ne s’agit pas d’un simple aménagement, c’est une rupture totale avec le fonctionnement actuel de La Poste. Dorénavant, chaque direction du siège (courrier/colis/clientèle financière et réseau grand public) disposera de sa propre hiérarchie pour relayer et mettre en œuvre sa propre stratégie, ses propres objectifs, ses propres moyens financiers, matériels et humains. Ce principe de filière se déroulera jusque dans les centres de distribution courrier, les centres de distribution colis et les guichets qui n’auront plus rien d’un bureau de poste. Chaque direction connaîtra la « rentabilité » de chaque position de travail et bien-sûr… du postier qui va avec. Les conséquences sont évidentes en matière d’emploi et de harcèlement à la vente et à la productivité. Les postiers seront directement sous la pression de leur direction de métier.

Autre dégradation : la qualité du service public. Sur un même site, guichetiers et facteurs ne se connaîtront plus car évoluant dans 2 compartiments parfaitement étanches. Des bureaux de poste vont fermer, vont être jumelés, vont ouvrir sur rendez-vous, vont être transformés en agences postales et les concentrations de la distribution vont augmenter. Le service de proximité qui caractérise La Poste est largement compromis, comme c’est le cas également pour les centres d’impôts soumis à la même logique.

La direction se satisfait des 1000 emplois créés par ces transformations dans les bureaux de poste ou dans les groupements. Seulement ce sont 150 postes au Siège, 150 dans les directions nationales, 300 dans les délégations et les services rattachés et 400 dans les directions départementales qui vont être supprimés. Et pour cause : délégations et directions départementales n’auront pratiquement plus de pouvoir dès lors que les filières existeront.

L’objectif non avoué de SOFT c’est que La Poste ne soit plus un tout indivisible, que chaque filière de métier soit autonome. La direction prévoit donc de mutualiser, c’est-à-dire de dispatcher sur plusieurs départements ou délégations des services comme la comptabilité, la paie, les ressources humaines.

A terme, chaque filière doit devenir une entreprise à part entière. Les plus compétitives étant alors cédées au marché boursier. Comme à France Télécom l’ouverture du monopole à la concurrence privée doit ouvrir la voie à l’ouverture du capital de l’entreprise. La riposte des postiers, mais aussi des usagers soucieux de conserver un service public de qualité et de proximité est urgente. La généralisation de SOFT est prévue début 2002 et doit se poursuivre jusqu’en 2003 pour les services de directions et les services supports. Le parc automobile est déjà vendu à la BNP Paribas (dont La Poste est actionnaire) depuis le 1er janvier 2001.

Par Sylvain Bled