Italie : Automne chaud en perspective !

Les élections d’avril dernier ont donné la victoire à «l’Unione», coalition de centre-gauche emmenée par Prodi. La ferme volonté des travailleurs et des jeunes de se débarrasser de Berlusconi a été quelque peu refroidie par le ralliement de la «Rifondazione Comunista» (RC) à la coalition néo-libérale de Prodi, et s’est traduite par un faible engouement à redonner leur soutien à une coalition sensiblement identique au gouvernement de l’Olive (1996-1998): en effet, beaucoup ont encore en mémoire les attaques drastiques et les nombreuses privatisations de ce précédent gouvernement Prodi.

Article paru dans l’Egalité n°121

Toutefois, la fragilité de ce nouveau gouvernement est flagrante : durant les deux premiers mois de son investiture, Prodi a dû faire appel à 7 votes des parlementaires sur le maintien ou non du gouvernement. Depuis sa création, le gouvernement a tenté de focaliser toute l’attention sur la politique extérieure : retrait des troupes de l’Irak, refinancement du contingent présent en Afghanistan et envoi de troupes italiennes au Liban. Mais cette stratégie n’arrivera pas à camoufler la situation interne qui s’annonce tumultueuse sur le plan social.

L’économie italienne patauge : sa dette publique s’élève à 108% du PIB, et son déficit budgétaire a atteint 4% l’an dernier. L’Union européenne et le FMI poussent l’Italie à le redescendre sous la limite des 3% autorisés par l’eurozone. Bien que les syndicats et certains militants (généralement de RC), demandent l’étalement de cet objectif sur deux ans, Prodi est décidé à respecter les exigences des capitalistes européens. En faisant peser l‘effort sur les travailleurs et les retraités.

Pour cause de «recettes fiscales inattendues», le budget a été revu à la baisse (de 35 à 30 milliards d’euros). Le gouvernement entend aller chercher la différence à travers une restructuration du système de retraites, de l’éducation, des soins de santé et de l’administration.

La question des retraites sera le premier sujet brûlant. Le ministre de l’emploi, Damiano, pense augmenter l’âge du départ à la retraite à 60 ans et 35 ans de carrière, tout en le rendant plus flexible : une flexibilité faite d’avantage pour ceux qui continuent à travailler après ce seuil, et de sanctions pour ceux qui s’arrêtent avant. Ce seuil serait ensuite rehaussé à 61 ans en 2010, et 62 en 2014. A cette annonce, la réponse des syndicats fut immédiate : «Jusqu’à présent, le système de retraites n’a reposé que sur les sacrifices des travailleurs ; si le gouvernement veut décider seul des coupes budgétaires, il devra se confronter à la réaction de la rue». Mais encore faudra-t-il passer de la parole aux actes. Car si la Cub et Cobas (syndicat unitaire de base) parlent de grève générale pour octobre, la CGIL prépare déjà le terrain au compromis, affirmant «envisageable» le rallongement du temps nécessaire au départ à la retraite pour les travaux intellectuels, mais pas pour le labeur physique. On peut d’ores et déjà comprendre que la direction syndicale s’apprête à céder aux exigences du patronat, mais en grappillant quelques aménagements pour les métiers les plus lourds comme on l’a vu en Belgique et France en 2003.

Mais la réforme des retraites ne se fera pas sans heurts au sein même du gouvernement : la RC s’est toujours définie comme le grand défenseur des retraites. Fausto Bertinotti, ancien président de ce parti et actuel président de la Chambre a déclaré que s’attaquer aux retraites serait un «crime social». D’autres ministres (RC et écologistes) s’insurgent. Cette fois, Prodi ne pourra plus bénéficier d’un vote de confiance, car les députés de la RC ne l’accepteront plus.

Un autre sujet sensible est la question du travail précaire : en Italie, il concerne 8 millions de travailleurs déclarés. Cette précarisation des emplois s’accompagne d’une dégradation de la sécurité sur les lieux de travail : ces deux dernières semaines seulement, 8 travailleurs ont perdu la vie par accidents du travail. Le programme de l’Unione parlait d’abroger la loi 30 et Biaggi (équivalent de la loi sur l’égalité des chances). A présent, on ne parle plus que de «remodelage». Mais suite à un scandale d’exploitation abusive de travailleurs à contrats renouvelables dans la plus grosse entreprise de centre d’appel, la rage des travailleurs s’exprimera nationalement fin octobre. L’ensemble du corps professoral menace également de rentrer en grève : en cause, le manque d’investissement et la précarité des emplois.

Tout porte donc à croire que les prochaines semaines seront en Italie le théâtre de nouvelles confrontations de classe. Le résultat de ces luttes dépendra de l’attitude des directions syndicales et de la pression que leurs bases seront capables de leur imposer, mais aussi du positionnement que prendra la RC dans ce processus. En définitif, seul un parti défendant les intérêts des jeunes, des travailleurs et des retraités avec une ligne politique clairement socialiste et refusant toute attaque néolibérale pourra mener ceux-ci à la victoire.

Par Christel Dicembre