Halte à la guerre contre le Liban !

Le gouvernement israélien a commencé à transformer des parties du Liban en ruines, comme il l’a déjà fait à Gaza, après avoir décidé de pousser sa guerre contre le Hezbollah à un niveau encore plus élevé.

Editorial de The Socialist, le journal de nos camarades en Angleterre et Pays de Galles, paru le 25/09/2024 sur www.socialistparty.org.uk

Le sinistre coup d’envoi du régime israélien dans ce qu’il a appelé une « nouvelle phase » de la guerre a été de cacher des explosifs dans plus de 3 000 bipeurs et talkies-walkies qui ont explosé à la figure et aux mains de personnels du Hezbollah et de toutes les personnes à proximité, dont des enfants et des soignants. Plus de 40 personnes ont été tuées et la plupart des personnes qui tenaient les appareils ont été blessées, beaucoup perdant des yeux ou des doigts.

Cette action barbare a été suivie de bombardements massifs, visant principalement des zones du sud du Liban, mais n’épargnant pas l’est, le nord et certaines parties de la capitale, Beyrouth. Au cours des seuls premiers jours, les frappes de missiles ont tué plus de 500 personnes et en ont blessé plus de 1 600. Il s’agit d’ores et déjà du bilan quotidien le plus lourd depuis la guerre civile libanaise de 1975 à 1990.

L’armée israélienne a envoyé des SMS à de nombreux Libanais leur disant d’évacuer leurs habitations sans quoi ils risquaient d’être bombardés. Toutefois, comme l’a déjà montré la guerre à Gaza, de tels messages n’empêcheront pas l’augmentation du nombre de victimes civiles. Il n’y a aucun endroit qui soit vraiment sûr. On assiste néanmoins à un exode massif de Libanais fuyant leur foyer dans le sud, sans savoir où aller ni ce qu’il restera à leur retour.

Les ministres israéliens affirment ne pas exclure une invasion terrestre, ce qui aggraverait encore l’ampleur de la guerre et des souffrances. Le Hezbollah ne manquerait pas de tirer parti de cette situation, qui permettrait à ses combattants d’infliger des pertes beaucoup plus lourdes aux forces israéliennes.

Depuis le début de la guerre de Gaza, le Hezbollah a tiré des missiles sur Israël, sous prétexte de soutenir les Palestiniens de Gaza. Par conséquent, il y a eu un certain niveau de guerre à la frontière israélo-libanaise cette année. Mais cette guerre de faible intensité est devenue une véritable guerre à cause de l’escalade militaire israélienne, qui, à son tour, a rendu probable une réaction militaire accrue du Hezbollah. Elle suscite également des craintes dans la région et dans le monde quant à la possibilité d’une guerre encore plus étendue au Proche-Orient, qui aurait des répercussions sur l’économie mondiale et les relations internationales, et créerait une instabilité massive avec un potentiel de conflits plus étendus.

La capacité militaire du Hezbollah a subi un certain nombre de revers dans la guerre jusqu’à présent. Outre la mort ou les blessures de centaines de ses combattants et le sabotage soudain de ses appareils de communication, deux commandants importants du Hezbollah ont été tués à Beyrouth. Mais le Hezbollah dispose toujours d’un appareil militaire important, doté d’une capacité de combat significative, souvent décrit comme l’une des forces militaires non étatiques les plus puissantes au monde, et probablement la plus puissante de l’ » axe de la résistance » aligné sur l’Iran dans tout le Moyen et Proche- Orient.

Ni la population libanaise ni celle d’Israël n’ont quoi que ce soit à gagner dans cette terrible escalade, qu’il s’agisse des bombardements impitoyables de l’armée israélienne ou des missiles tirés au hasard sur Israël par le Hezbollah, qui touchent des civils israéliens et sont utilisés par la droite israélienne pour justifier une riposte écrasante. Les habitants de Gaza ou de toute autre endroit du Proche et Moyen-Orient n’ont rien à gagner non plus.

Travailleurs et pauvres

Au Liban, ce sont les travailleurs et les pauvres qui paieront le prix le plus élevé de la guerre, avec davantage de morts, de blessés et de déplacés en masse. L’aggravation de la situation de guerre au Liban entraîne une lutte encore plus dure pour subvenir aux besoins et gérer la vie quotidienne, dans un pays qui a connu une énorme crise économique, politique et sociale au cours des années précédant la guerre, un pays aux mains d’une élite dirigeante qui utilise la richesse, le sectarisme et la corruption pour s’enrichir davantage tout en aggravant la misère de ceux d’en bas.

Le gouvernement israélien de droite de Benjamin Netanyahou déclare que l’utilisation de la puissance militaire écrasante est le seul moyen d’assurer la sécurité dans le nord d’Israël et de permettre le retour de 60 000 Israéliens évacués. Cependant, tout comme l’armement high-tech de l’armée israélienne n’a pas été en mesure de vaincre le Hamas de façon décisive après près d’un an de guerre à Gaza, il ne peut pas non plus anéantir la milice du Hezbollah, qui est plus forte et plus grande que celle du Hamas, et bien plus en capacité d’importer des armes. En outre, comme pour le Hamas, pour chaque combattant du Hezbollah tué, il y aura d’autres jeunes tellement furieux de l’offensive israélienne qu’ils seront prêts à se battre à leur place.

Si, dans un premier temps, une grande partie de la population israélienne peut être amenée à soutenir ce bombardement du Liban, d’autant plus que les politiciens parlementaires pro-capitalistes n’offrent guère d’alternative, ce soutien diminuera sans aucun doute au fur et à mesure que cette nouvelle guerre aura un impact sur le tissu social et économique d’Israël – déjà mis à mal par la guerre sur Gaza – et qu’elle n’apportera pas plus de sécurité physique à la population israélienne. Si une invasion terrestre a lieu, ce processus pourrait s’accélérer du fait des inévitables pertes en vies humaines parmi les soldats israéliens.

Ce processus s’est déroulé pendant la guerre contre Gaza : le soutien à la guerre s’est érodé dans la société israélienne au point que, début septembre, des centaines de milliers d’Israéliens ont manifesté dans les rues et que les travailleurs ont entamé une grève nationale. Ils exigeaient un cessez-le-feu afin qu’un accord puisse être conclu pour libérer les Israéliens retenus prisonniers à Gaza depuis le 7 octobre 2023.

L’armée israélienne a envahi le Liban en 1982, pendant la guerre civile de 1975 à 1990, mais un mouvement de masse contre la guerre a éclaté en Israël cette même année suite à un massacre dans les zones de Sabra et Chatila à Beyrouth par les Phalangistes chrétiens, une milice d’extrême-droite, aidées par les troupes du ministre israélien de la défense, Ariel Sharon. Le mouvement a exigé la démission de Sharon et une enquête sur le massacre.

Le gouvernement israélien s’est vu contraint de retirer ses troupes de Beyrouth et s’est vu réduit à occuper une bande de terre au Sud-Liban aux côtés de l’« Armée du Sud-Liban » chrétienne libanaise. Cette occupation, qui a duré 18 ans, est devenue un bourbier pour les forces israéliennes. Celles-ci ont perdu des centaines de soldats israéliens victimes des combattants du Hezbollah et ont fini par abandonner l’occupation sur un constat d’échec, dans un retrait chaotique et humiliant.

Le Hezbollah, « parti de Dieu », basé sur un islam politique de droite, a été créé au début de cette guerre. Il a bénéficié d’un large soutien au Liban pendant une certaine période à cause de sa résistance militaire à l’occupation israélienne. Mais les socialistes révolutionnaires avaient prévenu que sa politique pro-capitaliste et son caractère sectaire – principalement basé sur les musulmans chiites – signifieraient inévitablement qu’il deviendrait tout aussi diviseur et anti-ouvrier que les nombreux autres partis pro-capitalistes au Liban qui sont basés sur différentes factions ethniques, nationales et religieuses. Cela s’est avéré exact et, au fil des décennies, le Hezbollah est devenu l’un des principaux agents du pouvoir au sommet de la société libanaise, notamment avec des ministres au gouvernement. Il est aligné avec la théocratie autoritaire en Iran, tandis que l’armée libanaise est financée par les États-Unis, le Royaume-Uni et d’autres alliés occidentaux, illustrant l’intervention de puissances extérieures qui seront promptes à mener une nouvelle guerre par procuration au Liban – même si elles ne soutiennent pas nécessairement toutes celles qu’elles financent actuellement – si elles sentent que leurs intérêts sont menacés.

En 2006, Israël et le Hezbollah se sont de nouveau affrontés et aujourd’hui, la guerre actuelle apporte encore plus de dévastation et de souffrance. Les travailleurs libanais ne pourront contrer ces cycles d’effusion de sang qu’en construisant une alternative politique de masse, non sectaire et basée sur la classe ouvrière, à leurs dirigeants pro-capitalistes.

En 2019, un mouvement de masse a éclaté dans tout le Liban contre les hausses de taxes, le manque de services publics et la corruption généralisée au sommet de la société. Ce mouvement a dépassé les clivages sectaires en réclamant la destitution de l’ensemble de l’élite et de la hiérarchie politiques, en scandant : « Tous, ça veut dire tous, ça veut dire tous !»

Puis, en 2020, après une explosion dévastatrice d’un stock de nitrate d’ammonium dans le port de Beyrouth, d’autres manifestations de masse ont eu lieu, accusant les ministres et d’autres dirigeants, et le gouvernement a démissionné. Les travailleurs et les pauvres du Liban ont donc vécu ces moments d’un potentiel pouvoir collectif pendant lesquels ils ont résisté au « diviser pour mieux régner », une voie qu’ils devront davantage emprunter au cours de la prochaine période, en commençant par une opposition à la guerre en cours.

En Israël aussi, le mouvement contre le gouvernement doit d’urgence s’intensifier, pour renverser le gouvernement de Netanyahou, arrêter les guerres à Gaza et au Liban et les attaques contre les Palestiniens en Cisjordanie. Il est également urgent de renouveler et de renforcer les mobilisations et les actions syndicales internationales contre les guerres.

Les membres du Socialist Party et du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO/CWI) continueront à appuyer la construction de ces mouvements, tout en y défendant les idées du socialisme : les idées nécessaires à la solidarité internationale des travailleurs et la voie vers la construction d’organisations de travailleurs capables de défier et d’éliminer le capitalisme au Moyen-Orient et dans le reste du monde. Nous appelons à une confédération socialiste démocratique volontaire au Proche et au Moyen-Orient qui défende les droits démocratiques et nationaux de tous les peuples de la région.