La fondation de la 1re Internationale a été une étape majeure dans la construction du mouvement ouvrier et pour la clarification politique entre les principales tendances des courants révolutionnaires.
Les forces productives des pays capitalistes principalement en Europe et aux USA avaient déjà tellement de connexions, d’interdépendance que la classe ouvrière ne pouvait pas envisager de mener la lutte contre la bourgeoise sur la seule échelle nationale.
Article paru dans l’Égalité n°224
Les nations européennes menaient entre elles des guerres expansionnistes pour y conquérir des nouveaux territoires pour ouvrir de nouveaux marchés afin d’y investir leur capital et écouler leurs marchandises.
Après le « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » du Manifeste du Parti communiste écrit par Marx, une organisation internationaliste était indispensable pour que les travailleurs refusent de tuer leurs frères des autres pays au nom de la nation et du chauvinisme. D’ailleurs la section allemande de l’AIT a mené une lutte énergique et sans relâche contre l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine. Face aux coalitions des différentes bourgeoisies pour réprimer le mouvement ouvrier, l’AIT pouvait développer la solidarité internationale de la classe ouvrière.
L’AIT est le résultat d’un travail acharné de Karl Marx et Friedrich Engels, qui avaient fondé la première organisation internationale pour la révolution : la Ligue des communistes. Karl Marx a donné un sens concret au mot « socialisme » grâce à la dialectique et matérialisme historique. Il a démontré que la classe ouvrière était la seule à pouvoir changer le monde et la seule qui avait vraiment intérêt à renverser les capitalistes, de par son rôle dans la production et ses intérêts opposés à la bourgeoisie. Pour cela, elle devait s’organiser en parti indépendant de toutes les autres classes et avec son propre programme.
Marx et Engels ont mené une lutte sans relâche dans tous les meetings et lieux de réunions de la classe ouvrière pour gagner sa direction politique. Ils avaient le rôle aussi de rassembler autour d’eux toutes les tendances qui se disaient socialistes et du côté de la classe ouvrière.
En 1848, l’Europe connait une période révolutionnaire menée par la bourgeoisie républicaine qui entraine les masses prolétarienne – le Printemps des Peuples, qui secoua le joug des vieilles monarchies plus ou moins réactionnaires pour obtenir plus de libertés politiques en général et pour les minorités nationales en particulier.
Pour Marx, cette phase de révolution démocratique bourgeoise, la conquête de droits démocratiques qui en résultaient, tout autant que le développement du capitalisme et de son corollaire du développement de la classe ouvrière, rendait impératif que les travailleurs s’organisent dans leur propre parti afin de défendre leurs propres intérêts.
28 septembre 1864 : La fondation
C’est à la suite de rencontres à Londres de militants ouvriers européens, dont des Français avec particulier de syndicalistes anglais, qu’il est décidé de réunir un congrès qui aboutira à la fondation de l’AIT, à la constitution d’un Comité central, sur la base d’une adresse aux ouvriers européens écrit par Marx et de statuts provisoire. Un premier congrès aura lieu en septembre 1866 qui voit déjà les bases des divergences entre les collectivistes marxistes et les anarchistes, d’abord de la de la tendance française proudhonienne puis dès 1869 des collectivistes dits antiautoritaires de Bakounine, qui entraineront la destruction de l’AIT quelques années plus tard.
L’AIT a connu une ascension fulgurante parmi la classe ouvrière allant à regrouper jusqu’à plus de 6 millions de membres. Elle était haïe par les bourgeois qui ont utilisé tous les moyens légaux et illégaux pour la stopper, tant ils craignaient qu’elle puisse l’exproprier et qu’advienne la dictature du prolétariat.
Les divergences s’accentuent
L’AIT était le rassemblement de toutes les forces vives révolutionnaires, c’était une nécessité mais elle était empêchée d’avoir une unité d’action car elle rassemblait en son sein deux courants divergents.
Du congrès de fondation en 1866 à celui de la scission entre le courant anarchiste bakouniniste et les marxistes, il y aura 3 congrès durant lesquels les divergences vont s’accentuer, tout autant sur les modes d’organisation de l’AIT (fédérations autonomes contre parti centralisé), les mots d’ordre à défendre que sur les modes d’action (action direct minoritaire contre l’action de masse majoritaire) contre ou la stratégie de construction (participation à la vie politique du capitalisme en particulier dans le cadre électoral ou abstentionnisme), et enfin sur la finalité de la révolution.
Sur la base de la dialectique, les marxistes défendaient la nécessité de construire un État ouvrier dans le cadre de la révolution afin d’imposer la dictature du prolétariat qui avait pour tâche d’imposer la volonté révolutionnaire majoritaire à la minorité bourgeoise réactionnaire (le socialisme) puis de construire la société sans classe ni État (le communisme). Les anarchistes bakouninistes refusaient cette phase transitoire du socialisme et préconisaient la destruction de tout État pour aboutir immédiatement à la société sans classe ni État (l’anarchisme). Dès le congrès de Bâle de 1869, les bakouninistes sont majoritaires (63 %), contre les marxistes (31 %) et les proudhoniens (6 %).
La dislocation
Alors que le congrès qui devait se tenir à Paris en 1870 est empêché à cause de la guerre franco-prussienne, puis par la Commune et son écrasement, la section de la AIT romande (ou jurassienne) tenue par Bakounine réunit son propre congrès qui remet en cause l’action de masse au profit de l’action directe minoritaire : un état d’esprit de « révolution imminente » s’était formé. La majorité d’entre eux ne comprenaient pas que la contre-révolution avait fait gagner des années de survie au capitalisme. Le prolétariat en tant que force politique avait été anéanti pour de nombreuses années avant de pouvoir occuper le devant de la scène. Il était nécessaire d’user de patience de consolider des larges partis ouvriers à l’échelle de masse pour pouvoir conquérir le pouvoir.
La section jurassienne sera soutenue rapidement par les fédérations italienne, espagnole et française. En septembre 1871, la section jurassienne se met en marge de l’AIT en adoptant de nouveaux statuts contradictoires avec ceux de l’AIT et en refusant l’autorité du Comité central.
L’année suivante, le Congrès de La Haye de 1872, Les jurassiens veulent y faire adopter une motion antiautoritaire, sans quoi ils se retirent. Bakounine est exclu lors du congrès de La Haye de 1872 car il a maintenu sa section de l’Alliance démocratique sociale malgré son adhésion à l’AIT. Plusieurs sections se solidarisent avec les bakouninistes et quittent l’AIT pour fonder leur propre Internationale.
Le congrès de Genève de l’AIT de 1873 est un fiasco avec 35 délégués ne représentant qu’eux-mêmes. Le siège et le comité central est transféré à New-York. Le congrès de Philadelphie de 1876 décidera de la dissolution. Cependant l’Internationale anarchiste de survivra pas très longtemps (3 ans). Ce n’est que 15 ans plus tard que les conditions étaient réunies pour la naissance d’une nouvelle internationale construite par les socialistes : l’Internationale ouvrière ou 2e Internationale qui finira par trahir la classe ouvrière à l’occasion de la 1re guerre mondiale. Malgré une tentative en 1923, les anarchistes ne reconstruiront pas d’Internationale.