Guerre en Afghanistan : Un tournant dans les relations internationales

Les Etats Unis et leurs alliés sortent incontestablement renforcés par la chute du régime des Talibans. Touchés dans leur orgueil et leur prestige par les attentats du 11 septembre, ils ont réussi, temporairement, à retourner les choses en leur faveur.

Article paru dans l’Egalité n°92

L’adversaire était idéal. Très faible économiquement et militairement, isolé politiquement, ce régime hébergeait Oussama ben Laden, désigné comme suspect numéro 1 pour les attentats du 11 septembre qu’il n’a cependant jamais revendiqués. Dès lors, il était possible pour Bush et ses alliés d’utiliser le sentiment d’horreur suscité par les attentats du 11 septembre à des fins de renforcement de leur domination sur le monde.

Là où les choses se compliquent, c’est qu’il est facile de renverser un gouvernement, il est beaucoup plus dur d’en former un autre qui soit capable de diriger le pays. Surtout en Afghanistan, où plus de 20 ans de guerre ont renforcé les divisions entre différents peuples.

Au delà, les USA et leurs alliés savent très bien que « le terrorisme est la face cachée de la mondialisation » comme le disait Colin Powell en mars dernier. Le système capitaliste exige toujours plus d’injustice, de domination, de sur-exploitation des peuples des pays pauvres, autant de raisons qui peuvent pousser certains vers le terrorisme car il n’y a pas de capitalisme à visage humain. Bush veut profiter de l’avantage : les USA sont pour l’instant les maîtres incontestés des relations internationales. D’autres pays ont déjà été désignés comme cible potentielle d’autres frappes américaines même si, craignant un embrasement dans le monde arabo-musulman, de nombreux gouvernements sont assez réticents. L’Irak, c’est si facile, est cité en premier. Le pays est à genoux du fait de l’embargo de l’ONU et de la guerre du golfe, mais qu’importe, il fait une cible idéale. Et juste après des pays comme le Soudan, le Yémen… ?

Et la présence de milliers de soldats de l’ONU ne changerait pas les choses. En ex-Yougoslavie plusieurs pays (Bosnie, Kosovo) sont dans cette situation. Non seulement ces pays n’ont en général pas le droit de mener la politique qu’ils souhaitent (au Kosovo, le représentant de l’ONU dispose du droit de s’opposer à n’importe quelle décision de l’assemblée), mais la présence de l’ONU est là pour que la politique que les capitalistes souhaitent (privatisations etc.) soit appliquée. En Bosnie, le chômage est de 49 %.. Quand on sait que le représentant à l’ONU pour les Etats unis est un certain John Negroponte, ancien responsable pour les USA dans les années 80 de l’encadrement des « contras », ces groupes para militaires qui luttaient contre le gouvernement « sandiniste » au Nicaragua parce qu’il avait commencé une politique sociale (répartition des terres pour les petits paysans…).

Un plaidoyer pour le socialisme

Le résultat immédiat des attentats du 11 septembre, preuve du caractère profondément négatif du terrorisme, sera donc un certain renforcement des USA et de leurs alliés. En Israël, Sharon multiplie les provocations, auxquelles répondent assez facilement des groupes comme le Hamas dont la politique d’attentats suicides permet jusqu’à maintenant de masquer leur incapacité à offrir une solution politique autre que la guerre. Le peuple palestinien subit une répression féroce, et Arafat et les autres capitalistes palestiniens se rangent aux cotés des impérialistes, pour obtenir encore quelques fonds ?

Si la victoire des USA est réelle, elle n’est que temporaire, et elle montre que ni les chefs de guerre de l’Alliance du Nord, ni les Talibans ne sont capables d’unifier le peuple afghan dans une véritable lutte de libération nationale, c’est à dire offrir, comme cela fut le cas au VietNam, en Algérie ou à Cuba, la perspective d’un pays où l’impérialisme serait chassé, même si la réalisation d’une société socialiste, du fait de la main mise des staliniens sur la lutte populaire à cette époque, n’a pas eu lieu.

Cela montre à quel point manque une force politique, de nouveaux partis ouvriers, qui défendent réellement les intérêts des travailleurs et des jeunes. De tels partis se battraient réellement contre l’oppression, la domination des pays impérialistes, et pour un monde débarrassé du capitalisme et de sa dictature du profit.

La manifestation de Gênes en juillet dernier avait montré par sa taille que le mouvement anti capitaliste grandit. La guerre est venu le freiner, un peu. La massivité des manifestations anti-guerre en Grande Bretagne, Allemagne ou Italie, traduit la potentialité qui existe toujours. La crise économique va placer les impérialistes dans une situation délicate car la contestation s’étend dans de nombreux pays.

La guerre et ses conséquences ne peuvent que nous renforcer dans notre volonté de lutter pour une véritable alternative au capitalisme, pour un monde sans oppression, et où l’économie sera organisée démocratiquement par les travailleurs, pour la satisfaction des besoins de tous. Un tel système permettrait qu’en Afghanistan les droits de toutes les minorités soient garantis, dans la plus grande tolérance religieuse ou culturelle, loin de la dictature des chefs de guerre ou des chefs religieux que chaque pays impérialiste favorise au gré de ses besoins.

Les risques de guerre civile prolongée en Afghanistan et dans d’autres pays, les possibilités de nouvelles agressions contre des pays du monde arabo-musulman sont autant de raisons de combattre pour un tel monde.

Par Alex Rouillard