Grève au Nigéria : le gouvernement attaque les syndicats

Le Nigeria a été paralysé par une grève générale à l’appel du NLC (Nigerian Labour Congress), la principale fédération syndicale du Nigeria.

Article paru dans l’Egalité n°94

La couverture médiatique de l’événement montre que la grève, débutée le 16/01/02 a été très suivie dans tout le pays. Toutes les administrations, les industries, les banques, les marchés et magasins étaient fermés. La plupart des véhicules publics comme privés ne roulaient pas et les rues étaient totalement désertées. Il n’y a qu’une seule région qui n’a pas observé la grève le premier jour. Les dirigeants du NLC ont appelé à la grève pour obliger le gouvernement à revenir sur la hausse du prix de l’essence et du fioul de près de 20% qui avait été annoncée le 1er janvier 2002. Selon le gouvernement cette hausse était le début de la « libéralisation » de l’industrie pétrolière, dans laquelle « les forces du marché » dicteront les prix.

Le FMI, la Banque Mondiale et les créditeurs externes du Nigeria ont toujours souligné le faible prix de l’essence et du fioul au Nigeria et ont toujours demandé une augmentation comme condition préalable à tout accord sur la dette extérieure de 32 milliards de dollars. Comme dans le passé, l’augmentation a conduit à une hausse des prix du transport de 50 à 100% dans les zones rurales comme dans les zones urbaines, une flambée de l’inflation et une baisse dramatique du niveau de vie. Le premier jour de grève, le gouvernement Obasanio a aussi annoncé les détails de la troisième vague de privatisations. Cela concerne l’entreprise d’énergie du pays (NEPA), les compagnies aériennes nationales, les compagnies maritimes et 20 autres compagnies publiques.

La participation massive à la grève montre la profondeur de la colère des masses contre la flambée des prix du pétrole et les effets désastreux des autres politiques néo-libérales du régime Obasanio. Deux ans et demi après la fin du régime militaire, la population ne voit toujours aucune amélioration de son niveau de vie. Bien au contraire, les conditions s’aggravent pour les couches les plus pauvres de la population. C’est la deuxième hausse des prix du pétrole depuis l’arrivée de Obasanio au pouvoir en Mai 1999. En Juin 2000, le gouvernement a augmenté les prix de 20 naira à 30 naira par litre. Il a fallu 5 jours de grève générale pour que le prix soit réduit à 22 naira (1.32fr.). Le Nigeria renoue avec les conflits ethniques et religieux. Mais, le succès de la grève montre les capacités du mouvement ouvrier à dépasser les clivages à l’intérieur de la clase ouvrière, en les unissant autour d’une cause ouvrière commune.

Répression

Le premier jour de la grève, la police a arrêté le président du NNLC Adams Oshiomhole, Dipo Fashina (président du syndicat des personnels de l’université, ASUU) et 8 autres dirigeants syndicaux alors qu’ils s’adressaient aux travailleurs, ils ont ensuite été accusés de  » conspiration criminelle, incitation à la révolte, trouble à l’ordre public et réunion illégale « . Le magistrat les a relâchés sous caution et le cas a été remis au 19/01. Mais le deuxième jour de grève, Adams et d’autres dirigeants ouvriers ont été à nouveau arrêtés à Abuja. Le même jour le gouvernement Obasanio a obtenu un jugement de la Court suprême de Abuja déclarant la grève illégale. L’objectif étant d’intimider et de criminaliser les travailleurs. Selon un journal, 83 personnes au moins ont été arrêtées le premier jour de la grève. Dont beaucoup d’étudiants et certains de nos camarades du DSM (Democratic Socialist Mouvement, branche du Comité pour une Internationale Ouvrière au Nigeria).

Le DSM organise une campagne pour la libération de tous les travailleurs et dirigeants ouvriers encore détenus, et pour la fin de toutes poursuites contre des militants, ainsi que pour la fin de la répression d’Etat contre les syndicats et les socialistes. Il mène aussi une campagne pour les droits démocratiques : liberté d’association et de rassemblement. Le plus important est la lutte pour que la classe ouvrière ait un parti indépendant qui combattrait les politiques néo-libérales contre les pauvres mises en œuvre par tous les partis à la botte des capitalistes dans le pays. Un tel parti mettrait en œuvre une politique socialiste quand il arriverait au pouvoir.

Par Segun Sango, Secrétaire général du Democratic socialist movement, Lagos.