Grève à la RATP : témoignage d’un agent

manifestation_unitaire_2005-02-05_CGT_RATP_01Je suis agent RATP depuis 15 ans, je vends des tickets dans le métro et je veux témoigner de l’évolution ou plutôt de la régression de ce métier durant ce temps.

Je suis rentré en qualité de vendeur mais aujourd’hui mon métier est de faire de la « proactivité » ce qui veut dire « aller au devant des clients ». En bref, j’attends que quelqu’un me demande une information ou des tickets. Comme les tickets s’achètent désormais aux automates, les clients me disent souvent « à quoi vous servez alors si vous ne vendez plus ? » et il est vrai que, hormis la sécurité (obligatoire par la loi), la direction nous a clairement mis « au placard », exposés comme les mannequins aux Galeries Lafayette.

Durant un service de 7h15, on a le droit à une pause de 20 minutes maximum, la plupart du temps en « auto-relève » donc seul. Dans ce cas, on doit mettre l’ardoise indiquant que nous sommes occupés ailleurs pour ne pas perdre de « points » sur la « grille de conformité du voyageur-mystère ». Autant dire que ce « flicage » permanent est un stress de plus, une façon de nous infantiliser car il faut justifier son travail. Le compte-rendu, sous prétexte « d’aller vers du mieux avec l’agent », permet surtout à l’encadrement de bloquer son avancement puisqu’il est nominatif et reste dans le dossier pour réapparaître le jour de l’entretien annuel.

Pendant ladite pause de 20 minutes, les clients ont, malgré tout, besoin de l’ouverture du portillon pour la poussette ou d’une aide quelconque (ticket coincé ou démagnétisé, un itinéraire, une information, etc) et, que l’on soit en intervention sur un automate, aux toilettes ou en train de manger (même si la pause ne doit pas servir à manger !), on doit s’interrompre et aller aider le client, qui nous remercie d’un « vous mettez guichet fermé alors que vous êtes là, c’est du foutage de gueule ! ». Pour moi, la meilleure solution est de prendre sur soi ou de s’en foutre quand on peut encore le faire, et s’éviter un « clash » qui ne servirait qu’à s’énerver.

Des campagnes sont faites pour encourager la civilité entre clients au sein du réseau mais rien pour la civilité envers les agents de la RATP qui, par ailleurs, se font agresser de plus en plus fréquemment. A l’époque, on faisait un « Droit de retrait » en solidarité avec le collègue victime, désormais plus personne ne bouge parce qu’on n’est plus au courant de ce qui se passe dans les stations d’à côté.

J’ai pensé à changer de métier pour devenir conducteur par exemple, mais une telle demande doit être validée par le maîtrise-référent qui nous évalue dans le dossier, rarement sur le terrain, donc il vaut mieux être dans ses « petits papiers ». Puis, il nous apprend qu’avoir 10 jours ou plus de maladie durant les 2 dernières années équivaut à un refus du dossier de candidature.

Nous ne faisons plus de mouvements assez massifs car nous sommes isolés et cela aide considérablement la Direction. Comme résultat de notre obéissance :
– les salaires stagnent : 0% d’augmentation du point de base en 2 ans
– l’avancement est donné au compte-goutte : seul 30% de l’effectif peut être promu dans l’année. Gagner un niveau (environ 100 € par mois) tous les 5-6 ans est une bonne évolution selon la direction. Je suis donc un bon agent qui gagne 1800€ après 15 ans de carrière, et avec cet argent je dois vivre en Île-de-France et être véhiculé.

La direction se donne les moyens de ne plus avoir besoin de nous, ceci est clair depuis une dizaine d’années. L’effectif s’appauvrit considérablement depuis 2012. C’est 2.535 postes en moins dont il est question depuis 5 ans à la RATP, mais l’effectif reste très cohérent pour la direction malgré les prolongements de lignes de métro, les créations de ligne de tram, etc… Sur ma ligne, selon la direction, le manque de personnel est causé par les agents malades…

La RATP fait des bénéfices (375 000 000€) au détriment de nos salaires, de nos conditions de travail et de notre niveau de vie. L’enjeu est trop important pour notre avenir et ne nous permet pas de rester inertes.

Si l’argent est le nerf de la guerre pour tout le monde, les patrons se portent bien et nous demande encore plus d’effort.
Pourquoi ? Parce qu’il y a la crise ! Pour qui ? Pas pour eux !

Aujourd’hui, nous pouvons relever la tête, lutter avec dignité et dire que la Loi-Travail est une insulte que nous ne pouvons pas accepter. Soyons soudés, et tous ensemble manifestons pour la revalorisation de la valeur du point de 3%, avec une mesure bas salaires et de rattrapage de 300€ immédiatement. Et mettons un point d’honneur à avoir, et offrir à nos enfants, un avenir plus sensé que gaver des entreprises déjà trop grasses.

Je suis un citoyen, un père, un travailleur et je ne peux pas laisser ce gouvernement faire de nous et de nos enfants des esclaves ! Pour ces raisons je serai en grève, je ne serai pas payé, je le fais comme un investissement. Mais je me paye le droit de dire que je ne suis pas un objet et qu’en tant que citoyen et travailleur je ne suis pas d’accord :
– avec la Loi-Travail !
– et la façon dont elle est imposée, le 49.3 !

Steeve