EDF-GDF: le pire a été évité, mais pour combien de temps ?

En ayant un niveau constant de bonne mobilisation lors des différents temps forts depuis octobre 2002 (journées nationales de grève ou de manifestation, référendum interne sur le changement du système de retraite…), les travailleurs d’EDF-GDF ont réussi à empêcher une privatisation rapide du service public de l’énergie. Mais tant la situation comptable de l’entreprise (de nombreuses pertes suite à ses acquisitions internationales notamment), que l’exemple récent de France Telecom ou d’Air France, montrent que ce répit sera de courte durée.

Article paru dans l’Egalité n°109

Le courage des plus actifs des opposants à la privatisation a lourdement été sanctionné : de nombreuses procédures disciplinaires ont été enclenchées. La direction de la CGT a assuré tous les militants de son soutien. C’est la moindre des choses : c’est bien le refus de la CGT d’organiser un  » affrontement majeur  » comme elle le prétendait qui a facilité la tâche de la direction d’EDF-GDF. Au lieu de plusieurs dizaines de milliers de militants impliqués dans les occupations et les actions (coupures, restauration de courant), ce ne sont que les quelques milliers les plus combatifs qui se sont ainsi exposés.

Une direction de la CGT réellement contre la privatisation ?

Les dirigeants de la CGT EDF s’étaient déjà illustrés en février 2003 en appelant à voter oui, contre l’avis des syndicats CGT de base, au référendum sur le changement de statut des retraités.

Le gouvernement pressé par son agenda, a refait exactement la même chose qu’en 95 et en 2003. Il a lancé une attaque touchant tous les travailleurs (la casse de l’assurance maladie) et une attaque frontale contre un secteur public. En 95, les cheminots étaient attaqués, mais comme ils avaient compris que seuls ils ne battraient pas le gouvernement, ils ont mis au même plan leur revendication de refus de casse de la SNCF et de rejet du plan Juppé sur la Sécu.

Pour les même raisons, la même chose était faisable au printemps dernier. En mettant côte à côte le refus de la privatisation d’EDF-GDF, et la défense de l’assurance maladie, en organisant la grève de manière à l’étendre aux autres secteurs, il y avait la possibilité de stopper le gouvernement. Car seuls les agents d’EDF-GDF ne pouvaient pas gagner. Et même une grève totale, avec le courant entièrement coupé n’aurait certainement pas suffit d’autant plus que le gouvernement, relayé par tout ce qu’il y a de pro patronal dans les partis de gauche et dans les syndicats, aurait fait joué à fond la propagande sur le corporatisme.

Mais la direction de la CGT a bien retenu la leçon. Elle a refusé de faire le lien et a ainsi isolé les travailleurs d’EDF. Pire encore, les grandes manifestations nationales ont été organisées pour ressembler à de gigantesques pique-niques, où l’alcool coulait à flot, désarmant encore plus les travailleurs, émoussant leur combativité.

Pourquoi une telle tactique ?

Les actions comme les opérations Robin des Bois (restauration du courant aux personnes qui en étaient privées), ou les coupures ciblées dans les zones industrielles, notamment des entreprises qui licencient, témoigne de la compréhension de nombreux salariés d’EDF qu’ils devaient s’adresser aux autres secteurs de la population : habitant des quartiers populaires, travailleurs… Mais là encore, les dirigeants syndicaux ont maintenu un caractère complètement symbolique à ces actions, canalisant ainsi l’énergie des plus actifs des grévistes. A aucun moment ces actions ne se sont accompagnées d’un appel à rejoindre la lutte, ou d’une dénonciation claire de l’ensemble de la politique du gouvernement.

Ce que la direction de la CGT tente ainsi de masquer, c’est son refus de réellement combattre la politique du gouvernement. Car stopper celui ci sur un dossier comme EDF-GDF signifie lui infliger une lourde défaite, et ouvrir la voie à une alternative politique. C’est bien évidemment ce que les dirigeants syndicaux ne veulent pas.

La résultat est malheureusement là : la privatisation a commencé même si les travailleurs ont obligé le gouvernement a d’importantes concessions (5 000 embauches, seul 15% du capital sera accessible aux groupes financiers…). Mais on l’a vu pour les autres privatisations, cela ne s’arrêtera pas là.

Les travailleurs d’EDF-GDF n’ont pas été vaincus puisqu’ils n’ont pas eu la possibilité de réellement lutter. Dans la période à venir, la leçon d’EDF doit être comprise par tous, et rien ne dit qu’il sera impossible de mener réellement bataille pour une renationalisation.

Par Alex Rouillard