Des remous à droite, mais Sarkozy tient encore la barre

Les un an de Sarkozy à l’Elysée ont monopolisé tous les médias, mais on n’a pas beaucoup entendu parler du bilan des attaques du gouvernement. On a reparlé du « style », de la psychologie du président … mais pas grand chose sur le fond.

Pourtant cette première année a surtout vu poser les bases pour des reculs sociaux sans précédents, une année où la droite a imposé son calendrier d’attaques et son cadre idéologique. On ne parle pas du chômage, mais des « fraudeurs », on ne parle pas de services publics mais d’économies budgétaires et de « performance » des politiques publiques. On ne parle pas d’éducation mais de « coût » des élèves » etc. Sarkozy a été soutenu par la bourgeoisie française (et internationale) pour accélérer la mise en place des mesures néolibérales, c’est à dire adapter les conditions économiques et sociales pour que le patronat fasse plus de profits. La centaine de « réformes » passées en un an vont toutes dans ce sens. Cependant, la fameuse « rupture » ne se passe pas sans heurts. 

Déceptions…

Les déceptions face à la politique du gouvernement n’ont pas tardé à apparaître. Ceux, y compris parmi certains travailleurs, qui avaient cru au discours populiste sur la « valeur travail » et le pouvoir d’achat, se sont vite rendus compte que tout cela n’était que mensonge pour favoriser le patronat et les plus riches. Aujourd’hui ce sont les classes moyennes qui commencent à avoir des doutes, car elles commencent à être touchées elles aussi.

Du côté de la bourgeoisie, des doutes et des impatiences se font jour. Tout d’abord au sein du gouvernement, de plus en plus de ministres ont du mal à supporter l’omniprésence et le dirigisme de Sarkozy. Les députés UMP, quant à eux, se rendent compte que Sarkozy s’est servi du parti pour son ambition personnelle. Un article sur le blog du très libéral magazine « Valeurs actuelles » était intitulé « A quoi sert l’UMP? A rien! » cela en dit long sur le moral des militants et partisans de l’UMP. Le parti du président a perdu 80 000 adhérents en un an. Certains se plaignent du « manque de cohérence » de la politique gouvernementale à cause du grand nombre de « réformes » en cours, d’autres critiquent « l’ouverture à gauche », d’autres enfin trouvent que les réformes ne vont pas assez vite.

La réalité est qu’avec tout le volontarisme du monde, Sarkozy ne peut pas échapper à la situation économique et politique réelle. Il doit gérer l’arrivée de la crise économique mondiale, la pression des luttes, les exigences des capitalistes, et les dissensions à droite. Il est des sujets suffisamment réels pour que le fait d’avoir les médias à son service ne suffise pas. 

La droite profite du vide politique

Ceci dit, le gouvernement est grandement aidé par un facteur de poids : le manque d’alternative et d’opposition politique face à lui. Le 1er ministre François Fillon a pu déclare : “On a emmené les Français  sur le terrain idéologique que nous souhaitions ». Et ce constat est doublement vrai. A la moindre offensive du gouvernement, les directions syndicales, même au plus fort d’une grève, n’ont qu’un seul mot à la bouche : “négociations”, autrement dit, on accepte de discuter des attaques du gouvernement. Au point que sur certaines questions, des dirigeants syndicaux ont pu dire qu’ils attendaient les propositions du gouvernement avant de savoir s’ils allaient appeler à la mobilisation… Certains dirigeants syndicaux, ceux de la CFDT en tête mais pas seulement, acceptent par avance certaines attaques comme la casse des retraites. Et quand cela se voit quand même un peu trop, les directions syndicales appellent
à des “journées de mobilisation” mais sur des mots d’ordre très confus, quasi démobilisateurs.
Ainsi, la direction de la CGT a absolument tenu à avoir la CFDT dans l’appel à une “journée de mobilisation” sur les retraites le 22 mai (qui heureusement est journée de grèves dans certains secteurs). Le mot d’ordre ? “Pour une retraite solidaire”, et la position du gouvernement y est qualifiée de “blocage”… Une telle combativité doit plaire à Fillon.

D’autre part, il n’existe pas de voix politique indépendante s’exprimant pour défendre les travailleurs contre ceux des capitalistes. Le débat politique est dominé par des forces qui toutes ont accepté de gérer le capitalisme.

La dernière « déclaration de principe » du PS confirmant sa conversion au capitalisme, montre qu’il ne représente donc en rien une réelle menace. Il essaie même d’être un partenaire de l’UMP, sentant certainement pousser un vent de révolte à sa gauche. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les débats sur la réforme des institutions ou J.M Ayrault (président du groupe PS à l’assemblée) a interpellé la droite en disant qu’ils avaient fait des propositions et sont prêts à voter le texte (alors que la droite est divisée sur le sujet…) ou sur le RSA. Ségolène Royal a déclaré dans Le Monde du 11 mai : « Si le gouvernement veut réellement compléter et améliorer le fonctionnement (du RSA), nous sommes prêts à y contribuer. Ne laissons pas dévoyer aujourd’hui cette belle idée » (pour l’analyse du RSA voir l’article page 4). Et la droite ne manque pas de souligner le fait que le PS n’a pas de propositions concrètes alternatives
aux attaques du gouvernement. 

Des « bourdes » et des couacs…

Mais il ne faut pas s’y tromper, les bourdes et autres couacs des ministres et élus UMP ne doivent pas laisser croire qu’il y aurait une faille majeure dans la bourgeoisie française. Il y a divers courants, des centristes à la droite souverainiste, mais leurs divergences ne reflètent que la concurrence propre au capitalisme. Il y a même certainement, une part de tactique de la part du gouvernement et de Sarkozy, qui consiste à lancer des propositions pour tester la réaction de la population et évaluer sa marge de
manœuvre (par exemple pour les allocations familiales ou la carte famille nombreuse de la SNCF).

Mais le « style » Sarkozy a un fond politique. C’est celui d’une conception autoritaire, y compris et surtout dans son propre camp, de la manière de mener sa politique. Face aux travailleurs et à la population, cela contient une certaine dose d’aventurisme. Poussant la tension à son extrême, Sarkozy fait grincer des dents parmi le patronat français ou à l’UMP. Nul doute que si les choses se compliquent très sérieusement, et qu’une crise sociale pointe son nez, alors tous ceux qui ont pris le yacht de luxe avec Sarko lors de la présidentielle pour profiter des postes et des fonctions, seront les premiers à le lâcher.

Les travailleurs et les jeunes ne peuvent pas se reposer sur les divisions de la bourgeoisie pour lutter contre le capitalisme, mais elles peuvent parfois être exploitées en notre faveur surtout dans des situations de tension sociale. Nul doute qu’avec l’aggravation de la crise économique, ces divisions vont s’approfondir. Il s’agit alors pour nous de s’organiser dès aujourd’hui pour pouvoir les utiliser le moment venu.

Par Virginie Prégny, article paru dans l’Egalité n°213