Chine : face aux crises de la direction du PCC, la colère de classe monte

L’État dominé par le Parti « communiste » chinois (PCC) est confronté à une baisse de son soutien dans la société. Pendant des décennies, les dirigeants du PCC se sont appuyés sur la croissance économique pour maintenir leur légitimité ; toutefois, ce modèle n’est plus aussi puissant qu’auparavant. Les problèmes sociaux sont de plus en plus visibles et le cycle de la crise capitaliste s’est considérablement accéléré.


Article de Lence Law, publié le 31 janvier 2024 sur socialistpartyscotland.org.uk. Le Socialist Party Scotland est l’organisation sœur de la Gauche Révolutionnaire en Écosse.

Depuis la politique de « réforme et d’ouverture » de 1978, et jusqu’à la réforme de Jiang Zemin à la fin des années 90, la classe dirigeante de l’État qui avait vu le capitalisme et la propriété foncière abolis dans les années qui ont suivi la révolution chinoise de 1949 est devenue une forme particulière de capitalisme contrôlée par les bureaucrates du PCC, qui n’est pas la même que celle des États capitalistes occidentaux, mais il n’y a pas de différence dans l’exploitation de la classe ouvrière.

Ils se cachent derrière un discours aux accents « socialistes » et utilisent la croissance économique pour combler le fossé grandissant entre les riches et les pauvres. Cependant, avec la taille et le pouvoir croissants du prolétariat chinois, résultant de l’urbanisation rapide des 30 dernières années, les conflits sociaux et la remise en question croissante du caractère de la classe dirigeante chinoise rendent cette récente crise sociale plus marquante pour la classe ouvrière.

Début 2024, l’économie chinoise est toujours en crise et la qualité de vie des travailleurs et des jeunes ne s’améliore pas comme l’avait promis le gouvernement. Le gouvernement chinois a annulé la politique de confinement sous la pression de la contestation dite « révolution A4 » (appelée ainsi car la plupart des manifestants brandissent une feuille A4 vierge de toute inscription, une méthode prudente pour dénoncer la censure débutée le 25 novembre 2022). Ensuite, l’économie a connu un rebond à court terme.

Toutefois, cette vague de reprise a été beaucoup plus courte et moins importante que celle de 2020. À cette époque, les gens s’attendaient à retrouver une « vie normale » et pensaient que des revenus plus élevés à l’avenir couvriraient leurs emprunts et leur apporteraient une vie meilleure. Pourtant, deux ans plus tard, les zones urbaines et rurales sont confrontées à une crise et à une augmentation de la pauvreté.

En conséquence, de nombreux jeunes couples chinois ont renoncé à avoir des enfants. La société chinoise est aujourd’hui confrontée à la première baisse de population depuis 1962. Pour les mêmes raisons, sous l’impact de la détérioration de la qualité de vie, les Chinois sont moins enclins à acheter des maisons et consommer : les jeunes cherchent à réduire leurs dépenses, ce qui entraîne une baisse de la consommation.

Le gouvernement chinois a essayé de stimuler le marché, mais les gens sont moins disposés à dépenser leur argent. L’économie est même confrontée à la crise déflationniste, qui conduit à des exportations et des investissements inefficaces.

Une autre crise à laquelle est confrontée l’économie chinoise est celle du secteur de l’immobilier. Ce phénomène, qui existait déjà avant la pandémie, s’est accéléré depuis que la majorité de la population chinoise a perdu sa capacité à rembourser ses dettes.

Au cours des 30 dernières années, l’industrie immobilière a été liée à la croissance de l’économie et à l’urbanisation rapide, et a été considérée par la classe dirigeante comme un moyen de réaliser des investissements financiers plutôt que des lieux de vie.

Sous l’illusion d’une croissance rapide, la classe ouvrière et la jeunesse chinoises doivent vider « 6 portefeuilles », soit 2 portefeuilles d’un couple et un portefeuille de chacun de leurs parents, pour acheter une maison et s’endetter pour 30 ans. Cette industrie carnassière a atteint ses limites. Le lourd endettement a eu un impact négatif sur la qualité de vie, a creusé le fossé entre les riches et les pauvres et a également accentué la baisse de la consommation dans le pays.

La durée du travail extrêmement longue des travailleurs chinois ne fait qu’aggraver la situation. En 2023, le nombre moyen d’heures de travail a atteint 48,7 heures par semaine. La crise économique exerce une pression accrue sur la classe ouvrière, ce qui explique les bas salaires, les longues heures de travail et le chômage.

En juin 2023, le taux de chômage des jeunes dépassait déjà les 20 % et le taux de chômage global atteignait 5,5 %. L’oppression des travailleurs fait que les gens n’ont ni le temps ni l’argent pour consommer.

Les budgets des gouvernements provinciaux en Chine sont également confrontés à une crise. Les gouvernements locaux s’appuyaient sur la « finance foncière », extrêmement dépendante des secteurs de l’immobilier et de la construction. L’endettement des gouvernements locaux et provinciaux a grimpé en flèche. La pression sur les revenus financiers pousse les gouvernements locaux à chercher un moyen de faire des coupes telles que la réduction des dépenses pour les soins médicaux, la diminution des salaires des fonctionnaires, etc.

Éviter la crise

Dans ce contexte, l’État dirigé par le PCC intervient de plus en plus pour tenter d’éviter la crise financière, économique et sociale. Avant la pandémie, le gouvernement chinois, confronté à la bulle immobilière, a réagi en faisant baisser les prix de l’immobilier, avec pour slogan : « Un logement pour vivre, pas pour spéculer ».

Cette réforme comprend des mesures telles que l’introduction d’une taxe foncière, des restrictions sur le nombre de propriétés pouvant être détenues, etc. Le PCC espère que cette réforme permettra d’apaiser le conflit social et d’attirer davantage d’investissements dans l’industrie de haute technologie plutôt que dans l’immobilier qui est déjà en danger.

Face au dilemme social, économique et financier, les bureaucrates capitalistes et leur appareil d’État perdent la confiance de la société. Selon le China Labour Bulletin, le nombre d’incidents liés aux luttes des travailleurs en 2023 est de 1779, contre 831 en 2022. En 2018, avant la pandémie, le nombre d’incidents était de 1883. Il n’y a pas encore eu de changement qualitatif dans le nombre de luttes ouvrières.

D’autre part, cette force de la classe ouvrière, encore faible mais croissante, a poussé la classe dirigeante à agir dans les médias et la propagande. Le PCC ne se contente pas d’utiliser le nationalisme et le récit du « grand rajeunissement de la nation chinoise », mais tente également de séduire l’opinion publique qui se développe vers la gauche.

Les idées « anticapitalistes », la référence de plus en plus fréquente à la théorie marxiste dans les annonces officielles et, à quelques reprises seulement, le soutien aux travailleurs pendant les grèves, ont montré un changement récent de la part de la classe dirigeante.

Cette stratégie ne vise pas seulement à atténuer le conflit de classe, mais aussi à maintenir sa légitimité, à se revendiquer comme un parti « révolutionnaire ». Jusqu’à présent, cette stratégie fonctionne toujours. De nombreuses personnes en quête de réformes sociales sont prêtes à croire que le Parti communiste chinois peut améliorer la société. Mais d’un autre côté, cette action visant à renforcer sa légitimité est un signe de faiblesse qui finira par saper cette même légitimité.

Marxisme

La prétention des capitalistes bureaucrates à défendre le marxisme et la révolution est ironique, car ce sont les idées du marxisme authentique qui mettront un terme à leur domination. Des contradictions similaires se retrouvent dans toute la société chinoise moderne. Par exemple, à la fin de l’année 2023, plus de 10 000 personnes se sont rassemblées à Shaoshan, dans le Hunan, pour appeler à une nouvelle révolution.

Des événements similaires ont eu lieu dans tout le pays et plus d’un million de personnes y ont participé en ligne. Ces manifestations révolutionnaires de gauche sont principalement influencées par les idées maoïstes, mais le soutien à l’idée d’une nouvelle révolution pour la classe ouvrière chinoise y est largement répandu.

Le PCC n’a pas pu les interdire car elles avaient lieu le jour de la commémoration de la naissance de Mao Zedong, le 26 décembre. Pour la manifestation de 2023, il s’est agi du plus grand rassemblement jamais organisé, et la proportion de jeunes a considérablement augmenté.

Dorénavant, la classe ouvrière et la jeunesse chinoises se battent pour des syndicats indépendants contrôlés par les travailleurs et pour le droit de réunion. Cela les amènera de plus en plus à se heurter au PCC et à sa rhétorique « marxiste ».

Avec cette prise de conscience croissante, le soutien à la propriété collective, à la démocratie sur les lieux de travail et aux idées marxistes révolutionnaires authentiques finira par devenir la force la plus importante au sein de la classe ouvrière. Il s’agit d’un combat de longue haleine. Le chemin est tortueux, mais l’avenir est prometteur.