Afin de répondre aux exigences du patronat, le gouvernement va faire passer un décret qui permettra aux patrons des PME d’obliger leur salariés à accepter plus d’heures supplémentaires sans que cela ne soit assorti d’une amende pour le patron, comme c’était le cas jusqu’alors et surtout sans compensation salariale.
Article paru dans l’Egalité n°89
Une fois de plus, Jospin est à la pointe de l’attaque contre les acquis des travailleurs. Le contingent d’heures supplémentaires va donc passer de 130 heures annuelles à 150 voire 180 heures. Les heures supplémentaires étaient le seul domaine non encore conforme aux désirs des patrons, voilà qui est chose faite. Avec la crise économique qui se profile les patrons vont de plus en plus tirer sur la corde de la flexibilité ; grâce au gouvernement ils vont en plus pouvoir économiser sur les charges sociales et tout cela sans bien sûr avoir à embaucher. La réaction de la droite à cette annonce a été sans surprise puisque le RPR demande un moratoire sur les 35 heures dans la fonction publique et les PME. En fait, la loi Aubry étant adaptée aux besoins des entreprises, la droite ne peut qu’y faire des amendements de forme et de principe, visant à laisser encore plus de liberté aux patrons.
En ce qui concerne la fonction publique, le problème est encore plus épineux puisque la loi Aubry n’est pas encore appliquée, seuls les ministères de la Défense et de l’Environnement ont signé un accord, les autres butent encore sur la question des créations de postes. Dès le début, la loi Aubry prévoyait que l’application de la RTT dans la fonction publique se ferait à effectif constant. Le gouvernement essaie donc depuis plusieurs mois de trouver une astuce pour faire passer la pilule en douceur pour se conformer aux directives européennes de réduction des dépenses de l’état. Les négociations vont donc bon train. Dans la santé, Guigou et Kouchner proposent la création de 40.000 postes, ce qui correspond environ un taux de 5.3% de création d’emplois alors que la loi en prévoit 6% (environ 50.000 postes) et que les cliniques privées ont été gratifiées de 7% de création de postes., sachant que cela n’avait pas été prévu et que le nombre de places en écoles d’infirmières ou aux concours de médecine n’ont pas été augmentés. Ce taux ne prend bien sûr pas en compte les besoins réels en personnels de santé qui sont chiffrés au plus bas par les syndicats à 80.000 postes.
Un numéro d’équilibriste dangereux pour le gouvernement
Jospin ne veut pas avoir à essuyer un mouvement dans les hôpitaux, secteur qui recueille la sympathie de la population. Il va donc « lâcher du lest » sur la santé tout en restant très ferme dans les autres secteurs de la fonction publique, qui n’auront même pas droit à des négociations (cf. ministère de l’environnement). La signature bloque aussi dans les finances sur la même question des créations de postes.
Le deuxième problème auquel se retrouve confronté le gouvernement est la question du financement de l’application des 35 heures à la fonction publique, puisque, toujours en vertu des directives européennes et des restrictions budgétaires, le budget de la fonction publique ne peut pas être augmenté de façon conséquente. En outre la Sécurité sociale ayant été ponctionnée pour financer les 35 heures sauce Aubry dans le privé, les cotisations salariales ne suffiront pas, semble-t-il, à rétablir l’équilibre. Enfin l’hypocrisie de la Gauche plurielle est sans nom puisqu’elle veut faire croire aux fonctionnaires que les 35 heures vont être une avancée sociale alors que dans le même temps, pour rester dans les normes européennes, sa politique depuis 97 consiste en cadeaux pour le patronat, restrictions budgétaires et privatisations. De plus c’est le même gouvernement qui va négocier au niveau international l’AGCS (Accord Général sur le Commerce et les Services) qui vise à « ouvrir à la concurrence » (en langage clair privatiser) tous les secteurs du public qui ne le sont pas encore.
Jospin a été assez fin pour programmer ses attaques de manière séparée, secteur par secteur, en s’appuyant sur certaines aspirations des travailleurs et la complicité de certaines bureaucraties syndicales. Pour ménager la chèvre et le choux, le gouvernement marche sur des œufs. Il peut être obligé à des reculs ou des concessions. Les syndicats de la fonction publique hospitalière ont d’ores et déjà déposé un préavis de grève pour le 20 Septembre qui sera peut être suivi par les Finances. D’autres journées d’action syndicale sont prévues mais de façon isolée. Or ces attaques forment une politique cohérente que le gouvernement Jospin continuera d’appliquer si un mouvement d’ensemble des jeunes et des travailleurs ne le stoppe pas.
Par Virginie Prégny