1991 : chute de l’U.R.S.S., un recul pour la classe des travailleurs

Tank dans les rues de Moscou, 1991

Durant les années 1980, les difficultés que rencontrait l’URSS n’avaient fait qu’empirer. Malgré les très grands acquis qu’avait permis la construction du 1er État ouvrier suite à la grande révolution d’octobre 1917, celui-ci avait dégénéré suite à sa prise en main par la bureaucratie, avec Staline à sa tête. L’économie nationalisée avait permis de formidables avancées et un développement du pays à un rythme inégalé dans l’Histoire.

Mais la planification se faisait sans démocratie, et au fil du temps, uniquement en fonction des intérêts des bureaucrates, véritable caste parasitaire s’appropriant les meilleurs produits au détriment des travailleurs et du peuple. La société étouffait sous le régime autoritaire et finalement, toute l’économie aussi qui ne parvenait plus à fonctionner correctement. L’URSS devint exsangue, sclérosée par sa nomenklatura, la corruption, le résultat extrêmement coûteux de la guerre en Afghanistan et de la course à l’armement contre les forces de l’OTAN. Les biens de consommation manquent cruellement à la population.

Les bureaucrates au sein du Parti Communiste de l’Union Soviétique (PCUS) cherchaient un moyen de préserver leur position tout en faisant évoluer les choses. Ils n’avaient ni plan, ni méthode ; incapables d’enclencher des réformes démocratiques qui auraient rapidement donné au peuple le moyen de contester leurs positions. La brutalité, l’autoritarisme, et l’amateurisme hérités de Staline restaient leur seule manière de faire.

Le 11 mars 1985, Mikhaïl Gorbatchev est élu à la tête du PCUS. Il met en place une politique connue sous les noms de Glasnost (« ouverture », visant à une plus libre circulation de l’information) et Perestroïka (« reconstruction », politique en fait libérale quant à l’économie). Leur crainte était une révolution politique venue d’en bas, par les masses.

Une fin en chaos

Mais les privilèges des bureaucrates ne furent pas diminués. Gorbatchev se faisait construire un château et apparaissait comme un mou pour la majorité des soviétiques. C’est le président de la République de Russie, Boris Eltsine, qui avait une certaine popularité en menant bataille ouvertement pour l’abolition de l’article 6 de la constitution (qui interdisait tout autre parti que le PCUS aux élections).
Il y avait donc un bouillonnement politique. Déjà en 1989, en Allemagne de l’Est, en Tchécoslovaquie… les travailleurs avaient mené des luttes de masse pour réformer leurs pays et obtenir un socialisme démocratique. La bureaucratie au pouvoir avait refusé d’accepter ces demandes et finalement, avait laissé s’écrouler l’État, entraînant la restauration du capitalisme.

En URSS, les racines de l’État ouvrier étaient plus profondes encore et l’immensité du pays rendait la situation encore plus complexe. En mars 1991, un référendum demandant notamment « Pensez-vous qu’il est essentiel de préserver l’URSS sous forme d’une fédération renouvelée » avait obtenu 77,8 % de « Oui ». Les soviétiques, dans leur écrasante majorité ne voulaient pas la fin de l’URSS, mais ils en avaient tellement assez des pénuries que déjà de nombreuses grèves avaient éclaté, notamment parmi les mineurs du Kouzbass.

Mineurs du Kouzbass, 11 juillet 1989 – Sur la banderole : « Nous tiendrons jusqu’au bout »

Mais la bureaucratie n’appliqua jamais cette volonté populaire. Au contraire, elle discutait du rythme auquel elle allait démanteler l’URSS. Gorbatchev représentait l’option la plus rapide et donc la plus aventuriste.

Le 19 août 1991, 8 dirigeants de la bureaucratie (KGB, Armée…) et du PCUS tentèrent un putsch en arrêtant Gorbatchev. Ce fut perçu par les travailleurs des grandes villes comme une tentative de supprimer les libertés et de conserver les privilèges. Des milliers de travailleurs se mirent en grève, des centaines de milliers manifestèrent.

Au lieu de ralentir le processus pour le contrôler, cette tentative de coup des 8 n’a fait que l’accélérer. Ils ne tinrent que quelques jours, puis furent arrêtés mais jamais menacés. Désormais, la porte était ouverte pour que les arrivistes et ultra-libéraux comme Eltsine prennent en main les choses et fassent une marche forcée vers le capitalisme. Il ne fallu que quelque mois : le 21 décembre, le PCUS était dissout et le 25 décembre 1991, Gorbatchev proclamait la fin de l’URSS.

Ce fut le début d’une entrée sauvage et destructrice du capitalisme en ex-URSS. Les grands bureaucrates volèrent littéralement les entreprises publiques, s’en déclarant propriétaires, appuyés par des bandes armées. Le PIB a baissé de 7,5 % par an en moyenne entre 1990 et 1998, avec parfois 2000 % d’inflation par an. Dans les autres républiques, la situation était encore pire. En Géorgie, en une seule année, l’économie a chuté de 50 % en 1992.

La défaite du stalinisme, pas celle du socialisme

Dès 1990, notre internationale, le CIO, avait envoyé des militant-e-s en URSS. Autant qu’ils ont pu (il était à ce moment là impossible d’éditer des tracts), ils ont noué des liens avec les travailleurs, développé les analyses de Trotsky (nos militants ont effectué la 1ère édition, encore clandestine en URSS, de l’ouvrage majeur de Trotsky, La révolution trahie) sur les tâches de la révolution politique à mener : chasser la bureaucratie, restaurer le pouvoir des soviets et des comités d’usine, instaurer une planification démocratique de l’économie. Mais les travailleurs et la population soviétique en avaient tellement assez de la bureaucratie qu’ils voulaient malheureusement expérimenter le mode de vie de l’Ouest, sans savoir évidemment qu’ils ne l’auraient pas.

Le terrible chaos dans lequel a été plongée l’ex-URSS a amené son cortège de racisme, de montée nationaliste, tandis qu’une classe de bourgeois ultra-riches et puissants (les oligarques qui avaient volé les anciennes entreprises d’État) a fait sa loi. La politique que mène Poutine aujourd’hui s’inscrit dans la même ligne que Eltsine avant lui.

La restauration du capitalisme en URSS a été une catastrophe et un recul pour la classe ouvrière dans le monde. Mais elle ne représente pas un échec du socialisme. Les animateurs de la révolution d’octobre 1917 tels Lénine et Trotsky disaient toujours que le socialisme n’est pas possible si la révolution ne s’étend pas aux autres pays. La fin tragique de l’Union soviétique est bien au contraire la démonstration finale de la faillite des méthodes bureaucratiques et autoritaires des staliniens, qui n’ont jamais permis d’avancer vers le socialisme, mais au contraire en ont dénaturé le sens et les méthodes.

Article paru dans l’Egalité n°206