1793, Il y a 230 ans la constitution la plus démocratique que la France ait connu à ce jour

« La fête de l’Unité » du 25 Thermidor an I (10 août 1793), qui commémorait la chute de la Monarchie le 10 août 1792, marque l’acceptation de la Constitution Républicaine

La Révolution de 1789 est l’un des évènements les plus marquants de l’histoire. Elle aura une influence colossale sur l’Europe et dans le monde. Les évènements ont conduit à une lutte pour le pouvoir entre la royauté et le « Tiers-État ». La bourgeoisie veut le pouvoir politique pour pouvoir renforcer la propriété privée. En Angleterre, elle s’est finalement accommodée avec la royauté. Mais en France, c’est l’action des masses qui va conduire aux épisodes insurrectionnels dès 1789 et permettre, le 4 août, d’abroger les privilèges des ordres dominants. La bourgeoisie devient la classe dominante. Cette période révolutionnaire est riche en leçons pour les combats à venir car c’est aussi l’émergence politique de la classe des travailleurs.

Les Sans-culottes, prémices des luttes du prolétariat

C’est dans les faubourgs qu’on retrouve les foyers les plus importants des révolutionnaires. Avant la Révolution, la misère se développait très rapidement, le compagnonnage et les corporations ne permettaient pas de donner un travail à tout le monde. Les artisans étaient de plus en plus limités et les faillites se multipliaient. Les millions de paysans souffraient, la noblesse en crise les dépouillant de leurs récoltes. Au final, des millions de personnes étaient réduites à la mendicité dans les rues des grandes villes. L’essor de manufactures, tenues par la bourgeoisie, permet la création d’une nouvelle classe sociale, celle qui vend sa force de travail. Si un début de classe ouvrière se formait à la fin du XVIIIe siècle, elle n’était pas aussi développée qu’aujourd’hui car le capitalisme n’était lui-même pas développé, son développement freiné par le système féodal. C’est pourtant cet embryon de la classe ouvrière qui s’organise et forme les premiers rangs des « Sans-culottes », entraînant une partie de la paysannerie dans sa lutte contre l’exploitation et la pauvreté.
Le premier objectif des Sans-culottes était de trouver les armes afin de lutter contre le pouvoir royal, mais aussi de défendre ses propres intérêts, en tant que frange la plus opprimée de la population, et par là-même de peser sur la révolution et sur la bourgeoisie. Quand le roi complote pour faire intervenir les armées royalistes étrangères contre la Révolution, ce sont encore les Sans-culottes qui repoussent les armées. Ils font aussi signer, dans toutes les sections de Paris, une pétition pour faire abdiquer le roi. Face à la puissance menaçante des masses et des Sans-culottes, la bourgeoisie se divise politiquement. À droite de l’Assemblée, les Girondins tentent un coup de force pour arrêter la révolution et la limiter à ce qui avait été acquis en 1789, en s’opposant notamment à la mise à mort du roi. Face à une tentative de coup judiciaire sur Marat, la Garde Nationale et les Sans-culottes envahissent l’Assemblée et arrêtent les dirigeants des Girondins. Les députés Montagnards et Robespierre, en haut à gauche de l’Assemblée, avec l’appui de la Commune de Paris et les Sans-culottes, prennent le pouvoir à l’Assemblée. Une bataille commence pour une nouvelle Constitution.

La Constitution de 1793, fruit de la lutte de classes

Dès les premiers articles, les deux Constitutions proposées représentent le poids politique des classes sociales. Celle proposée par les Montagnards évoque que « le but de la société est le bonheur commun » qui repose sur la garantie des droits : « l’égalité, la liberté, la sûreté et la propriété ». La Constitution de 1789, elle, évoquait des droits inaliénables que sont « la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ». L’ordre est révélateur. Pour les Montagnards, se faisant l’écho des Sans-culottes, l’égalité devance la liberté d’exploiter.
En opposition aux souhaits de la bourgeoisie la plus libérale, les Montagnards se faisaient aussi le relais politique des Sans-culottes sur les droits démocratiques et politiques, cette Constitution se voulait garantir dans les libertés collectives le droit de se réunir, de militer, le droit de pétition. Tous ces droits étaient garantis pour la Constitution proposée.
L’État se devait d’être protecteur : « La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler » (art. 21). Il faudra attendre plus de 150 ans pour arracher le droit de percevoir le chômage en France !
Sur la démocratie, les Sans-culottes voulaient aller bien plus loin que la bourgeoisie ne l’a jamais voulu, en luttant pour la mise en place du principe de contrôle et de révocabilité des élus par le « peuple souverain ». Un principe démocratique qui a été la base du pouvoir des Soviets dans la Russie révolutionnaire de 1917. Pour garantir tous ces droits, les Montagnards savaient que seul le peuple avait cette force, le dernier article, le 35 est très célèbre : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable ». Cette Constitution ne sera jamais appliquée, car la droite fera tomber les Montagnards et Robespierre pour revenir à ce que la bourgeoisie avait initialement instauré.
Néanmoins, à peine la lutte contre la tyrannie des nobles achevée, la lutte des travailleurs contre l’exploitation commençait de manière brutale et puissante, donnant à la France une tradition de lutte pour les siècles à venir.