Pourquoi Sarkozy a-t-il gagné ?

Force est de constater que la politique de division de Sarkozy a fonctionné. En jouant ainsi sur des thèmes comme « l’identité nationale » ou « l’immigration choisie et non subie », il a non seulement pu attirer toute une partie des électeurs de l’extrême droite tout en versant une larme pleine de fausses promesses sur les femmes opprimées dans le monde, mais il a pu jouer également sur une vieille stratégie de division utilisée depuis des lustres par les classes dirigeantes.

Article paru dans l’Egalité n°125

Autour de cette idée de la nation, ils veulent ainsi nous faire considérer qu’il y a les Français et les autres, unis par une histoire, des valeurs et une culture communes ; comme si la classe ouvrière française avait davantage de points communs et d’intérêts avec les capitalistes nationaux qui l’oppriment qu’avec les autres travailleurs du monde. Alors que justement cette histoire n’est que l’expression même de l’exploitation d’une classe sociale par une autre. Mais faute de réponse à gauche, ceci a pu jouer.

Même principe de division entre les chômeurs et les autres. Mais de manière habile, en ne centrant pas sur le chômage ou le problème de l’emploi, pour lesquels les capitalistes n’ont aucune réponse, mais avant tout sur le pouvoir d’achat des salariés, des précaires ou des travailleurs pauvres notamment. Les privés d’emploi apparaissant implicitement comme des fainéants qui profitent d’un système, sur le dos de ceux qui travaillent. Sarkozy a ainsi pu dérouler son idéologie individualiste où le mérite personnel est la seule base valable et où le collectif n’apparaît que comme source de gâchis et d’injustice. L’aide sociale a ainsi cédé le pas dans le vocabulaire au terme dépréciatif « d’assistanat ».

Mais ceci n’a été possible que par l’absence totale de propositions alternatives de la part de l’ex-gauche plurielle. Des propos nauséabonds sur l’identité nationale ? Réponse : un drapeau tricolore dans chaque famille. Une stigmatisation des sans papiers ? Réponse : maintien de l’injustice du cas par cas. Remise en cause des régimes spéciaux des retraites ? Réponse : remise en cause des régimes spéciaux des retraites, mais avec l’aide des directions syndicales. La liste pourrait être longue, tant le programme du PS semble être un décalque à peine plus light de celui de l’UMP.

Sarkozy a eu donc tout le champ libre pour présenter sous des atours teintés du bon sens populaire un véritable programme d’attaques de droite dure, « décomplexée ». Jusqu’à pouvoir jouer sur les contradictions du PS et le bilan de la gauche plurielle. En reprenant les conséquences désastreuses pour certains travailleurs des lois sur les 35 h, qui ont de fait favorisé le patronat en accentuant la flexibilité, Sarkozy a pu avancer une solution de droite pure -favoriser les heures supplémentaires, « travailler plus pour gagner plus » – la remplaçant à l’ancienne revendication des travailleurs « gagner plus et travailler moins pour combattre le chômage », escamotant ainsi complètement la lutte contre le chômage. Alors que l’urgence de construire une alternative contre les licenciements, le chômage notamment, la candidate du PS va même chercher les mots dans la bouche de son opposant : comment être crédible quand on prétend représenter une alternative à la droite tout en parlant d’ « assistanat »? On connaît tous maintenant le fameux proverbe entre l’original et la copie…

Des luttes en perspective

Certes Sarkozy est revenu sur sa volonté d’attaquer le droit de grève dès juillet en préférant attendre la rentrée pour ne pas mettre les directions syndicales le dos au mur et pour pouvoir jouer sur leur complicité. Il n’en reste pas moins que son arsenal d’attaques massives va désillusionner une partie de son électorat qui rejoindra peut-être l’opposition des jeunes et des travailleurs qui s’est exprimée dès l’annonce des résultats. Ne soyons pas défaitistes : malgré des discours tout aussi triomphalistes que ceux de Sarkozy, les gouvernements de 86 ou 95 ont fini battus par une riposte massive.

Pour un nouveau parti des travailleurs

Sarkozy a été élu malgré la colère croissante contre les mesures du gouvernement Villepin, la révolte des cités en 2005, le mouvement contre le CPE en 2006, la popularité de la cause des sans papiers. Car toutes ces luttes n’ont débouché sur rien de concret, encore moins sur une réelle perspective à la politique de droite. Le PS ne peut en constituer une. Plus que jamais, le vide politique se fait payer. Ce dont on a besoin, c’est d’un vrai parti qui défende les intérêts des jeunes et des travailleurs, sans compromission avec le capitalisme et contre ceux qui prétendent qu’il faut être raisonnable et accepter ce système.

Par Geneviève Favre