La crise du capitalisme, la pire depuis celle de 1929, continue de faire des ravages et de justifier des politiques d’austérité sans précédent contre les travailleur, en France et dans de nombreux pays. Ceci a entraîné à la fois des mobilisations de masse (comme la Grèce le montre encore ces jours-ci) mais aussi de nombreuses difficultés, encore présentes aujourd’hui. Il y a d’un côté une rage et une colère contre ce système, les politiciens à son service, les banques etc. et de l’autre une incapacité à pouvoir agir du fait de l’inertie des directions nationales des syndicats et des partis dit de gauche.
Les travailleurs se retrouvent sans outil politique pour élaborer une stratégie collective et un programme pour leurs luttes. L’absence d’un parti de lutte des travailleurs et de la jeunesse entraîne de nombreux autres problèmes, notamment qu’il n’y a pas de voix indépendante qui parle à une échelle de masse dans le débat politique national qui est largement dominé par des partis se plaçant dans le cadre du capitalisme et n’offrant aucune perspective réelle autre que différentes formes d’austérité. La nécessité d’une alternative au capitalisme, de la construction d’une société socialiste et démocratique, où l’économie sera planifiée et organisée démocratiquement par les travailleurs eux mêmes, en lien avec la population, permettant de satisfaire tous les besoins et de tenir compte de tous les critères (énergétique, sociaux, environnementaux etc.), n’apparaît pas dans les discussions politiques et n’est donc pas appropriée par les travailleurs, la jeunesse et les autres couches de la société. Cette question n’est pas nouvelle, depuis la faillite finale du stalinisme et la conversion totale du PS au capitalisme (sans que le PCF ait rompu avec lui), il n’y a plus de parti qui représente, même partiellement, les travailleurs, et plus généralement, tous les opprimés et leurs intérêts. C’est pour cela que depuis des années, la Gauche révolutionnaire (tout comme les autres sections de son internationale, le Comité pour une internationale ouvrière, CIO/CWI) défend la nécessité de nouveaux partis de masse des travailleurs et de la jeunesse, partis de lutte contre le capitalisme et pour le socialisme. C’est pour cela que, quand a été lancée l’idée d’un nouveau parti, le NPA, qui s’adresse réellement à la masse des travailleurs, des jeunes et des opprimés, nous avons dès le départ annoncé que nous y étions favorables et que nous voulions participer à le construire.
Nous avons donc participé aux débats et aux instances nationales du NPA, y compris dans la période précédent sa fondation, participé aux débats sur ses textes, écrit de nombreuses contributions et milité activement pour le parti. Pour nous, il s’agissait d’aider et de participer à un premier pas vers un nouveau parti de masse contre le capitalisme, un parti qui organise les travailleurs, les jeunes, et permette de discuter démocratiquement et fraternellement des tactiques et des stratégies pour les luttes, et des moyens de leur donner une perspective réellement socialiste. En tant que courant socialiste révolutionnaire, il nous semblait que le NPA pouvait réellement être ce pas en avant, même si le programme restait encore assez incomplet. Nous ne cherchions pas à imposer le notre mais le verser au débat. C’est pour cela que nous avons essayé de proposer de discuter de manière suffisamment approfondie à chaque fois que la situation l’imposait.
Le NPA s’est lancé sur la base du succès électoral de la LCR et de son candidat O. Besancenot à la présidentielle de 2007 où il était arrivé en tête des candidats à la gauche du PS. Depuis, sa popularité a continué d’être importante, et cela a rendu le NPA encore plus attractif. Il y avait un important potentiel, d’autant plus que le déclenchement de la crise du capitalisme en 2007-2008, même s’il n’allait pas amener mécaniquement les gens à s’organiser, rendait encore plus nécessaire un discours résolument anti-capitaliste. Lors du déclenchement de la crise et à ses différents stades, avec des luttes d’ampleur comme celle en Guadeloupe, ou celles contre les plans de licenciements, et ,plus récemment, avec les révolutions au Maghreb et au Moyen Orient, ou encore la catastrophe de Fukushima, le NPA aurait dû être un cadre d’élaboration collective. Les révolutions en Tunisie et en Egypte ont enregistré leur première victoire (chasser les dictateurs), ébranlé les fondements même du système en place parce que la classe des travailleurs est entrée massivement en grève et en lutte. Ce rôle décisif des travailleurs a permis au mouvement initié par la jeunesse de continuer, faisant que le processus révolutionnaire est toujours en cours. Mais la direction du NPA n’a pas voulu utiliser ces fantastiques évènements pour réaffirmer un projet socialiste révolutionnaire basé sur la lutte collective des travailleurs en lien avec la jeunesse et les masses opprimées.
Lors des luttes contre les fermetures d’entreprise au printemps 2009, nous avions proposé que le NPA prenne l’initiative de rencontres locales ou régionales de travailleurs, de syndicalistes, de jeunes, pour discuter tous ensemble d’une stratégie pour les luttes, et sous les formes qui seraient appropriées aux situations. Alors que les directions nationales des syndicats n’organisaient aucune lutte nationale de masse, laissant les travailleurs se débrouiller entreprise par entreprise, pour être finalement battus, de telles rencontres auraient permis de prendre des initiatives, et de tenter de les coordonner nationalement. Ceci n’a ni été entendu, ni été discuté. Tout au mieux des rencontres nationales ont eu lieu sans objectifs réels et sans propositions d’orientation réellement élaborées pour intervenir dans les luttes, les syndicats etc.
Nous avons de nouveau formulé cette proposition lors de la lutte pour les retraites à l’automne 2010, conscients que la grève générale, nécessaire à ce moment là pour battre le plan de Sarko-Fillon-Woerth, ne se décrète pas et ne peut être réduite à un slogan. Nous avons obtenu le même résultat, c’est à dire rien. Malgré des initiatives locales (intersyndicales larges par exemple), il n’y a eu aucun instrument national pour cette lutte pas plus que pour construire le NPA comme un parti capable de présenter une alternative à la fausse stratégie des directions syndicales relayées par des forces comme le PS ou le Front de gauche. Le NPA ne s’est pas renforcé lors de cette lutte car il est resté sur le terrain de la revendication sociale sans la lier à une volonté de virer Sarkozy et sa politique. C’est une erreur d’approche qui n’est pas nouvelle mais qui est encore plus grave en période de crise économique. Au lieu de voir que la colère a d’abord un fond politique, liant exigences sociales et rejet du système, et que c’est cela qui met les masses en mouvement, on se concentre sur les revendications sociales comme devant permettre ensuite, une fois atteint un certain seuil, de déboucher sur une situation de grève générale, elle même devant mûrir ensuite pour devenir révolutionnaire. Dans la réalité, c’est la volonté, confuse souvent, d’en finir avec « ça » qui amène à la lutte de masse. La question des retraites était là pour unifier, mais ne constituait pas le véritable fond du mouvement qui lui était « on a déjà une vie pourrie, on refuse que cela s’aggrave encore au profit des plus riches », autrement dit, on veut changer de vie, changer ce système. Ne présentant pas un programme clair mais restant à un niveau politique que la lutte elle-même dépassait en multipliant les slogans pour dégager Sarkozy sans se limiter à la question de l’attaque sur les retraites, le NPA a raté l’occasion d’apparaître comme le parti qui permet à la base de s’organiser pour définir une stratégie et la proposer aux millions de travailleurs et de jeunes alors en lutte. La ligne officielle du NPA était qu’il fallait qu’un « secteur » parte et serve de locomotive, sur le modèle d’autres grèves comme 2003 ou 95. Non seulement on ne peut pas plaquer à chaque fois des schémas, mais en plus, la grève de 95 qui avait battu Juppé-Chirac à l’époque, avait été préparée des semaines durant par des luttes, des assemblées générales etc. notamment chez les cheminots. Dans la période actuelle, alors que de nombreux militants du NPA sont souvent très actifs, le NPA en tant que parti n’a pas pris de réelle initiative. Pourtant, aujourd’hui encore, de telles rencontres de travailleurs et de jeunes seraient indispensables, quand on voit le nombre de grèves que les directions syndicales laissent isolées, et comment certains (PS, dirigeants de la CFDT mais pas seulement…), tentent de tout ramener à la seule élection présidentielle pour justifier de ne rien faire.
Sur des questions cruciales comme la catastrophe nucléaire de Fukushima, ou les révolutions au Maghreb ou au Moyen-Orient, la priorité du NPA est de participer à des « collectifs » sans réellement défendre une ligne politique spécifique et claire, qui ferait le lien entre ces évènements et la lutte pour le socialisme. Il aurait fallu de manière transitoire, en liant les aspirations et les revendications actuelles au fait qu’elles ne pourront se réaliser qu’en construisant le socialisme. Car pour en finir réellement avec les dictatures, l’impérialisme, ou les dangers que fait courir à l’environnement le mode de production anarchique du capitalisme, il n’y a pas d’autre moyens que de construire un monde débarrassé de l’exploitation de l’homme par l’homme. Au lieu de prendre exemple de la catastrophe de Fukushima pour montrer la nécessité d’une économie planifiée démocratiquement, le NPA concentre ses mots d’ordre sur « la sortie du nucléaire en 10 ans », ce qui ne réglera pas la question énergétique si nous restons dans le cadre du capitalisme. Lors du déclenchement de la crise et de la mise en place du sauvetage des banques et des plans de renflouement, nous avons proposé que le NPA adopte le mot d’ordre de nationalisation du secteur bancaire et financier sous le contrôle des travailleurs et de la population, proposition rejetée sans même être débattue. Même si les formules utilisées aujourd’hui se rapprochent un peu de cela, le NPA a raté sur ce sujet comme sur de nombreux autres, d’apparaître comme un parti ayant un programme clair à défendre.
4 ans après les premières discussions sur le NPA, au vu de son évolution et de ses débats actuels, il était grand temps de faire un bilan de celui-ci, de notre participation, et de déterminer si oui ou non ce parti peut encore être un premier pas vers un nouveau parti des travailleurs et si notre participation a encore un sens.
Ce que ce parti a permis
Le NPA a été lancé en ayant un grand écho, non seulement du fait de la popularité de Besancenot, mais également parce qu’il rompait avec les habitudes des années précédentes, en en appelant directement aux travailleurs, aux jeunes, à ceux qui veulent lutter et se débarrasser du capitalisme. Les premiers militants venaient donc d’horizons extrêmement différents. Certains étant d’organisations existant bien avant, ayant des propositions programmatiques, des secteurs d’intervention ou des pratiques militantes déjà ancrées, d’autres étant dans les syndicats ou des associations, et d’autres encore qui s’organisaient pour la première fois. Les rencontres militantes permettaient donc de nombreux échanges d’idées. Elles avaient un réel succès, preuve que cette volonté d’échange traversait tous le NPA. Cela permettait de découvrir des approches différentes, ou des thématiques qui avaient été peu approfondies. Les militants d’entreprise, de quartiers, dans la jeunesse avaient ainsi la possibilité d’enrichir les expériences militantes de chacun, groupe politique ou militant individuel, et ce fut le cas pour la Gauche révolutionnaire. Il restait la difficulté de dépasser certaines habitudes de formulation mais avec des discussions suffisamment fraternelles, approfondies et ouvertes, il était possible d’avancer.
Nous avons pour notre part proposé nos expériences, notre analyse socialiste révolutionnaire et internationaliste, même s’il a pu y avoir des incompréhensions (involontaires ou non), ou encore des approximations de notre part. Notre soucis a néanmoins toujours été de proposer nos idées au débat, sans négliger les différences qui pouvaient encore exister ni les sujets qui étaient abordés. La propriété publique des moyens de production, le contrôle des travailleurs et de la population sur celle-ci, la planification démocratique de l’économie tenant compte de toutes les questions (environnement, énergie, conditions de travail, besoins et ressources disponibles) ne sont pas de simple slogans mais constituent de vrais objectifs que les travailleurs, les jeunes etc. peuvent réaliser pour satisfaire leurs aspirations à en finir avec cette société d’oppression et d’exploitation.
Aucune question, du nucléaire au racisme, du sexisme à la destruction de la nature, du logement à la pauvreté n’a de réelle solution dans le capitalisme où l’inégalité, l’aliénation et l’exploitation règnent.
Nous avons dès le départ dit que nous construirions le NPA en tant que section de notre internationale, tout comme d’autres. Cela aurait dû permettre à la fois de confronter les différentes analyses des différents courants internationaux, leurs expériences notamment quand ils sont les seuls à exister dans certaines régions du globe. Cela aurait dû permettre de discuter de l’internationale de masse pour le socialisme qui est nécessaire. Hormis quelques débats pendant les premiers mois du NPA, cette préoccupation n’a jamais été réellement prise en compte. L’internationalisme n’est qu’un slogan au NPA où beaucoup ne s’inquiètent de ce qui se passe ailleurs que dans la mesure où cela les aide contre la bourgeoisie impérialiste françaises et de quelques autres pays. La portée et la sens des nombreux mouvements qui ont eu lieu de part le globe n’ont jamais été discutés sur le fond.
Depuis le début, notre proposition était que le NPA adopte un fonctionnement large et ouvert, reprenant le fil du mouvement ouvrier d’avant le stalinisme. Le NPA étant un jeune parti, dont le programme mettrait du temps à se forger, il fallait un fonctionnement permettant réellement à chaque courant, local ou national, de présenter ses idées, dans et hors du parti, sous la forme qu’il souhaitait. A l’intérieur du parti, la plus grande fraternité se devait d’exister dans les débats, et la plus grande franchise quant aux idées également. Ce dernier aspect a malheureusement souffert de fortes suspicions de certains envers les militants déjà organisés avant mais ne venant pas de la LCR, voire même contre des militants ayant des propositions nouvelles. Pour notre part, nous avions dit que nous construirions le NPA en tant que courant, doté de son journal (L’Egalité, où sont développés nos analyses, nos propositions pour les luttes etc.), et en maintenant nos structures et nos moyens pour continuer nos discussions propres (notamment les débats de notre internationale), et enfin nos bulletins réguliers dans la jeunesse, tout en diffusant le matériel du NPA, notamment dans les entreprises où nous intervenions avant, ou dans les manifs. Nous nous réservions le droit d’éditer des tracts de notre courant en cas d’approche différente sur le fond d’avec le matériel du NPA. C’était le meilleur moyen, si tous les courants avaient adopté un tel fonctionnement, que dans ces premiers temps du parti, les idées de tous puissent être largement discutées et testées.
Enfin, nous proposions que le fonctionnement intègre réellement les militants ne venant pas de la LCR, et que donc les structures et commissions du NPA soit refondues et repensées, laissant une large place aux « nouveaux ». Ce ne fut pas le cas. Bien que la LCR soit formellement dissoute, toutes les structures du NPA étaient celles de la LCR, avec les mêmes équipes d’animation et les mêmes responsables. Sur une écrasante majorité des sujets, des revendications, les débats ont été très limités et on a abouti la plupart du temps à des formules de compromis souvent floues, voire à la reprise, par défaut de discussion suffisante, des formulations de la LCR.
Les raisons d’un échec
Alors que la crise du capitalisme entamée en 2007-2008 ouvrait d’énormes possibilités pour un parti anti-capitaliste de gagner une certaine audience, alors que les grèves par dizaines de début 2009 montraient une volonté de résistance des travailleurs, le NPA n’a pas profité de cette situation. Dès la fin des élections européennes, le NPA a complètement changé de profil. Un appel commun NPA/PG, publié le lendemain du CPN de juin sans avoir été discuté durant celui-ci, réorientait entièrement le parti. Il décidait que la priorité du NPA allait être la discussion avec les autres partis à la gauche du PS, en vue des élections régionales.
Ce débat a alors complètement dominé la vie du parti, y étouffant peu à peu la vie politique. Cela a abouti, du fait de la plate-forme adoptée par la majorité de la direction de l’époque (qui allait devenir la P1), au fait que d’une région à l’autre, le contenu politique du matériel ou les accords avec d’autres forces, étaient très différents et parfois sur des bases extrêmement faibles.
Et les choses n’ont fait qu’empirer depuis, tant au niveau de l’absence de démocratie, que de la priorité au débat sur la tactique dans les élections. Exit l’appel aux travailleurs et aux jeunes inorganisés, la discussion sur les luttes, comment on y intervient et de ce qu’on y défend, ou encore des autres sujets centraux qui ont été renvoyés à des commissions quasiment toutes issues de l’ex-LCR.
L’ambiance tendue, les polémiques très dures (pour ne pas dire plus), ont fait qu’aucun débat n’était serein. Les dernières réunions nationales (Congrès, Conférence nationale, CPN) étaient horribles de ce point de vue, dégoûtant à chaque fois de nouveau militants.
Et ceci est loin d’être fini, on voit les mêmes tensions et les mêmes blocages sur l’élection présidentielle et certainement bientôt sur les législatives, d’une autre manière puisque le NPA n’a qu’une « majorité » de circonstance, sans accord politique réel à l’issue de la conférence nationale de juin 2011.
Loin de tirer le bilan de tout cela, les 3 principales fractions qui dominent le NPA (toutes des fractions historiques de la LCR) étouffent la vie politique de celui-ci. La P2, considérée comme « l’aile gauche du parti », et dont nous avons été cofondateurs, a préféré une alliance au sein de la direction, plutôt que d’essayer de devenir un espace d’élaboration à la base, pour un NPA large mais centré sur la classes des travailleurs et la jeunesse. Depuis son lancement le NPA a perdu plus de la moitié de ses membres et cela va s’accélérant.
La crise était surmontable si l’on avait repris le débat de fond, et qu’un fonctionnement plus démocratique, qui implique réellement l’ensemble des militants à la discussion et aux décisions, soit mis en place.
C’est l’inverse qui s’est produit avec la Conférence Nationale où les militants n’avaient qu’à s’exprimer pour ou contre des textes qu’ils n’avaient jamais été invités à élaborer collectivement.
Aucun bilan réel, c’est à dire analysant les erreurs politiques de manière sereine n’a été ébauché. Les uns accusent les autres de ne pas être assez « révolutionnaires », et ces derniers disent que les premiers ne sont pas assez « unitaires », et cela s’arrête là. Mais l’un des problèmes majeur du NPA est qu’il n’approfondit jamais ses discussions, ne prend pas le temps de rediscuter de ses slogans et revendications en fonction des changements de la situation, du niveau de conscience ou de nouveaux évènements. Alors que les premiers temps du parti avaient vu une volonté d’élaboration, certes assez chaotique, elle a vite été supplantée, au nom d’un faux consensus, par des formules souvent issues de l’ex-LCR ou de la mouvance alter-mondialiste, selon les cas. Que ce soit sur les licenciements, avec l’utilisation du slogan « interdiction des licenciements » quelque soit la situation de la lutte et sans préciser comment cela se ferait (par une loi ? par un veto syndical ? ou par la nationalisation/socialisation sous le contrôle des travailleurs ?), sur la dette publique (refus pendant longtemps, d’avoir le mot d’ordre clair de nationalisation sous le contrôle des travailleurs et de la population de l’ensemble du secteur financier -banques, assurances…-, et même aujourd’hui, les formules varient d’un texte à l’autre), sur l’environnement (où l’essentiel du débat a semblé être de savoir si on est pour une sortie du nucléaire en 10 ou 20 ans)… et ce ne sont que des exemples, aucune de ces questions n’a été débattue de manière fraternelle approfondie, en cherchant à comprendre ce que chacun mettait derrière certains slogans. Du coup, rien de tout cela n’a été relié à ce qui devrait faire le cœur du NPA, à savoir comment développer un programme pour intervenir dans les luttes et les construire de manière à ce qu’elles soient des pas, même minimes, pour développer le combat pour le renversement du capitalisme et son remplacement par le socialisme.
Finalement, c’est à chaque fois sur les campagnes électorales que l’on avait le plus de débats et du coup le plus d’affrontement. L’ancienne direction du NPA, aujourd’hui divisée, porte une lourde responsabilité dans ce résultat. Mais ce n’est pas mieux actuellement, puisque ce qui divise le plus le NPA aujourd’hui, ce sont à nouveau les élections, présidentielle d’abord, puis législatives à venir, avec là encore d’importants affrontement fractionnels auxquels s’ajoutent désormais des enjeux financiers. Les textes adoptés ne le sont que sur la base de rapports de force dans la direction nationale, et ils changent selon les sujets. Certains semblent même tenter d’arrêter le NPA d’une certaine manière, pour revenir à la LCR ? En tous cas, il a été fait usage des circulaires officielles du NPA pour restructurer la section française du Secrétariat Unifié de la IVème Internationale auquel était affiliée la LCR, sans même que les autres courants internationaux présents dans le parti (dont le notre, affilié au Comité pour une Internationale Ouvrière) soient informés et se voient offrir la même possibilité. Toutes fractions confondues, l’intervention du NPA dans les luttes, en tant que parti avec son programme à proposer est soit relégué au second plan, soit effectué de manière formaliste, quelques revendications faisant office de programme. Et depuis, les militants se sont largement fatigués et distancés, ceux de la GR compris.
Si l’on ajoute à cela que le fonctionnement n’a jamais été bon, que beaucoup de décisions ont été prises de manière opaque, beaucoup de militants ont tiré la conclusion que le parti leur était retiré des mains.
La direction du NPA n’a pas tiré les leçons de ce qui a fait les échecs des nouveaux partis de par le monde (Bloc de gauche portugais, P-Sol brésilien, Syriza en Grèce, SSP en Ecosse etc.). A force de chercher un résultat électoral avant tout, de ne pas prendre suffisamment de temps pour discuter de la tactique et de la stratégie dans les luttes, de ne pas mettre en avant une orientation claire, le parti n’est pas apparu comme un premier pas vers une véritable alternative aux partis pro-capitalistes, capable de partir réellement de la situation et des luttes actuelles (auxquelles pourtant bien des militants participent) pour développer des propositions essayant de tracer une voie vers le socialisme. Le NPA est apparu comme un parti « contre », contre le capitalisme, contre la droite, contre le nucléaire etc. mais pas comme un parti pour une société qui permette de se débarrasser peu à peu des problèmes engendrés par le capitalisme, c’est à dire une société socialiste.
La fin d’une étape
La dégradation soudaine depuis le congrès et, quelques semaines après, la décision d’O Besancenot, qui a surpris tous les militants, de ne pas se présenter à la présidentielle a encore plus fragilisé le parti. Aujourd’hui, celui-ci est divisé avec une petite majorité (composé de l’ancienne P2 que nous avions contribué à construire, et d’une partie de l’ancienne majorité dite P1A qui a partagé la direction du NPA avec ceux qui sont aujourd’hui dans la minorité, et donc contribué à la trajectoire qu’a suivi le parti et n’ayant toujours pas expliqué pourquoi ils avaient changé) qui soutient la candidature de Ph Poutou. C’est une candidature unique en son genre, qu’un ouvrier de l’automobile qui travaille encore dans son usine soit candidat à la présidentielle. Et c’est un ouvrier de l’automobile qui a, après plusieurs années de lutte avec des centaines de travailleurs de son entreprise, réussi à empêcher le groupe Ford de fermer totalement l’usine de Blanquefort. 1000 emplois ont ainsi été sauvés. La minorité, appelée « Gauche anticapitaliste » défend désormais le retrait de la candidature de Poutou sans proposer ce que le parti pourrait dire dans cette élection.
Le climat d’affrontement au sein du parti n’aide rien. De plus, le contenu de la campagne décidé par la direction du NPA est faible politiquement, se contentant d’aligner toute une série de revendications sociales (augmentation des salaires, arrêt des licenciements etc.) certes justes, mais bien en dessous de ce qu’il faudrait dire en cette période de crise profonde du capitalisme. A aucun moment la campagne n’est tournée vers l’idée du pouvoir, du renversement de ce système, ou du rejet du capitalisme. La formule « bouclier social » pour se protéger face à la crise ne tient pas compte du fait que l’offensive des capitalistes est telle que ce « bouclier » est impossible à mettre en œuvre dans les conditions actuelles et que cela les travailleurs le savent bien. Et lorsque les luttes seront d’un niveau suffisant, alors on ne se contentera pas de défendre l’idée d’un bouclier sociale mais bien celle du renversement de l’ordre capitaliste. La volonté de se débarrasser de Sarko profite du coup avant tout au PS, et le rejet des politiciens au service du système profite d’une certaine manière à Marine Le Pen et au FN d’un côté ou à Jean Luc Mélenchon de l’autre. Alors que Besancenot faisait campagne en 2007 d’une manière qui liait aspirations sociales, rejet de l’établissement politique, et volonté de renverser le capitalisme, la campagne du NPA reste centrée sur des revendications sociales qui ne font pas suffisamment écho au ras-le-bol général des politiciens, des politiques anti-sociales qu’ils mènent et du système capitaliste qu’ils servent.
Le principal candidat à gauche du PS, Jean Luc Mélenchon, utilise des slogans comme « prenez le pouvoir ! », le NPA reste cantonné à des revendications. Au lieu d’interpeller Mélenchon en disant « chiche ! discutons ensemble, comment faire ? » ou « prenons le vrai pouvoir, l’économie et la finance, nationalisons les banques et les multinationales, annulons la dette, luttons ensemble pour cela ! », la campagne du NPA reste axée autour de slogans, tout à fait justes comme « nous ne paierons pas leur crise » mais sans proposer cette orientation au débat avec notamment une force comme le Front de Gauche de Mélenchon. Comment faire pour ne pas payer la crise ?
Quant à la minorité du NPA, la Gauche anticapitaliste, elle soulève effectivement ce point. Mais c’est souvent pour en faire un élément de sa volonté de passer des accords électoraux avec le FdG ou des composantes de celui-ci aux législatives. Car la GA reste persuadée que c’est une percée électorale qui pourrait changer la situation alors que les bons résultats de la gauche radicale en Europe ces dernières années n’ont pas débouché sur un changement de situation. Et la priorité à la réussite électorale (laquelle n’est pas fausse en soi) amène souvent à multiplier les concessions aux éventuels partenaires. La GA a accepté, par exemple, qu’on pouvait se contenter du mot d’ordre de moratoire (suspension) de la dette dans le but de ne pas payer la dette « illégitime » (à savoir donc quelle serait la part légitime et laquelle ne le serait pas, et légitime par rapport à qui et à quoi d’ailleurs ?).
Nous continuerons donc à soutenir la candidature Poutou à la présidentielle. Parce qu’il incarne le combat des ouvriers de Ford contre la fermeture de leur usine, et donc celles de centaines de milliers d’autres. Et parce qu’il représente encore le projet qu’aurait pu devenir le NPA, un parti où les travailleurs, les chômeurs, les jeunes etc. se retrouvent, luttent et s’expriment ensemble.
Ceux qui vont voter pour Mélenchon ou pour Nathalie Arthaud de lutte ouvrière ne sont pas dans le camp adverse. Mais il reste à savoir ce que le Front de Gauche fera de son score, qu’il n’ira pas l’utiliser pour négocier des positions avec le PS, trahissant ainsi les aspirations profondes de ses électeurs à un vrai changement.
Et maintenant ?
En juin 2011, nous lancions une énième alerte devant un nouveau tournant désastreux. Devant les nouvelles querelles, nous disions qu’il ne fallait pas que : « l’ambiance « champ de bataille » qui règne parfois ne transforme le parti en champ de ruines. »
En tant que nouveau parti, le NPA est un échec dont témoigne la perte de près des 2/3 de ses adhérents mais aussi le fonctionnement sclérosé qui est le sien aujourd’hui. Le NPA risque l’explosion dans les mois qui viennent, une partie continuera alors sa route comme une sorte de « LCR-bis » tandis que l’autre se tournera vers les organisations à gauche du PS. Chez les militants, une partie suivra les premiers pour sauver un collectif militant, ce qui est bien compréhensible, mais l’actuelle direction qui suit cette route n’a plus l’ambition de créer un parti large. Quant aux dirigeants de la seconde partie, ils confondent la question d’un parti large avec celle du regroupement, qui devient prioritaire, de diverses forces à gauche du PS, ils ont eux aussi abandonné le projet d’un parti qui en appellerait directement aux travailleurs, aux jeunes et aux opprimés en général, même s’il est juste d’avoir une politique en direction des autres forces à gauche du PS.
Nous pensons que nous n’apportons plus rien au NPA, que nous avons participé à construire quelles qu’aient pu être les approximations de notre part. Nous sommes pour un parti pluraliste, où les militants décident, débattent fraternellement etc. aujourd’hui la factionalisation du parti ne permet plus cela.
L’échec du NPA ne signifie pas la fin de tout. Nous sommes pour garder un maximum de contacts avec tous ceux avec qui nous avons tenté de défendre un projet de parti de masse pour lutter contre le capitalisme, et donc notamment parmi les membres de la P2. Nous participerons à toute initiative qui permettra de continuer à débattre ensemble et nous nous retrouverons dans les luttes.
Le NPA aurait pu être redressé si, comme nous l’avions proposé, il avait remis les débats de fond au cœur des discussions. Il aurait pu rebondir s’il avait démocratisé son fonctionnement, en laissant plus d’espace à la base du parti, en prenant le temps nécessaire pour discuter lorsque de nouveaux sujets ou évènements surgissent. La situation interne du parti, entièrement dominé par l’affrontement au sein de la direction, ne permet plus cela. Quant à l’orientation politique, elle peut être considérée comme un peu plus « lutte de classe » qu’il y a un an, mais cela ne correspond pas à l’activité réelle du parti qui centre, une fois de plus, toute son activité sur les élections présidentielle et législatives. Alors que Ph Poutou déclare dans la presse, « il faut se battre, mais les gens n’y croient plus », il n’y a même pas eu de réponse du parti pour dire que non, ce n’est pas les « gens » qui n’y croient plus le problème, mais bien que toute la colère et la rage qu’ils ont contre ce système et ses injustices ne trouve pas de moyen de s’organiser et de se transformer en action.
C’est pour tout cela que nous pensons que la Gauche révolutionnaire n’a plus sa place à être un courant socialiste-révolutionnaire du NPA. Le NPA a échoué à être un premier pas vers un nouveau parti des travailleurs. Malgré le gâchis que représente cet échec, nous pensons que d’autres occasions se présenteront pour créer un nouveau parti pour le socialisme, et nous y participerons.
De grandes échéances de la lutte des classes sont à venir, la crise va s’amplifier dans l’année 2012, avec la possible récession en France, en Allemagne et dans de nombreux autres pays. Les luttes orageuses en Grèce, en Tunisie, en Egypte et ailleurs le montrent. La remontée du Front National, la défense des plans d’austérité capitaliste par le PS et le maintien d’une politique violente contre les travailleurs par le gouvernement et le patronat, contre laquelle ni la droite ni le PS ne s’opposent, devront rencontrer une résistance de masse des travailleurs, des jeunes, des chômeurs, des retraités, hommes ou femmes, français ou immigrés. La nécessité d’un plan de lutte et d’action, de la défense d’une alternative socialiste, démocratique, au capitalisme va s’amplifier encore.
Nous défendrons mieux les idées qui sont les nôtres, notre programme pour la révolution socialiste, en redevenant une organisation indépendante, en menant nos propres activités, sur des mots d’ordre qui nous sont propres. Tous ceux et toutes celles qui souhaitent continuer à débattre avec nous dans cette perspective, notamment tous ceux qui, déçus ou furieux de l’échec du NPA, veulent néanmoins construire un parti pour renverser le capitalisme peuvent nous contacter pour continuer la lutte ensemble.