Pour la réintégration de Yann Gaudin injustement licencié par Pôle Emploi

Yann Gaudin était conseiller à l’emploi depuis plus de 10 ans. Cet été, le 3 juillet exactement, la direction générale de Pôle emploi a décidé de le licencier pour faute grave. Cette affaire a fait les gros titres dans la presse. Que lui reproche-t-on ? En définitive d’avoir appliqué à la lettre la réglementation en vigueur vis-à-vis des usagers contre l’avis de sa hiérarchie. Nous avons pu l’interviewer :

L’Egalité : Peux-tu revenir (brièvement) sur ce qui a amené la DG Pôle emploi à te licencier ?

Yann Gaudin : Ce qui a réellement motivé la DG à me licencier ou ce qui a été fabriqué pour prononcer un licenciement ? Techniquement, un dossier de 100 pages a été constitué pour dénoncer le fait que j’ai informé des usagers de toute la France sur des droits que leur refusait leur agence de proximité. Ces usagers m’ont identifié et appelé au secours suite à la médiatisation dont j’ai fait l’objet à partir de fin 2019. Or, non seulement j’ai informé très tôt ma référente hiérarchique de ces sollicitations, mais à aucun moment on ne m’a interdit d’aider ces usagers ni présenté de texte à valeur juridique s’opposant à mon intervention en leur faveur. Au passage, je précise que la plupart des usagers concernés ont pu récupérer leurs droits.
Il s’agit donc évidemment d’une procédure bidon, la vraie raison de mon licenciement est très probablement liée à mes alertes et plus largement à mes démarches en interne depuis 2014 pour défendre les droits des usagers contre des consignes scélérates qu’il nous était demandé d’appliquer.

L’Egalité : ça arrive souvent que Pôle emploi ne respecte pas la réglementation ? As-tu été témoin d’autres manquements de cet établissement ou as-tu reçu d’autres témoignages de collègues ?

Yann Gaudin : Il faut bien distinguer les erreurs des pratiques frauduleuses.
Beaucoup d’erreurs sont dites ou faites au quotidien et portent préjudice à de très nombreux usagers, non pas que les conseillers soient défaillants bien qu’il puisse arriver par fatigue par exemple de faire une erreur d’étourderie. Le problème est que le management n’a toujours pas suffisamment sécurisé la délivrance de services, les moyens en matière de formation et d’information pour les conseillers ne sont pas encore à la hauteur de la complexité de nos missions. Par exemple, la fameuse instruction 2015-7 qui concerne les artistes-auteurs est quasiment introuvable dans l’intranet. Et puis on nous a trop incité à faire du traitement de masse en allant vite, trop vite. Rappelez-vous notamment l’époque où les conseillers Assedic avaient sur leur écran un « timer » qui virait au rouge quand le conseiller passait trop de temps avec un allocataire… Pendant un entretien avec un usager, il faut savoir le faire patienter le temps de rechercher ou vérifier une information, il faut savoir faire silence quelques secondes pour mieux répondre ensuite. On a trop tendance à vouloir répondre « du tac au tac » mais au final une erreur risque fort de devenir plus chronophage qu’un petit moment de silence.
Ce que j’ai révélé sur mon blog, c’est autre chose, ce sont des consignes hiérarchiques qui ne correspondent pas au cadre réglementaire & légal et qui spolient donc des usagers de leurs droits. Certains sujets ne concernent que la Bretagne, d’autres toute la France ; certains sujets concernent une petite population bien spécifique, d’autres concernent potentiellement tous les allocataires ; certains sujets portent sur des montants de quelques centaines d’euros, d’autres peuvent provoquer un préjudice de plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Parmi tous les collègues avec qui j’ai échangé depuis fin 2019, aucun n’a contesté les faits révélés, pas plus d’ailleurs que la direction qui ne s’est toujours pas exprimée sur ces pratiques ! Quelques collègues m’ont fait part de pistes de sujets pour d’éventuels nouveaux articles sur mon blog, il faudra que je prenne le temps d’investiguer un peu plus.

L’Egalité : As-tu reçu des témoignages de solidarité interne à Pôle emploi ou externe ?

Yann Gaudin : Oui, j’ai reçu beaucoup de témoignages de soutien de collègues de toute la France dont beaucoup de personnes que je ne connaissais pas avant. J’ai aussi été contacté par des gens qui ont travaillé à Pôle emploi et qui, souvent, ont eu eux-mêmes un parcours difficile avec l’établissement. En matière de soutien externe, il y a eu notamment la création d’une pétition et on peut lire des commentaires d’usagers qui expriment leur satisfaction quant à mon travail. Je suis d’ailleurs parfois gêné de lire certains commentaires très élogieux et je comprends que des conseillers puissent être dérangés par cette hyper-exposition et cette hyper-personnalisation à mon sujet. Mais mon propos n’a jamais été de dénigrer l’engagement au travail des conseillers dans leur ensemble. Heureusement, au gré des contacts, j’ai pu avoir la confirmation que nous partageons avec plein de collègues les mêmes valeurs et la même vision du métier de conseiller.
Pour revenir au soutien du public, il y a notamment eu une forte mobilisation des intermittents du spectacle. J’aime beaucoup cette population mais ça me colle un peu une étiquette « spectacle » alors que depuis 2009 j’ai toujours travaillé, pour la moitié de mon temps, auprès d’usagers de tous secteurs et tous métiers. Et puis dans le secteur artistique il ne faut pas oublier les artistes-auteurs qui ne relèvent pas du spectacle, à savoir les illustrateurs, peintres, sculpteurs, etc.

L’Egalité : où en est-on de la procédure avec ton ex-employeur ? Quels sont tes projets (on a lu que tu voulais continuer d’aider les chômeurs)?

Yann Gaudin : Je vais, bien entendu, saisir le conseil des prud’hommes pour licenciement abusif, harcèlement moral et violation de la protection des lanceurs d’alertes. S’est ajouté à tout ça des propos diffamatoires du directeur régional de Pôle emploi Bretagne dans les médias début juillet, juste après mon licenciement, et comme le délai de prescription est de 3 mois seulement en matière de diffamation publique c’est actuellement ma priorité, aussi parce que j’ai trouvé ça odieux un tel portrait mensonger après m’avoir fait subir tant d’autres sévices pendant 6 ans.
En attendant ces échéances judiciaires, je continue chaque jour à titre bénévole de porter assistance à des usagers qui me sollicitent parce qu’ils sont en difficulté avec leur agence Pôle emploi. Pour que cette action devienne plus officielle et puisse m’apporter une petite rémunération, une nouvelle association d’aide aux chômeurs est en préparation, elle aura aussi pour objet de recueillir des alertes de la part de conseillers toujours en poste.

L’Egalité : penses-tu que les chômeurs et précaires doivent s’organiser face à cette institution ? Et pourquoi ?

Yann Gaudin : Je pense que toutes les personnes qui souhaitent faire évoluer les services de Pôle emploi – et il y a de quoi ! – devraient se fédérer pour mener des actions communes. Il y a les usagers eux-mêmes évidemment mais également toutes les organisations de défense des chômeurs, des responsables politiques pourquoi pas, sans oublier évidemment les organisations syndicales de Pôle emploi et les conseillers en poste ! Il faut que Pôle emploi devienne une fierté nationale au lieu d’être une honte nationale. La formule issue du Conseil National de la Résistance commence à être régulièrement reprise : je rêve de jours heureux pour Pôle emploi, que l’ensemble du personnel soit orienté vers le public avec rigueur, honnêteté et bienveillance. Et ce pour le bien-être aussi des conseillers qui ont la grande responsabilité de servir chaque jour nos concitoyen·nes !

L’Egalité : as-tu quelque chose à rajouter ?

Yann Gaudin : Je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui m’ont apporté leur soutien ces derniers mois, ça m’a beaucoup réconforté et conforté aussi dans ma démarche. Merci notamment aux collègues qui m’ont témoigné leur soutien et aux syndicats de Pôle emploi qui se sont exprimés publiquement sur ma situation. Ça donne de l’énergie et de l’enthousiasme pour continuer ensemble à faire de belles choses !