Offensive patronale : Jusqu’où veulent-ils aller ?

On ne compte plus depuis plusieurs mois, le nombre de déclarations dans la presse, de communiqués provenant de l’organisation des patrons, le MEDEF. La déclaration de son président, Sellières, a même pu surprendre :  » le gouvernement n’a rien fait pour les entreprises  » a-t-il dit. Concert de protestations dans la presse ? Pas du tout. Car fidèle a la tactique inaugurée lors de la première loi Aubry (Sellières était arrivé à la tête du Medef en 98 car il fallait un  » tueur  » selon les mots même de l’ancien président), il s’agit avant tout de taper du point sur la table, d’exiger plus, et de permettre au gouvernement de prétendre qu’il ne serait pas tant que ça au service des patrons.

Article paru dans l’Egalité n°109

Mais, au-delà de la tactique, il y a un véritable projet pour les capitalistes français. Celui-ci est à la fois dicté par les énormes exigences de la concurrence internationale et par l’aggravation de la crise économique ces dernières années. La faiblesse de la classe ouvrière, peu organisée et dépourvue d’un parti qui représente réellement ses intérêts, permet en plus aux patrons de traiter directement avec les bureaucrates syndicaux et d’obtenir d’eux une certaine docilité.

Un programme d’attaques à grande échelle

Si on lit attentivement les déclarations des dirigeants du Medef, rien n’est épargné ; « Actuellement en France on ne travaille pas assez pour être compétitif » a déclaré Sellières sur RTL. C’est clair, l’objectif est bien d’obtenir l’allongement du temps de travail et sans compensation salariale. Sur la même radio, il a précisé que le SMIC est  » trop élevé en France « . et il travaille de  » très près avec Nicolas Sarkozy au ministère des finances « . Dans ces quelques phrases, le dirigeant des patrons laisse entrevoir ce qui nous attend sur ce terrain.

Et dans toutes les déclarations, c’est de nouvelles pistes qui sont évoquées : une fois ce sont les charges sociales, une autre les services publics, ou la législation du travail qui serait trop contraignante.

En fait, il n’est pas de secteur qui soit épargné. Le plan de casse de l’assurance maladie adopté en juillet dernier, prévoit même que le un euro payable à chaque consultation soit étendu aux maladies professionnelles et aux accidents du travail (AT-MP). C’est une remise en cause directe d’un des plus vieux acquis des travailleurs : le paiement par les patrons des AT-MP. Car il est de leur responsabilité directe d’assurer les conditions de travail. En plus, cette branche de la Sécu n’est pas déficitaire puisque les employeurs payent en fonction du nombre d’AT-MP : c’est un euro de moins à payer pour les patrons sans que cela ait aucune conséquence sur le déficit de la Sécu.

En fait, les dirigeants patronaux suivent ce qui se fait dans les autres pays, une attaque en règle contre le marché du travail.

Une logique économique

Toutes les entreprises ou presque ont affiché un redressement spectaculaire avec une hausse très importante de leurs bénéfices. Mais ceci n’est dû qu’à la politique agressive des patrons contre les travailleurs. Ce n’est pas une augmentation due à l’augmentation de la production, mais aux licenciements, grâce aux emplois précaires, à une flexibilité accrue imposée aux travailleurs.

La bourse affiche toujours une valeur négative depuis le début de l’année. La part de la France dans les exportations mondiales a diminué de 10% en deux ans d’après le Centre d’observation économique.

Au niveau mondial, l’économie américaine n’est absolument pas en reprise. La production industrielle allemande a baissé. Plusieurs compagnies aériennes sont au bord de la faillite (Alitalia, Delata Airlines etc.)

C’est dans ce contexte que se placent les attaques tant idéologiques que réelles, du patronat et du gouvernement. Le taux de profit réalisé est insuffisant pour donner une marge de manœuvre permettant d’affronter la concurrence.

Les symptômes d’un approfondissement de la crise se multiplient

Le capitalisme est toujours en crise de surproduction et dans le même temps l’industrie américaine n’est qu’à 70% de ses capacités de production.

Complètement limités par la recherche du profit maximum et immédiat, les capitalistes n’ont d’autres choix que de s’attaquer violemment aux acquis des travailleurs pour augmenter leurs marges. Le mythe d’une croissance dont tout le monde profiterait s’effondre. Il y a d’un côté la recherche du profit maximum en exploitant le plus possible les travailleurs, de l’autre ces mêmes travailleurs qui commencent, comme le montrent les mobilisations en Allemagne, à se rendre compte que ce système ne leur apporte que misère et exploitation.

Se préparer aux pires attaques

Les capitalistes français savent ce qu’ils veulent : un marché du travail entièrement flexible, où ils détermineraient eux-mêmes les règles. Quiconque n’a pas compris cela ira de désillusions en incompréhensions. Leur propagande sur « plus de profits feront plus d’emploi » est non seulement un mensonge mais une arme qu’ils utilisent partout.

Leur recherche de cette flexibilité maximum du marché du travail amènera une autre contradiction : une chute vertigineuse de la consommation, et donc un maintien de la situation de surproduction. C’est pour cela que les délocalisations, qui doivent d’après la CGT toucher au minimum 37 grands groupes pour la seule métallurgie, ne seront qu’un moyen temporaire. On voit même dans le textile par exemple, des délocalisations du Cambodge vers la Chine !

C’est bien directement sur les travailleurs des pays les plus développés que se porte l’offensive patronale.

Ainsi, un responsable de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) a réclamé le droit de pouvoir passer un accord individuel avec un salarié sans passer par les syndicats et n’étant pas astreint de respecter le Code du travail ou les conventions collectives. Conditions de travail, salaire, temps de travail etc. seraient ainsi selon la seule décision du patron. Si pour l’instant ceci n’a pas eu de suite, cela montre jusqu’où les patrons veulent aller.

Du côté des dirigeants syndicaux, on s’émeut beaucoup mais rien n’est fait, laissant les travailleurs seuls face aux plans de licenciements, aux fermetures d’entreprise etc.. Pourtant, ces discours patronaux ne sont possibles que par l’absence de riposte unifiée des travailleurs. Les conventions collectives et tout-ce qu’elles impliquent en terme de salaires, de conditions de travail etc. sont des acquis. Ce ne sont pas les patrons qui les ont gentiment accordés. Il a fallu lutter pour les arracher. Aujourd’hui c’est le patronat qui  » lutte  » pour les reprendre.

Son objectif reste de pouvoir faire travailler les salariés le temps qu’il en a besoin, au salaire qu’il veut, et dans les conditions qui lui coûtent le moins cher possible. Tant qu’on sera sous le capitalisme, aucun acquis ne sera durable. C’est cela que nous voyons sous nos yeux.

Une riposte impossible ?

Si les patrons sont aussi bruyants, c’est parce qu’on entend qu’eux. Les anciens partis ouvriers (PS et PCF) se contentent d’un  » oui mais  » et les dirigeants syndicaux ne ratent jamais une réunion de pseudo- négociations. Ce qu’il y a de commun entre tous ces gens, c’est leur acceptation complète du capitalisme comme seul système possible.

Mais on l’a vu, ce système n’est pas stable, il ne s’arrêtera pas là. Les capitalistes n’ont de cesse de s’accaparer une part toujours plus importante des richesses créées et cela ne peut se faire qu’en diminuant par tous les moyens possibles la part des salaires. C’est la lutte entre le capital et le travail, mais aujourd’hui c’est surtout le capital qui est à l’offensive. Nous ne sommes pas sur le même bateau avec les capitalistes et leurs serviteurs, fussent-ils de gauche.

Il y a urgence à organiser la riposte et à ne pas se laisser embobiner. Tant que les moyens de production sont privés, une large part de la plus value ira aux grands actionnaires. Seule une économie planifiée démocratiquement, où les moyens de production seront publics, permettra que les richesses produites le soient pour la satisfaction des besoins de tous et non les profits d’une poignée. La nécessité d’un parti qui lutte pour un tel système, le socialisme authentique, qui organise la riposte collective des travailleurs, est plus que jamais présente. Car une riposte de l’ensemble des travailleurs ferait bien plus de bruit que les aboiements patronaux et permettrait de stopper les attaques actuelles ou programmées qui veulent liquider la plupart des acquis des travailleurs.

Par Alex Rouillard