Nicaragua 1979 : Pourquoi la révolution sandiniste a échoué…

Le 19 juillet 2004, des milliers de Nicaraguayens ont défilé à Managua pour célébrer le 25ème anniversaire du renversement de la dictature de Somoza et la prise de pouvoir des Sandinistes (FSLN).

Article paru dans l’Egalité n°110

Une pauvreté atroce régnait au Nicaragua tandis que Somoza possédait 25% de l’industrie et 10% des terres. Après une période d’industrialisation importante dans les années 70, un mouvement de grève fort s’est développé dans les villes ainsi qu’une résistance de plus en plus forte à la campagne. En 1978, une véritable guerre civile éclate causant 50.000 morts en deux ans. Le FSLN (« Sandinistes ») et d’autres forces ont mené un long combat contre le régime Somoza. Le FSLN a principalement mené un combat de guérilla dans les régions rurales. Ce sont les travailleurs des villes qui, par une série de grèves, une grève générale et une insurrection dans les villes, surtout à Managua, la capitale, ont fait chuter le régime. Comme la classe ouvrière n’avait pas d’organisation à sa disposition pour prendre le pouvoir, c’est le FSLN, dirigé par Daniel Ortega, qui y est poussé au pouvoir en juillet 1979.

Acquis sociaux mais révolution inachevée

Des mesures importantes ont amélioré les conditions de vie des masses. La mortalité infantile a été réduite de 33 à 8%, le taux d’alphabétisation est passé de 50 à 86% de la population et 500 nouveaux médecins ont été formés par an (contre 1000 en tout avant la révolution). Ces acquis ont été énormes pour les masses comparés à la misère et la répression sous Somoza.

Les Sandinistes ont brisé le pouvoir politique des capitalistes, mais ils n’ont pas touché à l’économie capitaliste. Résultat : 60% de l’économie et 80% de la production agricole étaient aux mains des capitalistes. Les bureaucraties staliniennes à Cuba et en URSS faisaient pression sur le gouvernement nicaraguayen pour ne pas aller trop loin en proposant une économie mixte. Castro en 1985 disait: « Vous pouvez avoir une économie capitaliste. Mais c’est sûr que vous n’auriez pas un gouvernement au service des capitalistes. »

Mais évidemment les capitalistes n’ont pas accepté d’avoir perdu le pouvoir politique et l’impérialisme américain a craint que la révolution avance et s’étende à toute l’Amérique latine.

Contre-révolution

L’administration de Reagan et l’ancienne classe dirigeante nicaraguayenne ont monté une armée réactionnaire, les Contras, pour combattre le gouvernement sandiniste. La guerre contre ces paramilitaires réactionnaires, massivement financés par les Etats-Unis, a entraîné une crise sociale avec 50% du PIB dépensé pour le budget militaire. L’embargo imposé par les Etats-Unis en 1985 a aggravé la situation. En 1988, l’inflation s’élevait à 33600% !

Le gouvernement a effectué des coupes budgétaires massives. Le chômage et la pauvreté sont devenus plus importants qu’en Haïti, pays le plus pauvre du continent. 35000 personnes sont mortes dans la guerre contre les Contras. A la fin des années 90, les Sandinistes devaient choisir. Soit ils abolissaient complètement le pouvoir économique des capitalistes en établissant une véritable société socialiste avec une économie planifiée gérée démocratiquement par les travailleurs, soit les forces réactionnaires avec le soutien de l’impérialisme américain pouvaient réinstaller le capitalisme et casser tous les acquis sociaux.

Malheureusement, la deuxième option s’est réalisée. Les Sandinistes ne se sont pas attaqués aux capitalistes, ont perdu les élections en 1990 et la droite est revenue au pouvoir. Aujourd’hui les trois-quarts de la population vivent avec moins de deux dollars par jour et un tiers des enfants n’a pas accès à l’éducation. Les travailleurs et les paysans pauvres payent le prix de cette politique erronée des Sandinistes.

Les leçons de la révolution nicaraguayenne

La révolution au Nicaragua a créé un enthousiasme fort parmi la population, sur tout le continent et à l’échelle mondiale, mais il est important de comprendre pourquoi la révolution a échoué. Les dirigeants du FSLN ont d’abord voulu installer une démocratie bourgeoise stable avant d’instaurer le socialisme (la vieille théorie stalinienne de deux étapes ). La révolution russe en 1917 a montré qu’une prise de pouvoir par le mouvement ouvrier organisé est indispensable afin de créer une véritable démocratie ouvrière basée sur des soviets (conseils ouvriers) capable de gérer l’économie planifiée ainsi que toute la société. Dans cette démarche, il est aussi indispensable de briser concrètement le pouvoir économique des capitalistes en nationalisant les grandes entreprises et en expropriant les grands propriétaires terriens.

Bien que les Sandinistes aient établi des organes de masse comme les comités de défense sandinistes (CDS), ils n’ont jamais tenté de créer les bases pour un véritable Etat ouvrier dans lequel tous les travailleurs et ouvriers agricoles participent activement à la gestion de l’économie et décident eux-mêmes comment la société est gérée.

Aujourd’hui les leçons de la révolution nicaraguayenne sont d’une grande importance, car dans de nombreux pays de l’Amérique latine, surtout au Venezuela, la question d’une autre société s’impose. En tant que marxistes, on défend toujours que la classe ouvrière doit être à la tête d’une révolution socialiste. Seuls les travailleurs sont capables de créer le socialisme authentique basé sur une véritable démocratie ouvrière tout en s’appuyant sur les ouvriers agricoles et les masses pauvres dans les villes.

Par Olaf Van Aken