Mouvements de masse contre le capital : Crise permanente du régime argentin

Avant le début de la récession il y a 4 ans, l’Argentine était le pays le plus prospère d’Amérique Latine. Cela avait permis une politique (le Peronisme) de réformes sociales en faveur des travailleurs et de leurs familles. Dès les années 80′ cette marge de manœuvre s’est rétrécie et, sur ordre du FMI, les gouvernements argentins ont sagement appliqué la politique néo-libérale au service des créanciers de l’Occident, des multinationales et des banques.
Les gouvernements successifs ont privatisé les services publics et les banques, réduit les dépenses publiques et accumulé une montagne de dettes. Ils ont couplé le peso au dollar, une mesure qui s’est avérée désastreuse.

Article paru dans l’Egalité n°96

Cela a débouché sur une crise économique, des licenciements massifs, des réductions salariales et des diminutions des pensions de retraite, un chômage officiel de 25% et la chute de la moitié de la population en dessous du seuil de pauvreté.

En décembre de l’année passée tout cela a provoqué un mouvement massif de protestation. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été une nouvelle vague d’assainissements proposée par le gouvernement afin d’obtenir de nouveaux fonds du FMI. Le mouvement ouvrier a riposté en organisant le 13 décembre une grève générale (la plus importante des 8 qui ont eu lieu en 2 ans) qui a paralysé tout le pays.
Le même jour des protestations spontanées ont commencé dans les ditricts les plus pauvres de la capitale. Ces protestations se sont ensuite étendues vers les quartiers des classes moyennes appauvries et ont finalement fait tomber le président De La Rua.

Plusieurs candidats à la présidence ont été testés et rejetés par les masses. Aujourd’hui la classe dominante parie sur Duhalde. Il est clair que, dans le cadre du capitalisme, il ne trouvera pas d’issue à la crise et devra donc affronter les masses argentines. Mais tant que le vide politique ne sera pas rempli par une alternative socialiste, ce sont des populistes et des nationalistes de tous poils qui le feront, sans avoir plus de marge de manœuvre pour autant.

Le mouvement de décembre s’est déroulé de façon plutôt chaotique par manque d’une intervention énergique des syndicats et parce que, malgré l’existence d’une ébauche de convention nationale d’élus des quartiers, des lieux de travail, des chômeurs, des étudiants, des soldats etc…, ces organes n’ont pas été capables de construire une force alternative ni de diriger le mouvement.

En une période « de double pouvoir » ces comités seraient l’embryon d’un gouvernement ouvrier. Ils élaboreraient un plan d’action liant les problèmes directs à la nécessité de nationaliser et de planifier l’économie de façon démocratique.

En Argentine beaucoup des conditions objectives d’une crise révolutionnaire étaient présents : une crise de confiance de la classe dominante et de ses institutions, une détermination sans faille de la classe des travailleurs, des couches moyennes appauvries qui s’orientent vers la classe ouvrière et reprennent ses méthodes, et des divisions ouvertes dans la classe dominante. C’est le facteur « subjectif » qui faisait tragiquement défaut : la masse des travailleurs qui discutent les idées d’une alternative socialiste comme cela avait été le cas en France en 1968 ou au début des années ’70 au Chili et un parti socialiste révolutionnaire jouissant d’un soutien massif et doté d’un programme de prise du pouvoir des ouvriers en vue de former un gouvernement des travailleurs qui élimine le système capitaliste.

L’emprise, héritée du passé, du Peronisme sur les syndicats et la chute du Mur de Berlin y ont joué un rôle important. L’expérience du mouvement de décembre a néanmoins provoqué une montée de la conscience de classe. Les idées socialistes trouveront un nouvel écho. C’est à nous d’intervenir dans ce processus en appelant à la création d’un nouveau parti des travailleurs et à une fédération socialiste d’Amérique Latine.

Par Emiel Nachtegael (MAS/LSP : Le Mouvement pour une alternative Socialiste / Linkse socialistiche Partij est la section sœur de la Gauche Révolutionnaire en Belgique)