Martin Luther King, son rêve et le socialisme

Les représentants des capitalistes ont mis le paquet pour rendre Martin Luther King et ses idées aussi inoffensifs que possible. Le mémorial inauguré par Obama en 2011 à Washington ne fait carrément aucune référence au racisme ou à la ségrégation ! Effacé le rapprochement politique entre lui et Malcolm X, son combat pour un front uni avec les syndicats ; et ses idées politiques.

Inspiré par les idées révolutionnaires de Karl Marx, qu’il étudie à l’université, King écrit dès 1952 : « Ma théorie économique est beaucoup plus socialiste que capitaliste. (…) Je me réjouirai le jour où l’industrie sera nationalisée. »

En 1955, la campagne du boycott des bus ségrégués et son célèbre épisode avec Rosa Parks marque le début de son militantisme pour les droits civiques.

Le rôle de la classe ouvrière

King comprend que l’action de masse, liée à des campagnes politiques et sociales, est le moyen le plus efficace de faire changer la société. Malgré la fin de la ségrégation dans les lieux publics, l’abolition des lois ultra-racistes « Jim Crow »…, les travailleurs noirs restent sous-payés, parqués dans des ghettos, subissant violences racistes et policières…

King, comme Malcolm X, se tourne de plus en plus vers les grèves et les syndicats. « La coalition qui peut avoir le plus grand impact (…) est celle des noirs et des forces du mouvement ouvrier, leurs fortunes étant si profondément liées », écrit-il en 1962. Voilà le véritable danger pour le pouvoir des capitalistes. Ce n’est pas un hasard que son assassinat par le gouvernement et le FBI eût lieu alors qu’il était venu soutenir la grève des éboueurs de Memphis.

King, toute la fin de sa vie, a mené une double bataille.

L’une auprès des travailleurs noirs, méfiants des syndicats. Ainsi, les principaux organisateurs de la Marche de 1963 sont des militants socialistes et syndicalistes noirs. Ils proposeront un « Budget de la liberté », avec de nombreuses mesures qu’appliquerait un gouvernement socialiste des travailleurs : un emploi pour tous ceux en capacité de travailler en partageant le travail, un logement décent, une éducation abordable pour tous, pour atteindre « la réalisation de l’égalité ».

L’autre auprès des syndicats eux-mêmes, notamment la puissante fédération AFL-CIO, traversée par une dure bataille politique sur le racisme et le soutien à la lutte pour les droits civiques. « Les noirs sont presque exclusivement des travailleurs. Nos besoins sont identiques à ce que défend le mouvement ouvrier (…). C’est pour cela que les noirs soutiennent les revendications syndicales et combattent les lois anti-ouvrières. »

Ainsi, il pointe un des points fondamentaux du programme marxiste : la classe ouvrière organisée doit se faire championne de la lutte contre les oppressions spécifiques (racisme, sexisme…) ; et les luttes pour les droits démocratiques et contre les oppressions spécifiques ne seront jamais aussi efficaces qu’en s’alliant aux luttes de la classe ouvrière.

Contrairement aux marxistes que nous sommes, King n’est pas sûr que le seul moyen d’établir le socialisme démocratique est que les travailleurs s’organisent en tant que classe, dans leur propre parti politique, et prennent le pouvoir politique et économique des mains des capitalistes.
Pourtant, début 1968, année révolutionnaire s’il en est, Martin Luther King cheminait encore. « Pendant des années, j’ai lutté avec l’idée de réformer les institutions existantes de la société, un petit changement par-ci, un petit changement par-là. Aujourd’hui, mon opinion est tout à fait différente. » Son assassinat, le 4 avril 1968, laissera ce cheminement malheureusement inachevé.

Article paru dans l’Égalité n°226, par Cécile Rimboud

Une bataille fondamentale