L’Egalité, 200 numéros pour le socialisme

Voici donc le numéro 200 du journal l’Égalité. Son histoire dépasse largement les militants qui le diffusent et le rédigent aujourd’hui, comme elle a largement dépassé ceux qui l’ont initié. Mais elle les englobent, car l’Égalité, en tant que journal marxiste, se veut le continuateur d’une histoire socialiste et révolutionnaire et le porteur d’un programme, dont l’objectif est cette révolution socialiste, seule alternative à la monstruosité qu’est le capitalisme.

L’idée du journal

L’Égalité est né d’une idée simple : avoir un journal révolutionnaire pour la jeunesse, pour l’encourager à participer à la construction d’un parti révolutionnaire. À cette époque, l’organisation de jeunesse de la LCR (la Ligue Communiste Révolutionnaire), les Jeunesses communistes révolutionnaires (JCR) sont en pleine bataille interne. La capitulation devant le capitalisme de la part du PCF et du PS, accélérée par les « années Mitterrand », avait démoralisé de larges couches de travailleurs et de jeunes. La chute du mur de Berlin et l’effondrement des régimes à l’Est de l’Europe donnent le coup de grâce. L’extrême gauche est elle-même très affectée, certaines organisations opèrent un repli sectaire, défaitiste comme LO, d’autres confondent la chute du stalinisme avec une victoire contre le capitalisme et adoptent des positions de plus en plus réformistes. La LCR est largement traversée par cette combinaison de démoralisation et de faux enthousiasme.
Mais une aile des JCR essaya au contraire de promouvoir une orientation révolutionnaire, et bien que confuse sur de nombreux points, elle voulait se doter d’un authentique journal révolutionnaire et non une feuille vague et sans programme comme l’était jusqu’alors le magazine des JCR qui s’appelait, ne rions pas, « Autre Chose ».
L’accélération vint finalement de la direction de la LCR qui organisa la cassure en octobre 1990, refusant d’être minoritaire à la direction de son organisation de jeunesse. La majorité des JCR édita donc, en mars 1991, le numéro 1 du journal affichant en page 2 : « les journaux vous parlent du monde, l’Égalité veut le changer ».
Le nom

L’idée d’avoir un nom de journal à portée universelle et portant une référence au socialisme était un premier point. L’Égalité était au cœur du combat des sans-culottes pendant la Révolution française et ils l’avaient imposée au cœur de la devise révolutionnaire.
Et c’était une référence à deux grands ancêtres du mouvement ouvrier : L’Égalité, qui avait été le journal « socialiste républicain » fondé par Jules Guesde, le premier journal marxiste en France, qui parut de 1877 à 1883 ; et Die Gleichheit (L’Égalité), fondé par la grande socialiste Clara Zetkin en 1892, publié jusqu’en 1917, le premier journal socialiste révolutionnaire à destination des femmes travailleuses.
Une société égalitaire n’est pas une société uniforme mais au contraire une société où toutes et tous disposeront de ce dont ils ont besoin et où personne n’est exploité. C’est pour cela que fut ajoutée la citation de Lénine que l’on trouve en Une encore aujourd’hui, car l’Egalité, c’est aussi un mot d’ordre de lutte.

Le journal de la Gauche révolutionnaire

Identifiées par ce nom, ces JCR deviendront les « JCR-Égalité ». L’opposition avec la majorité de la direction de la LCR fut de plus en plus forte, tant sur le fond et la construction d’un parti révolutionnaire que sur l’intervention dans les luttes de la jeunesse, les mots d’ordre ou les choix tactiques (guerre du Golfe, grèves étudiantes contre Jospin…). En octobre 1992, le bureau politique de la LCR annoncera que la condition « sine qua non pour parler d’organisation de jeunesse de la LCR » était de mettre fin « au cours actuel du Bureau national » des JCR. Cela se traduit par la rupture et l’exclusion des militant-e-s JCR membres de la LCR.
Les JCR-Egalité fondèrent les JCR-Gauche révolutionnaire et décidèrent, en 1994, d’adhérer au Comité pour une Internationale Ouvrière, le CIO, dont la Gauche révolutionnaire est toujours la section française.
Durant les années 1990, les JCR-GR menèrent de nombreuses batailles, essayèrent de regrouper des militants qui partageaient cette compréhension qu’une double tâche s’imposait : construire un parti révolutionnaire mais également donner les moyens à la classe ouvrière et à la jeunesse de se réapproprier le socialisme comme véritable objectif. L’Égalité reflétait ce jeune enthousiasme. Certains points de vue étaient éloignés de ce que le journal défend aujourd’hui, par inexpérience des militants d’alors, ou par la difficulté dans les années 90 d’amener de larges couches de travailleurs et de jeunes à des idées socialistes révolutionnaires.
Au début des années 2000, l’organisation s’atomisa. Après 10 années de combat souvent à contre-courant, une grande partie des militants fit une sorte de pause. Un petit groupe se donna le temps du débat pour décider de l’avenir du groupe militant tout en continuant à produire le journal. De fait, c’est l’Égalité qui a continué de porter tout le combat.
En, 2004, une conférence spéciale décida de refonder la Gauche révolutionnaire, confirmée par le 1er congrès en 2005. L’Égalité une fois encore était au cœur du fonctionnement et de l’activité de l’organisation. Parfois avec moins de pages et en noir et blanc, souvent amélioré par des suppléments qui répondent à l’urgence de la situation, l’Égalité est resté le principal moyen d’exposer les idées, analyses et propositions de la Gauche révolutionnaire quels qu’aient été nos choix tactiques (participation au NPA ou existence indépendante, orientation vers la France insoumise et soutien à celle-ci).

Bilan et nouveauté

Il y a toujours eu une constante dans l’Égalité, celle d’en faire un journal à destination des masses, pour la vente militante directe dans la rue, dans les manifestations, à la porte des entreprises. Comme à ses origines, l’Égalité reste un journal écrit par les militant-e-s, même très jeunes et encore inexpérimentés car c’est autant une école de formation qu’un moyen de se rendre accessible aux plus larges couches de la classe ouvrière et de la jeunesse, d’apporter une analyse marxiste, des propositions concrètes, et de continuer à construire avec enthousiasme un parti révolutionnaire pour le socialisme.

Par Alex Rouillard