Le PARE, un an après…

Cela fait maintenant un peu plus d’une année que le PARE, imposé par le patronat et accepté bien volontiers par le gouvernement de la Gauche plurielle et la CFDT, a été mis en place. Quel bilan peut-on en tirer ?

Article paru dans l’Egalité n°97

Un an après, la quasi-totalité des chômeurs inscrits sont sous le régime du PARE, ou plutôt de son correspondant ANPE : le PAP (Plan d’action personnalisé). Mais alors que ce plan nous était présenté comme le moyen miracle d’un retour à l’emploi rapide – grâce à un suivi plus poussé des chômeurs de la part des agents ANPE et leurs inscriptions dans tout un tas de prestations – le bilan est des plus insatisfaisants d’un point vue comptable : seuls 20% des chômeurs ont retrouvé un emploi et l’UNEDIC est au bord du dépôt de bilan (elle perd environ 200 millions d’euros par mois et aura accumulé environ un déficit de 3 milliards d’euros à la fin de l’année), alors que l’ANPE s’était engagée à ce qu’environ 75% des chômeurs retrouvent un emploi dans les douze mois. Pour cela, l’UNEDIC avait financé l’Agence, qui avait créé plus de 3600 postes.

L’ANPE est jugée responsable de cet échec et le MEDEF et la presse bourgeoise tirent à boulets rouges sur les agents ANPE qui n’auraient pas compris le PARE ou qui refuseraient de mettre en place les sanctions prévues pour les « mauvais chômeurs », ceux qui ne recherchent pas activement un nouvel emploi et qui profiteraient du système – et certainement des largesses du patronat et du paiement de leurs charges (voir encadré sur les idées fausses). Pourtant la Direction générale de l’Agence se défend ,bien que mollement, contre ces accusations de laxisme, en précisant sans vergogne que le nombre de radiations a augmenté, atteignant plus de 25.000 par mois, 39.000 en juillet (soit une augmentation de 109,1% par rapport à juillet 2001). D’ailleurs, l’Agence n’est pas la seule à « épurer » le fichier des demandeurs d’emploi ; les ASSEDIC s’y sont mises aussi.

Le PARE selon Seillière et les patrons

Mais si l’on y regarde à deux fois, ce bilan négatif est une aubaine pour le patronat. L’objectif à peine dissimulé du MEDEF, sous-tendu par l’idée que le chômage est une responsabilité individuelle (on est chômeur parce qu’on le veut bien), était de détruire le régime chômage solidaire, afin de faire non seulement des économies par la baisse des charges patronales, mais aussi des profits par l’établissement à terme d’assurances chômage privées selon le modèle américain.

Le moyen était le flicage intensif des chômeurs et l’obligation qu’ils ont d’accepter n’importe quel emploi que l’ANPE leur propose sous peine de radiation, en contrepartie de la non-dégressivité de l’indemnisation. L’effet corollaire de l’obligation d’emploi est une plus grande concurrence entre tous les travailleurs – quel que soit leur secteur d’activité – et donc une baisse des salaires et une dégradation des conditions de travail ainsi qu’une casse des statuts ; encore une façon pour le patronat d’augmenter ou sauvegarder ses profits, en faisant payer aux salariés leur crise économique et financière.
Dans cette optique, mener le régime d’assurance-chômage à la faillite tout en mettant le doigt sur une prétendue incompétence du service public de l’emploi afin d’avancer vers sa privatisation comme c’est déjà le cas, par exemple, aux Pays-Bas et partiellement en Allemagne, est un coup de maître.

Pour l’instant, le MEDEF veut revenir sur la non-dégressivité des indemnisations chômage, certainement après une augmentation des cotisations salariales et une baisse des indemnités. Ainsi, du PARE, il ne resterait que le volet « répressif  » : la surveillance des chômeurs, les radiations facilitées et le contrôle accru des activités des agents ANPE par le MEDEF via l’UNEDIC. Le tout dans une structure de plus en plus décentralisée du service public et une réglementation de plus en plus absconse apportant toujours moins d’égalité de traitement entre les chômeurs, mais une plus grande flexibilité à laquelle aspire toujours le patronat.
Nous devons refuser cet avenir en nous battant, salariés de l’ANPE et des ASSEDIC et chômeurs organisés ou non pour la suppression du PARE et la mise en place d’une politique au service des usagers et non du patronat, tant d’un point de vue de l’insertion professionnelle que de la formation continue.

Pour améliorer le régime de chômage :
Abolition du PARE
Droit aux indemnités non-dégressives sans carence ni durée de travail obligatoire pour l’ouverture des droits
Interdiction des radiations
Augmentation substantielle des minima sociaux de 250 euros
Arrêts des cadeaux dont les exonérations de charges aux patrons et des emplois précaires qui cassent les statuts, etc…

Pour en finir avec le chômage par les luttes :

Interdiction des licenciements
Nationalisation sous contrôle démocratique des ouvriers des entreprises qui licencient
Retraite pleine et entière à 55 ans et après 37,5 annuités pour tous, secteurs public et privé

Echelle mobile des heures de travail jusqu’à résorption du chômage sans baisse de salaire ni compensation pour le patronat

Les ratés de l’allocation de retour à l’emploi.

Devenue maintenant obligatoire lors de l’inscription en tant que demandeur d’emploi, elle met fin à la dégressivité des allocations chômage et assure son maintien durant 600 jours. Ce qui pourrait paraître un acquis signifie en fait pour une catégorie de personnes un gouffre insondable. Si vous avez été en contrat précaire (CES, CEC, CDD mi-temps …) le montant de votre allocation va vous coller un choc : 12,80 € par jour ! C’est inférieur au revenu minimum d’insertion et non cumulable avec celui-ci. Vous cesserez de bénéficier des avantages de votre situation antérieure, avec notamment la chute de vos allocations logement qui passent de 75% à 50% du loyer hors charges. Il faudra donc payer plus, tout en ayant moins. Il en va de même pour les impôts locaux, la redevance télé, les factures EDF-GDF, etc. puisque vous n’êtes plus considéré par la CAF comme sans revenus, vous êtes donc apte à payer. Votre allocation, à la différence d’un revenu minimum, est saisissable. La situation est donc plus difficile, créant de nouveaux précaires dont le seul tort est d’avoir voulu travailler.

La situation pourrait paraître plus enviable pour les travailleurs handicapés qui restent un public prioritaire donc apte à un contrat CES, sauf que les employeurs préfèrent payer à l’AGEFIPH plutôt que de les embaucher. Les pouvoirs publics semblent ne pas réagir. Le premier interlocuteur, l’ASSEDIC, reconnaît le caractère inique de la situation et attend une décision de l’UNEDIC. Le gouvernement reste insensible à cette création d’une France, entre parenthèses, d’encore plus bas. Il a juste annoncé pour septembre un système de parité de dépassement uniquement pour les allocations de rentrée scolaire. Le PARE est donc un agent aggravant des inégalités, et ceci dans un silence général. Voulu par l’ancien gouvernement Jospin, il se basait sur un postulat d’une grande adaptabilité du demandeur d’emploi et d’un marché de l’emploi en plein essor. Le PARE s’accompagnant d’un suivi plus poussé (réunions obligatoires, présentations de preuves.
de recherche d’emploi, etc.), il s’est créé dans un optimisme forcené où, sur le papier, ça marche ! Sauf que, bien loin de la réalité du terrain, le super-ministère de Martine AUBRY a mis une fois de plus les pieds dans le plat. Que restera-t-il donc pour ces demandeurs d’emploi avec un nouveau gouvernement qui diminue les contrats précaires et les remplace par rien ? La situation paraît donc bouchée avec comme seule voie de sortie : accepter n’importe quel travail, dans n’importe quelles conditions et à n’importe quel salaire.

Contrat jeune en entreprise

Le contrat jeune en entreprise est la nouvelle trouvaille du gouvernement Raffarin afin de « faciliter » l’insertion professionnel des jeunes de 16 à 22 ans avec un diplôme inférieur au baccalauréat. Les entreprises se verront exonérer de charge à hauteur de 1,3 fois le SMIC durant 2 ans pour ces emplois, et de 50% pour la troisième année. Ce n’est qu’une nouvelle mouture de ces contrats précaires que l’on nous ressert régulièrement permettant de faire des cadeaux au patronat sans que cela se voit de trop. Dans le cas présent, comme souvent, le cadeau est l’exonération de charge. Mais Fillon a voulu y mettre les formes : le contrat-jeune est un CDI payé au minimum au SMIC, le patron n’aura pas licencié pour motif économique dans les 6 mois précédent l’embauche et devra être à jour de ses cotisations sociales, le futur jeune embauché ne devra pas avoir travailler pour l’entreprise dans les 12 mois précédents le contrat sauf dans les cas de CDD et travail temporaire.

Ce genre de contrat est une attaque de plus contre les statuts des travailleurs car il met en concurrence sur le marché du travail les travailleurs pouvant bénéficier de ce dispositif et ceux ne pouvant pas en bénéficier ; pour un patron le choix est vite fait entre un salarié payé au SMIC ou plus n’apportant pas d’exonération et un jeune payé au SMIC apportant une exonération de charges. Ainsi ce genre de contrat se multiplient au détriment des contrats « normaux », baissant ainsi les conditions de travail et les salaires globaux des travailleurs, et incitant ceux qui ne peuvent pas en bénéficier à se vendre moins cher pour accéder à un emploi.
Nous ne devons plus accepter ce genre de contrats précaires prétendument pour faciliter l’insertion de certaines catégories de personnes (CES, CEC, emploi-jeune, CIE…).

Chiffres du chômage truqués

Le nombre de chômeurs ne fait que croître : il atteint 9% en juin 2002 selon les critères du Bureau international du travail. Le nombre de demandeurs d’emploi inscrits toutes catégories confondues (hormis celles des demandeurs d’emploi en formation ou en arrêt maladie) atteignait en mai dernier 3.487.800 contre 3.352.400 en mai 2001. Ce chiffre qui a encore augmenté durant l’été, ne reflète que partiellement la réalité : il ne donne des indications que sur le nombre de personnes inscrites à l’ANPE. Pourtant, il est des travailleurs touchés par le chômage qui n’entrent pas dans ces statistiques : les SDF, les sans-papiers, les demandeurs d’emploi radiés, ceux qui ont un emploi à temps partiel non-voulu ou les intérimaires et qui ne sont pas inscrits, ceux qui sont en formation, ceux qui sont malade, les chômeurs d’outremer…

En réalité c’est plus de 5 millions de personnes qui sont touchées partiellement ou totalement par le chômage. Le nombre d’heures chômées n’a fait que croître ces dernières années. Le gouvernement Jospin a réussi à maquiller cette réalité grâce à des mesures, comme la loi Aubry sur la réduction du temps de travail, qui permettent de répartir le chômage entre les travailleurs mais pas de le faire diminuer. Et depuis quelques mois la triste litanie des plans sociaux, des fermetures de site et des licenciements a repris de plus belles. En Haute-normandie c’est plus de 5 entreprises qui ont effectué ou annoncé un plan social ou une fermeture de site : ViaSystems, Aspocomp, Plastic et Parfum, Labell, Glaxo…

Il faudrait en finir avec quelques idées fausses

Les charges patronales

On entend souvent les patrons se plaindre des charges qu’il leur incombe de payer : les charges patronales. A les entendre, on les spolierait d’une part de leurs profits. Mais contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, ces charges font parties du salaire des travailleurs : c’est la partie du salaire que le patron donne à ses salariés indirectement via les différentes caisses de régimes de solidarité (Retraite, Sécu, Unédic…) que les travailleurs ont arrachée de hautes luttes des mains du patronat durant le 19ème et 20ème siècle. Une baisse de charge correspond donc à une baisse de salaire. Mais à la différence du salaire direct, qui est individuel, le salaire indirect payé par les charges, est collectivisé dans un souci d’égalité – du moins devrait-il l’être, mais l’intervention du patronat, grâce à la cogestion des caisses que l’on appelle « paritarisme » (parasitisme ?!) transforme la gestion solidaire en gestion comptable sur un mode capitaliste. Le patronat veut non seulement arrêter de payer le salaire indirect pour augmenter ses profits, mais que ce soit les salariés avec leur salaire direct qui s’assure de façon individuelle devant les risques de la vie (vieillesse, santé, chômage…) auprès d’organismes privés – les assurances. Ainsi d’une pierre deux coups, le patronat baisserait nos salaires – via le salaire indirect -et verrait une partie du salaire direct leur revenir via les assurances privées et les fonds de pension avec laquelle ils pourront jouer en bourse.

Le chômage n’est pas une responsabilité individuelle ?

Les charrettes de licenciements devraient suffire à le prouver. Mais malgré cela, les médias, les idéologues du capitalisme continuent à inoculer l’idée que l’on est responsable de son chômage et que ceux qui veulent retrouvent un emploi. Pourtant, cela fait plus d’un siècle et demi, que Marx et Engels ont montré que le capitalisme ne pouvait se passer du chômage : Les chômeurs représentent une « armée de réserve » qui permet aux capitalistes à la fois d’avoir un volant de sécurité face aux fluctuations de l’économie et de la production et à la fois de faire pression sur les travailleurs pour attaquer leurs conditions de travail et leur salaire (chantage au chômage). En un mot c’est le fonctionnement du capitalisme et les patrons qui sont responsables du chômage.

Par Yann Venier et Arnaud Benoist