Libérer les énergies, créer plus d’un million de PME en France dans les cinq années à venir, renforcer l’autorité de l’Etat, sa police, sa justice… Des thèmes de droite libérale mais la nouvelle législature ne débute pas dans le même contexte politique et économique. La crise économique tarde à frapper aux portes de France pour le patronat mais la démission de JM Messier sonne l’alarme pour les grandes firmes françaises. Quelle va donc être la politique de Chirac et Raffarin pendant les deux années à venir ?
Article paru dans l’Egalité n°96
Un Premier ministre prudent et pragmatique
La situation politique, cristallisée lors des dernières élections, laisse au nouvel arrivant à Matignon une situation moins favorable que pour la Gauche plurielle. Ce qui est sûr, c’est qu’avec le nouveau gouvernement de Raffarin, nous héritons à nouveau, comme avec Jospin, d’un pragmatique à Matignon ! En effet, Raffarin se pose comme un bon gestionnaire aux cotés du photogénique porte-drapeau qu’est Chirac. Ce nouveau gouvernement est effectivement aux ordres de Chirac et renforce son pouvoir personnel. Mais son pouvoir est limité par le contexte politique. Raffarin et Chirac jouent ainsi la prudence en matière sociale étant donné la situation économique défavorable. « Les privatisations se feront au cas par cas en tenant compte de l’intérêt des entreprises et en concertation avec le personnel et les syndicats ». Cette prudence montre leur crainte d’un rapport de forces trop vite en leur défaveur avec la Gauche plurielle à nouveau en opposition. Ainsi, ils promettent le dialogue social à tout-va sur le statut public d’EDF. La « forme juridique » d’EDF et de GDF serait modifiée pour permettre une « ouverture progressive » de leur capital. Mais il a promis que « ces évolutions feront l’objet d’une consultation préalable avec, en particulier, les agents de ces entreprises et leurs représentants ».
Rupture ou continuité des politiques ?
De nombreuses personnes se posaient une question essentielle lors des élections législatives : quelles différences y a-t-il entre un gouvernement de gauche et un gouvernement de droite ? Allons nous subir des attaques plus fortes de la part du patronat avec la droite au gouvernement ?
Les considérations politiques vont bon train au sujet des réseaux qu’a tissés Chirac à l’Assemblée avec Debré et au gouvernement avec Raffarin mais elles n’expliquent pas les enjeux politiques de ce gouvernement. Les médias de gauche appuient sur ces aspects personnels faute de débat politique et de contre- attaque crédible de feu la gauche plurielle. Il faut entrer dans le détail des objectifs soulevés par Raffarin et Debré (la voix de son maître…) à l’ouverture de la session parlementaire de l’Assemblée Nationale le 3 juillet dernier : insécurité, retraites, réforme et décentralisation de l’Etat…Les annonces de projet faites par Jospin avant sa défaite concordent sur les thèmes évoqués, ce sont les mêmes dossiers. Sur les aspects essentiels, il y a une réelle continuité des politiques avec le gouvernement de la gauche plurielle. Raffarin s’appuie sur le socle construit par Jospin : « un capitalisme à la française, humanisé »…
Retraite : Pars à 60 ans et tu seras un retraité heureux mais …pauvre !
D’ores et déjà, Raffarin poursuit la politique précédente sur les retraites en étant prudent prévoyant un règlement de la question pour juin 2003. Mais le processus avait été entamé par Chirac et Jospin à Barcelone en Mars 2002. Ainsi, il s’agit de permettre de « choisir » le moment de son départ, derrière cette idée, c’est le piège des retraites anticipées qui se renouvelle mais à une échelle beaucoup plus grande et nationale. La retraite à 60 ans sera possible pour les hauts salaires mais les plus bas s’ils veulent avoir une pension suffisante, devront travailler plus longtemps et souscrire un complément privé : « Chacun doit avoir la possibilité de compléter sa pension grâce à une incitation fiscale par un revenu d’épargne ». Il avance prudemment mais sûrement ! Il serait bien sûr erroné de penser que la gauche et la droite sont la même chose. Cependant la présence de personnalités comme Luc Ferry souligne la similitude des objectifs de ces gouvernements. Fidèle conseiller de Jospin, Allègre et Lang pendant 10 ans au ministère de l’Education, il en devient le ministre sous la droite ! En effet, Gauche plurielle comme UMP gèrent les affaires de l’Etat dans le sens du patronat.
Une politique ancrée à droite : Autorité de l’Etat et initiatives privées favorisées
La première des priorités de Raffarin : le « traitement » de l’insécurité. Thème privilégié de la droite : l’autorité de l’Etat, Raffarin et Sarkozy surfent sur les faits divers, les lois « antiterroristes » de sécurité quotidienne, ils prévoient d’augmenter les effectifs de la police et de la justice respectivement sur 5 ans : 13 500 postes et 10 000. Derrière l’objectif avoué de « redonner l’espoir aux français », il s’agit de poursuivre la démagogie sécuritaire mais aussi le flicage des jeunes et des travailleurs des quartiers défavorisés. L’appareil répressif est aussi renforcé pour empêcher toute mobilisation de se faire entendre, ainsi Sarkozy envoie la police sur les grévistes de Lustucru pour stopper l’occupation de la boite ou encore déloge des centaines de sans-papiers à Lyon et à Lille.
Bien entendu ces embauches nécessitent de se serrer la ceinture ailleurs. Ainsi, « tous les emplois » ne seront pas systématiquement remplacés au fur et à mesure des départs » dans la fonction publique, en précisant que « selon les secteurs, les effectifs seront accrus, stabilisés ou réduits ». D’ores et déjà les coupes budgétaires vont s’accélérer.
Coupes budgétaires et décentralisation : les enjeux de la régionalisation des pouvoirs
L’annonce simultanée de révision de la constitution (article XIII) et de projets de loi sur les compétences des collectivités locales et de l’Etat est un vaste chantier. Derrière les bonnes intentions déclarées de donner plus de pouvoir à la France d’en-bas, il s’agit d’en donner plus au patronat. Pourquoi ? Raffarin avec l’appui de Chirac propose de transférer certains pouvoirs de l’Etat vers les régions ou municipalités. Par exemple, chaque région pourrait gérer les affaires scolaires ou la santé. Ceci n’est pas nouveau, on fait entrer en concurrence des services publics qui passent sous le contrôle des régions et du patronat local qui y est puissant.
Raffarin va développer ce qu’il appelle « le droit à l’expérimentation », des régions-test avant généralisation. Ainsi, une région se spécialise dans une filière technique au niveau scolaire, les entreprises locales soutiennent financièrement et contrôlent l’enseignement de ces disciplines. Selon la richesse d’une région, on a plus ou moins de chances de pouvoir apprendre une discipline, un métier et d’y trouver un travail. Quelle égalité des chances ! La garantie de service public égal à travers toute la France est ainsi définitivement finie.
Organisons la riposte !
La continuité des attaques est effective, il n’y a pas de rupture avec la Gauche Plurielle en matière politique. Ceci ne réduit en rien la nécessité de combattre ces attaque, bien au contraire. Les patrons sont au gouvernement, nous serons dans la rue pour combattre leurs attaques et défendre les intérêts des jeunes, des travailleurs, des immigrés. La défense des services publics, des retraites, la lutte contre les répressions policières contre les étrangers… sont toujours au cœur des campagnes et peut-être des batailles à venir. Débarrassés des illusions dans la gauche plurielle, nous pouvons être tous plus à même de proposer une alternative politique en rupture avec le capitalisme en France.
Par Leïla Messaoudi