D’Enron à McDo, l’arnaque du partenariat dans les entreprises

Dans toutes les entreprises, les patrons et les actionnaires voudraient faire croire aux salariés que leurs intérêts sont directement liés.

Article paru dans l’Egalité n°94

Mais dès que les difficultés apparaissent, ou même quand les profits ne leur paraissent plus suffisants, ce sont les travailleurs et eux seuls qui paient la note : licenciements, diminutions salariales, chômage technique ou « aménagement du temps de travail ».Pendant ce temps, les dirigeants et actionnaires n’hésitent pas à s’octroyer d’énormes augmentations, à jouer avec le capital de l’entreprise en sachant bien qu’eux sont à l’abri.

Enron, entreprise phare du capitalisme américain vient d’en faire la brillante démonstration. Enron, c’était le plus gros courtier en énergie, septième compagnie américaine avec un chiffre d’affaires de 112 milliards d’euros.

Ses dirigeants ont multiplié les malversations. Le directeur financier peut ainsi effacer artificiellement 1,2 milliards de dollars de dettes au moyen de transactions douteuses. Il faut dire que ce groupe a créé pas moins de 881 filiales dans des paradis fiscaux ! Fin 2001, Enron annonce des pertes faramineuses et l’action passe de près de 100 dollars à l’été 2001 à 65 cents en novembre. Pas de problème pour les dirigeants qui étaient, contrairement aux salariés, parfaitement au courant. 29 cadres ont revendu les actions qu’ils détenaient, empochant 1,1 milliard de dollars avant l’annonce de ces pertes. Le PDG Kenneth Lay, ami de Bush(Enron fut l’un des principaux bailleur de fonds de parti Républicain) a ainsi fait un bénéfice de 101,3 millions de dollars. Et ni les organismes chargés de surveiller les marchés financiers ni la société privée – Arthur Anderson – chargée de vérifier les comptes n’ont rien vu venir. Du moins c’est ce qu’ils prétendent. Il est probable qu’ils furent achetés. Enron fut l’un des principaux bailleur de fonds des partis Républicain et Démocrate depuis 1989 – afin de fermer les yeux sur la sur-évaluation d’Enron et ses spéculations.

Pour les travailleurs, c’est une toute autre histoire. Enron est déclarée en faillite et ce sont 4 500 employés qui sont licenciés et 19.000 emplois à travers le monde qui sont menacés. Non seulement ils vont se retrouver au chômage, mais, subissant la propagande de l’entreprise, ils ont investi leurs économies dans les fonds de pension de l’entreprise, qui étaient sensés leur assurer une retrait confortable. Avec la faillite, ce fond ne vaut plus rien. Par exemple, un salarié dont la pension valait 1,3 million de dollars en décembre 2000, l’a vue chuter successivement à 361.420 dollars en septembre 2001, puis 4000 dollars aujourd’hui !

Comme il le dit : « Je me sens trahi par une compagnie qui était tout pour moi. Quand j’ai pris ma retraite, fin 2000, je pensais enfin pouvoir profiter de la vie et voyager. Mais les patrons et leurs comptables nous ont planté un couteau dans le dos ». D’autres salariés ont été aussi dépossédés de leurs retraites dans cette affaire : le fond de pension Calper avait pour 3 millions de dollars d’actions et les enseignants de Californie pour deux millions de dollars d’actions chez Enron. En plus de leur caractère inégalitaire, les fonds de pension (même rebaptisés « épargne salariale ») montrent qu’ils ne sont qu’une source de profits pour le patronat et les établissements financiers.

Il ne faudrait pas croire que les scandale du type Enron sont une spécificité des USA. Tous les gouvernements en France, de droite comme de gauche, se sont donnés comme projet de « réformer » les systèmes de retraites. On nous assène tous les jours des analyses douteuses sur le « papy-boom » ou sur le « trou de la Sécu », pour nous faire accepter encore plus d’austérité et les fonds de pension. Juppé s’est cassé les dents sur ce dossier, et la Gauche plurielle n’a pas encore osé s’y attaquer de front. Mais après les élections prochaines ils auront cinq ans devant eux pour essayer de faire passer leurs mauvais coups contre nos retraites.

Gigantesque arnaque que cette vison de l’entreprise que distillait Lay à ses employés : « une grande famille qui mérite de nombreux sacrifices », faisant ainsi faire à des employés qu’il bernait des journées de douze ou quinze heures. Partout dans l’entreprise étaient gravés les mots « respect, intégrité, excellence », concepts que les dirigeants se gardaient bien évidemment de s’appliquer à eux-mêmes.

C’est une stratégie qui est partout appliquée par le patronat et leurs spécialistes des « ressources humaines ».

A chaque plan de licenciements, ce sont les mêmes mots que l’on entend dans la bouche des salariés, disant leur dégoût d’être virés comme des chiens après une vie de travail. Bien souvent, ils avaient accepté les  » sacrifices  » demandés par les patrons pour sauver « leur » entreprise : pas d’augmentation, voire réduction des salaires, augmentation des cadences, flexibilité et dégradation des conditions de travail. On pense aux LU, aux Danone, aux Moulinex. Effectivement, c’était bien leur entreprise, en ce sens que toutes les richesses y étaient produites par eux-mêmes. Mais, dans cette société, ce sont les patrons qui en tirent tout le bénéfice. Par conséquent, leurs intérêts ne peuvent pas être les mêmes que ceux des travailleurs. Ceux-ci s’aperçoivent vite qu’ils ne peuvent compter que sur leurs propres luttes.

La propagande patronale est en permanence reprise par le gouvernement : si les entreprises vont bien, c’est tout le monde qui en profitera. Sous ce prétexte, il multiplie les cadeaux au patronat, en particulier par des exonérations fiscales ou de charges salariales.

A MacDo, même chanson. Les employés y seraient des partenaires, des équipiers. En fait, il s’agit d’exiger d’eux le maximum et l’exploitation la plus totale règne dans cette entreprise si « sympa ».

La « refondation sociale », prônée par le MEDEF et approuvée par Notat ne se ferait que sur le dos des travailleurs. Tous les aspects d’un soi-disant partenariat dans les entreprises ne visent qu’à empêcher les salariés de développer leurs luttes pour défendre leurs propres acquis et revendications.

Les intérêts des travailleurs et des patrons (cachés derrière les « entreprises ») sont irrémédiablement inconciliables. Jamais le patronat n’a fait de cadeaux aux salariés et toutes les conquêtes des travailleurs se sont faites par leurs luttes. A l’heure où la récession économique s’étend et où le chômage est en recrudescence, il nous appartient de ne pas l’oublier.

Par Pascal Grimbert