Tout d’abord exclure du débat tout ce qui se rapporte à la question des moyens. Pourtant les dépenses pour l’Éducation atteignent les 8 % du PIB contre une moyenne de 11 % pour les pays de l’OCDE. Et quand l’Italie a créé des milliers de postes dans l’Éducation face à la Covid, Blanquer supprime des postes d’enseignants : plus de 1 800 en moins à la rentrée 2021 alors qu’il y a plus d’élèves.
Ensuite, en prétendant s’appuyer sur les neurosciences, imposer un programme réactionnaire : celui d’une bourgeoisie arc-boutée sur sa représentation figée de l’école, un lieu de reproduction, et non d’élaboration et d’émancipation. C’est ainsi le retour de la méthode exclusivement syllabique – au mépris de plus de 30 ans de pratique enseignante et de recherche ; l’écriture au primaire uniquement ciblée sur la maîtrise du code écrit et non sur l’expression personnelle, ou encore le retour d’une vision finaliste et très réactionnaire de l’Histoire.
Pour cela, bien camoufler derrière une communication reprenant des thèmes consensuels – le combat contre les inégalités, la place centrale des élèves… – cette véritable et impitoyable opération de tri social, tout en maintenant le calme.
C’est le sens de la réforme des programmes de primaire, avec le refus de la pluralité des formes d’apprentissage, des rythmes, et en récusant toute la recherche opérée dans ce domaine depuis 30 ans. C’est le sens de la destruction de l’éducation prioritaire. C’est encore le sens de l’établissement des PIAL (Pôles Inclusifs d’Accompagnement Localisés) qui imposent aux Accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) une flexibilité intenable rendant impossible tout suivi efficace et pérenne.
L’objectif final ? L’individualisation pour les élèves et les personnels. Ainsi l’échec sera le fait de parents qui ne suivraient pas bien leurs enfants, d’élèves qui ne se donneraient pas les moyens de réussir et d’enseignants réfractaires. Pas celui de l’idéologie néolibérale, puisque chacun a sa chance, la faute incombe à celui qui n’a pas su la saisir. C’est l’optique des réformes autoritaires de Blanquer : casse du paritarisme, mise en place d’autoévaluation forcée des établissements, compétition accrue à tous les niveaux, répression de toute opposition. Cette mise au pas est au service d’une destruction du cadre collectif de l’Éducation et de ses missions de service public. Une étape majeure dans la fabrique du consentement aux principes du néolibéralisme.
Par Geneviève Favre, article paru dans l’Egalité n°205