Grève générale en Algérie

Après une terrible tempête, dans les années 1980, de crises politiques et socio-économiques, et après la guerre civile féroce dans les années 1990, l’Algérie commence enfin à respirer, à reprendre espoir.Même s’il est vrai que des groupes islamistes armés continuent de faire des attentats meurtriers, sanglants, frappant des citoyens innocents et sans défense auxquels il faut rajouter une répression de l’armée souvent brutale et aveugle, comme on a pu le voir en Kabylie.

Article paru dans l’Egalité n°100

Il est également vrai que l’arrivée au pouvoir du Président Bouteflika, en 1999, marqua le début de la fin de la guerre civile. Il proposa « la Concorde civile » lors de la conférence de Rome à laquelle participèrent de nombreux partis : FLN, islamistes, RCD, Parti des Travailleurs… La « concorde civile » avait pour objectif de calmer les tensions pour essayer de diviser les intégristes et également pour permettre aux investisseurs, notamment européens, d’apporter des fonds pour accélérer le démantèlement de l’économie algérienne en grande partie nationalisée. Des centaines d’accords de privatisations ont pu être passés, au grand bénéfice de la clique au pouvoir, et la marche vers une économie libérale s’est accélérée. Résultat, le chômage a augmenté, et les inégalités aussi.
Mais les élection législatives de 2002 reflète l’estime que la population prouve au pouvoir actuel du « FLN », l’ex-parti unique, qui a raflé la majorité absolue en sièges à l’Assemblée Nationale, malgré l’abstention d’un Algérien sur deux, sans compter la Kabylie, dont seulement 7,6% des inscrits se sont rendus aux urnes. Tout cela montre le manque d’enthousiasme flagrant pour les actuels partis politiques d’Algérie.

L’Algérie sortie de la crise ?

L’Algérie a énormément souffert de la guerre civile. Elle est aujourd’hui plus vivable, notamment pour les femmes. Elles peuvent par exemple fréquenter des lieux publics ou assister à des réunions politiques avec moins de crainte et plus de liberté même si des violences et des attentats continuent. Mais les problèmes politiques et socio-économiques sont toujours présents. Ce sont deux grands problèmes majeurs à résoudre. Une tâche qui ne serait pas facile pour le prochain gouvernement. La situation économique reste préoccupante, avec un chômage au taux de 32% (chiffres avancés par l’Etat). Sans compter les femmes, souvent diplômées, qui restent au foyer.
Bouteflika s’agite aujourd’hui car il craint d’être évincé du pouvoir par une aile de la clique militaire qui l’entoure. Il appelle Chirac en renfort, qui vient d’ailleurs avec le PDG de Total, et espère maintenir la place prééminente de la France en Algérie. Dans ce cadre, la grève générale de deux jours de l’UGTA voulait certainement mettre encore plus de pression dans ce sens. Mais la massivité de la grève a montré que les problèmes étaient bien plus profonds que cela.

La grève générale s’est déroulée les 25 et 26 février à l’appel de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) avec à sa tête, Madjid Sidi Saïd, leader de la centrale syndicale. Elle a paralysé toutes les activités du secteur public et s’est étendue sur tout le territoire national. Ce fût un succès.
La population très déçue et marquée par une entrée de l’économie de marché menée à la hussarde a adhéré massivement à la grève, voulant montrer son désarroi, dans l’espoir d’être entendue et d’attirer l’attention des pouvoirs publics. Son niveau de vie ne cesse de se dégrader. Le désespoir gagne chaque jour davantage. Des milliers de travailleurs après 30 à 35 ans de loyaux services sont licenciés. Il se rajoute à cela les jeunes, diplômés ou non, au chômage, sans situation sociale s’inquiétant de leur avenir et des emplois précaires.

Les revendications ont été limitées à une critique de certaines privatisations, jugées infondées, ou à la forme que les privatisation ont prise. Le secteur du gaz et du pétrole n’ont pas été appelés à la grève (certains l’ont faite néanmoins).
Et si l’UGTA parlait également des salaires et du chômage, c’était de manière déconnectée des privatisations, et de la vente aux capitalistes des acquis, même en mauvais état, issus de la révolution algérienne. Sidi Saïd déclarant surtout que  » ces questions mériteraient des actions futures « . Alors qu’il faut en fait les lier, car les privatisations vont de pair avec licenciements et bas salaires, mais cela, la direction de l’UGTA ne veut pas trop le dire, de peur de gêner les dirigeants.

La grève montre la force qu’ont les travailleurs algériens. Plutôt que d’accepter les politiques libérales ou de demander qu’elles soient moins agressives, la bataille devrait porter sur de véritables revendications qui unissent l’ensemble des travailleurs, des femmes, des paysans et des jeunes algériens : pour des augmentations de salaire, de véritables logements, des embauches, contre les privatisations etc.

S’opposer au bradage de l’économie algérienne qui se fait au seul profit des multinationales capitalistes et de la clique au pouvoir en Algérie, cela demande d’aller vers la prise de contrôle par les travailleurs des secteurs nationalisés, un contrôle qui s’exercerait démocratiquement, au moyen de comités élus de travailleurs, en lien avec la population et pour la satisfaction de ses besoins. Les richesses de l’Algérie sont énormes, mais la restauration partiellement accomplie du capitalisme en prive la population, il faut stopper ce processus.

Par Wahiba Anes