Elections : tracer une véritable perspective

Les candidatures aux élections présidentielles et législatives se précisent et les hommes politiques de tous poils entrent en campagne les uns après les autres.

Article paru dans l’Egalité n°94

Si l´on s´attache à observer ce premier round de candidatures, il y a de quoi pâlir. RPR et PS en tête rivalisent d´efforts pour assurer les patrons de leur bonne volonté voire de leur servilité inconditionnelle. Peu de différences, il est vrai, entre un Jospin qui annonce s´attaquer au système de retraites par répartition dès les élections passées et un Chirac qui déclare lors de sa sempiternelle allocution du nouvel an que « pour que l´euro tienne ses promesses (…), de grandes réformes de la société, de l´économie et de l´Etat devront être engagées pour lever les obstacles qui freinent notre progrès ». De quel progrès parle-t-il ? Certainement du même progrès que celui que le gouvernement de la Gauche plurielle prétend faire avancer en flexibilisant et annualisant notre travail par les lois Aubry !

Quel progrès ! Continuons notre analyse des pré-programmes électoraux des deux sortants gouvernementaux. L´autre thème de prédilection majeur est celui de l´insécurité. Prétexté à grands renforts médiatiques sur fond de peurs terroristes, les présumés candidats sont unanimes à ce sujet. Le gouvernement, Jospin en tête, suivi de son preux et Vaillant ministre n´ont de cesse de multiplier et d´appliquer des mesures liberticides. Ainsi la loi de « sécurité quotidienne » est aujourd´hui dénoncée par de nombreux magistrats comme une atteinte profonde à nos libertés individuelles et un grave précédent, et ces législations se développent partout en Europe. Chirac parle, quant à lui, d´une égalité menacée par « l´insécurité qui progresse ». Il parle de la nécessité « d´un Etat fort, d´un ordre républicain assumé ». Les appels du pied aux électorats de Chevènement et de la droite traditionnelle combinés sont ici à peine voilés…

A « gauche » comme à droite tout le monde se met en ordre de bataille : Sécurité, Etat fort, libéralisme, plaidoyers euphoriques sur l´Euro… leurs cocktails se ressemblent fort…

Nous sommes bien loin de nos réalités quotidiennes. Les licenciements, les suppressions de postes, le manque de personnel dans les services publics, appellent des luttes qui se sont multipliées dans le denier mois de 2001. Et la crise économique qui traverse le monde, cruellement comme en Argentine, appelle de plus en plus ces mobilisations et ces luttes des salariés, des chômeurs et des jeunes. Et nos politiciens le savent bien ! Cherchant à préserver les intérêts des patrons et leur propre pouvoir, ils se rassurent par les discours « europhorisants » et sécuritaires. Ils se paient même le luxe de nous faire miroiter une future-ex reprise économique qui viendrait des Etats-Unis : vaste blague ! Ce sursaut est derrière eux. La crise va se poursuivre et s´étendre.

L’heure n’est plus à l’attente !

Il existe des candidatures qui soulignent ce vide politique et qui proposent une autre politique que celle de la Gauche plurielle, du patronat et de la droite. Lutte ouvrière a entamé sa campagne « toujours le camp des travailleurs » et la LCR lance un nouveau candidat cherchant à représenter les gens en lutte. Quel est l´objectif de ces campagnes ? faire connaître les révolutionnaires et leurs organisations, diffuser plus largement leurs idées : certes.

Cependant tout ceci est bien insuffisant. Les travailleurs et les jeunes par dégoût de la mascarade politicienne officielle font de plus en plus le choix de l´abstention. Pourtant Lutte Ouvrière est créditée de 5 % dans les sondages ! Ceci montre le potentiel important qui pourrait exister avec l´existence de véritables candidatures des luttes aux présidentielles et aux législatives. L´heure est de montrer, au sein de ces élections, qu´il peut y avoir une autre perspective que celle de la Gauche Plurielle et plus largement qu’il n´y a pas d´issue dans ce système.

Les luttes sont divisées et éclatées. Des candidatures qui se veulent l´expression de ces luttes ne peuvent faire « l´économie » de construire avec les travailleurs et les jeunes ces campagnes dans un cadre ouvert et démocratique. Pourquoi laisser à coté de ces élections les lycéens en grève ou les salariés d´entreprises qui licencient ?

Cette frilosité de Lutte ouvrière et de la LCR repose sur un objectif différent du nôtre dans la situation politique actuelle. Aujourd´hui si les luttes existent, elles sont effectivement faibles ou pas aussi fortes que nous le souhaitons. La Gauche révolutionnaire ne veut nullement être euphorique et naïve dans la situation actuelle et ne croit pas en l´émergence spontanée de comités de campagne. Bien au contraire, de nombreuses difficultés existent. Mais les sujets de bataille ne manquent pas : campagnes locales comme l´eau et sa privatisation, luttes contre la mondialisation capitaliste…

Les élections ne doivent pas être un moment à part, de repli sectaire des organisations. Plus que jamais, tracer une alternative à la société capitaliste dans une perspective socialiste est nécessaire. Ainsi, nous soutenons l´idée reprise par des militants syndicaux, des membres du PCF ou d´extrême gauche qu´une candidature unique des travailleurs est nécessaire dans la période.

Quelle candidature unique ?

Il ne s’agit pas de croire que l’unité de l’extrême-gauche est une fin en soi seule à même de réaliser l’unité des jeunes et des travailleurs dans les prochaines élections. Une candidature unique, dans les présidentielles, serait avant tout le moyen de concrétiser l’unité nécessaire aux luttes. Pour que ceci s´exprime dès maintenant, il faut avoir l’ambition de construire avant, pendant et après un nouveau rapport de forces. LO ou la LCR ne s’engagent par dans cette voie car leur seul objectif est de faire un  » score  » électoral. Ces organisations ne proposent aux travailleurs que de construire LO ou la LCR sans entrer dans une démarche plus large et rassembleuse, vers un nouveau parti des travailleurs. Au moment où les attaques du patronat et du gouvernement se font de plus en plus fréquentes et dures, la constitution, par exemple, de comité de soutien à une candidature unique des travailleurs, de la jeunesses, des exclus… pourrait être un 1er pas dans ce sens. Autour d’un plan d’urgence anti-capitaliste, et proposant une véritable alternative au capitalisme et sa dictature du profit, le socialisme, de telles structures rassemblées sous la forme d’une alliance démocratique impliquant les individus et les organisations, permettraient d’impliquer le plus grand nombre possible de gens qui déjà aujourd’hui luttent ou refusent ce système injuste (et non des structures figées telle la Socialist Alliance). Et les présidentielles ne sont pas les seules élections, ce qui peut se créer dès maintenant peut aussi être utile lors des législatives.

Par Leïla Messaoudi et Mélanie Gras