Economie américaine : lorsque les USA se grippent, le monde éternue

Hier encore, l’économie américaine servait de modèle à tous les chantres du libéralisme pour imposer la casse des acquis sociaux. Regardez outre Atlantique, nous disaient-ils, le chômage est vaincu et la croissance (augmentation du PIB) perdure.

Article paru dans l’Egalité n°85

Ils oubliaient seulement de nous parler de l’envers du décors : par exemple 32,3 millions de pauvres (ce qui correspond pour une personne seule à moins de 9 dollars par jour pour vivre) soit de 11,8% de la population en 1999 (statistique du U.S. Census Bureau – bureau officiel du recensement américain) alors qu’en contrepartie 1% de la population américaine possède 39% des richesses du pays. Ils oubliaient de mentionner la baisse des salaires de 13 % entre 1973 et 1997 qui obligent de nombreux travailleurs et travailleuses à avoir deux emplois et des horaires interminables. Jamais ils ne soulignaient l’augmentation de la précarité du travail ou la perte de la protection sociale (par exemple seulement 47% des dépenses totales de santé sont prises en charges par le secteur public contre 81% en France en 1999. Chiffres de l’Organisation mondiale de la santé).

Nous pourrions fournir beaucoup d’autres exemples chiffrés montrant que la prétendue efficacité américaine n’est qu’un mythe pour la très grande majorité des habitants de ce pays. Mais la mascarade est en train de prendre fin sous nos yeux. Et les apôtres de l’économie de marché, qu’ils soient à Davos ou non, font grise mine. La question qui reste en suspens concerne la profondeur et la rapidité du ralentissement de l’économie américaine. Comme le fait remarquer souvent Bernard Maris (l’Oncle Bernard de Charlie Hebdo. Professeur d’économie à Paris VIII), en matière d’économie, les diagnostiques ont plus à voir avec des prédications magico-religieuses d’économistes médiatisés qu’avec des comptes-rendus scientifiques.

Cependant il semble important malgré cela de voir que, même durant les années fastes de croissance, l’économie américaine était minée par plusieurs facteurs : le déficit commercial, les investissements extérieurs et le surendettement des sociétés et des ménages.

La récession gagne du terrain

Ces déséquilibres ont une acuité accrue maintenant que la croissance économique pour l’an 2000 est de 1,4% et que malgré les baisses successives de 1 point en un mois des taux d’intérêts de la Réserve fédérale décidées par son directeur Alan Greenspan et la décision de l’administration Bush de baisser les impôts pour les années à venir, il est prévu que le taux de croissance soit proche de zéro en 2001.

A ce sujet il est aussi remarquable à quel point le mensonge est une vertu en économie capitaliste : contrairement à ce que les sirènes libérales annonçaient quotidiennement depuis des années, le taux de croissance des USA subit une baisse tendancielle depuis 30 ans : 3,7% sous Clinton contre 4,8% sous Kennedy-Johnson.

Le moral des consommateurs américains en a pris un coup, d’autant plus que le mois de janvier fut particulièrement difficile pour les travailleurs : plus de 100000 personnes furent licenciées ou en voie de l’être. Pour l’année 2000 les licenciements se sont élevées à 1,84 millions (1,57 millions en 1999), compensés par des embauches souvent précaires au rythme de 268 milles par mois en moyenne. Pour l’année 2000, les licenciements se sont élevés à 1,84 millions (1,57 millions en 1999), compensés uniquement par des embauches souvent précaires au rythme de 268 milles par mois en moyenne.

La cerise sur le gâteau de ce menu désastreux est la baisse globale de la bourse, et en particulier le Nasdaq (cours des nouvelles technologies)

La récession qui se profile à l’horizon malgré les « remèdes » appliqués actuellement à l’économie américaine peut se transformer en crack boursier si les boursicoteurs s’affolent. Toutefois, les conséquences pour la classe ouvrière sont d’ores et déjà épouvantables. L’économie capitaliste mondialisée permet que ce ralentissement puisse se propager à l’ensemble de la planète par un effet de dominos entre les différentes régions du monde. Déjà Fabius a revu à la baisse le taux de croissance de la France de 3,6% à 2,9%. Mais que cela arrive ou non, il est fort à parier que nos dirigeants et le patronat s’en servent pour faire passer d’autres attaques contre nos acquis et de futurs plans d’austérité.

Par Yann Venier