Cité scolaire Bergson (Paris, 19e) en lutte ! L’éducation, c’est prioritaire !

La cité scolaire Bergson-Jacquard (Paris 19ème) est un exemple éloquent des conséquences dramatiques des politiques éducatives, sociales et politiques menées ces 2 dernières décennies.

A Paris, le tris social est devenu la règle.

Comme d’autres lycées Parisiens de quartiers populaires il a fortement souffert de la politique de coupes budgétaires et encore plus de la suppression de la carte scolaire et des réseaux d’éducation prioritaire en lycée. Aujourd’hui, à Paris le tri social est devenu la règle et il y a un fossé important entre les établissements considérés comme « bons » et les autres. Les élèves sont affectés en fonction de leurs notes et de leur lieu d’habitation. Les vœux des élèves se font à l’intérieur de leur « district » (Nord, Sud, Est et Ouest). Le district Est, accueille à lui seul 40% de la population, 50% des boursiers, 60% des collèges en REP. À cela, s’ajoute les contre-réformes qui mettent les établissements en concurrence par le biais des options et spécialités. Ce système a creusé davantage les inégalités, d’autant plus que les établissements accueillant plus d’élèves en difficulté scolaire n’ont pas eu de moyens adaptés pour accompagner correctement les élèves.

Les lycées populaires maltraités par le Rectorat

L’année dernière le cynisme du rectorat est arrivé à son comble. Le lycée Rabelais (Paris 18ème), a dû être fermé pour cause de dangerosité (cela faisait 14 ans que les personnels et parents d’élèves dénonçaient la vétusté !). Les élèves et personnels ont donc été réaffectés dans 3 lycées différents. Ces élèves n’ont pas été affectés dans le centre de Paris, mais majoritairement dans des lycées populaires au même profil… Tout cela sans réels moyens supplémentaire, ni coordination, ni concertation ! Les personnels et familles se retrouvent donc dans cette situation « provisoire » depuis février 2020, et il n’y a toujours rien de sûr pour la rentrée 2021. La Région (responsable des bâtiments) et le Rectorat, se renvoient la balle et en attendant personnels et élèves doivent se débrouiller.

L’éducation, c’est prioritaire !

Non aux réponses sécuritaires ! On veut des réponses éducatives !

C’est dans ce contexte déjà compliqué, alourdi par la crise sanitaire et sa gestion chaotique, que s’est déroulé la rentrée de septembre 2020 à la cité scolaire Bergson. Avec l’accueil de 400 personnes en plus (élèves et personnels) cela fait une cité scolaire énorme avec plus de 2000 personnes. À cela s’est ajouté une gestion calamiteuse des personnels (3 changements de personnels de direction, 8 CPE différents…) et de l’accueil du lycée Rabelais sur le site Bergson. Sans oublier la gestion catastrophique de la crise sanitaire par le ministère, tant du point de vue matériel que pédagogique. Cela ne pouvait pas se passer sans heurts.

Les tensions sont allées crescendo jusqu’au drame, puisque le 16 novembre suite à des bagarres entre élèves, un élève du lycée Rabelais se fait poignarder dans une rue proche du lycée, probablement par un élève du lycée Rabelais, le laissant entre la vie et la mort. Les 3 semaines suivantes sont émaillées d’incidents côté Bergson (agressions d’élèves, mise à sac de salles de classe, départ de feu de poubelle dans la cour…). La seule réponse concrète du rectorat et de la Région été d’affecter des vigiles de la Brigade de Sécurité Régionale (BRS) et des membres de l’Équipe mobile académique de sécurité (EMAS), il y a quand même eu une cellule psychologique pendant 10 jours (où les élèves de Rabelais n’étaient pas au lycée, car les professeurs étaient en droit de retrait et les familles refusaient d’envoyer leurs enfants par crainte de représailles).

La hiérarchie a soutenu l’idée que ces problèmes de violence sont liés aux rivalités entre quartiers, ce qui implique pour eux que l’école n’a pas de réponse à y apporter à part des mesures sécuritaires. Les personnels éducatifs ont dû se débrouiller pour accompagner les élèves comme ils pouvaient.

Bien avant ce drame, les personnels de Rabelais et de Bergson avaient prévenu qu’il fallait des mesures éducatives spécifiques, qu’il fallait de la concertation et de la coordination entre les établissements, faute de quoi on allait au devant de graves problèmes. Des motions ont été votées en CA, des courriers ont été envoyé au Rectorat, ils sont restés lettre morte.

L’école de la défiance en action

Le contexte d’instabilité et de tension a été renforcé par une gestion autoritaire de la part des personnels de direction qui, craignant de perdre le contrôle devant une situation inextricable, ont joué sur l’intimidation, l’autoritarisme et la division. La gestion autoritaire sauce Blanquer se retrouve aussi au niveau local : une gestion par à-coups et dans l’urgence sans prendre en compte la réalité vécue par les premiers concernés.

Pancarte lors d’une action des enseignants de Bergson, le 5 janvier

Pour des moyens à la hauteur des besoins

L’alpha et l’oméga de toutes les politiques publiques depuis Sarkozy sont les suppressions de postes et les coupes budgétaires. Limitation des dédoublements, classes de seconde à 30 élèves, limitation de certains projets éducatifs, précarisation des personnels… Tout cela a un impact réel sur la qualité de l’École, qui se fait encore plus ressentir dans les établissements accueillant beaucoup d’élèves en difficultés. La cité scolaire Bergson est située dans le secteur Est de Paris, qui rassemble la grande majorité des Réseaux d’éducation prioritaire. Pourtant, à part la « limitation » des effectifs de seconde à 30 (!), elle ne bénéficie pas de moyens particuliers pour mettre en place un accompagnement à la hauteur des besoins des élèves.

C’est pourquoi les personnels de la cité scolaire se sont mis en grève le mardi 4 janvier 2021. Ils dénoncent une gestion autoritaire de la part de la direction de l’établissement, qui conduit à un mal-être au travail grandissant. Ils se mobilisent aussi contre les effets pervers du système d’affectation des élèves, qui allié à la baisse des moyens renforce le tri social à l’école et aggrave les inégalités. Ils réclament donc que leur établissement soit considéré comme prioritaire et bénéficie des moyens particuliers dont il a besoin. Ils revendiquent : la création de postes de vie scolaire (CPE, AED et AESH), la limitation des effectifs à 24 élèves par classe, et demanderont une enquête sur les risques psycho sociaux ainsi que l’établissement de temps de concertation réguliers.
La première journée de grève a été un vrai succès, puisqu’elle a rassemblé autour de 70 % des personnels éducatifs de la cité scolaire.

Les non-réponses du Rectorat de Paris

Une délégation a été reçue au Rectorat le 12 janvier, où ces revendications ont été portées. Lors de cet entretien, les représentants du rectorat ont fait des promesses… pas de suppression de postes et mise en place d’une enquête sur les conditions de travail. Les personnels n’ont pas confiance dans ces promesses et attendent de voir concrètement si elles seront suivis d’actes.

En ce qui concerne les demandes liées à l’embauche de personnels et à la baisse des effectifs, les réponses s’inscrivent strictement dans l’application des projets de Blanquer : autonomie et évaluation des établissements. Pour l’affectation des personnels de vie scolaire le rectorat demande que soit établi « un projet de vie scolaire »… comme si avoir pour objectif un climat scolaire serein, sans violence où les élèves se sentent bien, n’est pas un postulat de départ. Non, il faut « un projet »…

En plus, ils veulent en profiter pour mettre en place l’évaluation des établissements scolaires, dont l’objectif est de passer des sortes contrats. Les moyens seraient donc dépendants des résultats aux « évaluations ». Il s’agit donc de faire entrer dans les services publics une logique d’entreprise, tant du point de vue gestion des personnels que de l’organisation des enseignements. À terme, les risques sont le développement de la compétition à tous les niveaux, de l’autoritarisme et l’aggravation des inégalités.

Pour les effectifs, il faudrait faire des choix dans le cadre de « l’autonomie des établissements ». c’est donc aux personnels de choisir entre des effectifs allégés, du soutien, des demi-groupes ou certaines options… dans le cadre strict de l’enveloppe budgétaire allouée par le ministère.
Ces réponses ne sont donc pas à la hauteur de l’enjeu et des besoins réels des lycéens et du personnel. Nous serons en grève le 26 janvier, suite à l’appel intersyndical national, pour dire « non aux projets de Blanquer » qui détruisent l’Éducation Nationale. Pour des budgets à la hauteur des besoins. Pour l’embauche massive de personnel titulaire (enseignants, vie scolaire, administratifs et techniques). Pour des augmentations de salaire. Pour une éducation émancipatrice pour tous et toutes.