Alors que le mouvement ouvrier a connu un recul généralisé dans le monde entier depuis 15 ans, plusieurs pays connaissent des nouvelles formations de gauche qui commencent à combler le vide politique. Les débats en leur sein, les erreurs, les discussions sur le programme et la tactique ne se limitent pas à ces pays mais intéressent les travailleurs du monde entier. Il en va ainsi du Partido socialismo e liberdade au Brésil dont nous essayons régulièrement de rendre compte des débats internes.
Article paru dans l’Egalité n°118
Le P-Sol s’est constitué à l’initiative de plusieurs courants de gauche et après une campagne commune pour un nouveau parti. A la tête de cette campagne, plusieurs parlementaires, dont Heloisa Helena, avaient été exclus du Parti des travailleurs, PT, du président Lula, pour s’être opposés aux attaques que celui-ci faisait contre les travailleurs.
L’organisation sœur de la Gauche révolutionnaire, Socialismo revolucionnario, était présente dès le début du processus et participe à la direction du P-Sol.
Un besoin d’alternative de gauche à Lula
Lula a continué sa politique en multipliant les attaques contre les travailleurs. Malgré cela de nombreux courants de gauche sont restés au PT prétextant que la bataille pour changer son orientation était possible. Lors du dernier congrès du PT, l’opposition, emmenée par Raul Ponte, ancien maire de Porto Alegre, dirigeant du courant Démocratie socialiste (DS, lié à la LCR en France) a été incapable de devenir majoritaire. Et cela alors qu’un scandale de corruption généralisée (voir les Egalités précédents) a montré l’implication des plus hauts dirigeants du PT.
La dernière déclaration de DS sur ce sujet continue de dire que la crise que subit le PT est due à une « rupture partielle » avec le programme historique du PT. Corruption, politique néolibérale, absence de réforme agraire… Ce n’est pas une rupture partielle, c’est le programme qui est devenu largement insuffisant. C’est pour cela que le P-Sol s’est créé, pour aller de l’avant, tirer les leçons de l’histoire du PT et avancer vers un vrai parti pour le socialisme.
Des orientations sur la stratégie se confrontent
Assez rapidement, des analyses et orientations se sont confrontées. La faiblesse des luttes par rapport à la politique de Lula rend certains courants « pessimistes », comme le courant socialisme et liberté (Csol). D’autres, le mouvement de la gauche socialiste (MES) de Luciana Genro et Liberté révolution (LR) de Heloisa Helena, pensent que la colère présente dans la population donne un grand potentiel, notamment électoral, au P-Sol.
A Socialismo revolucionario, si nous pensons que tout le potentiel électoral peut être un moyen de renforcer l’audience pour les idées socialistes, nous avons toujours défendu la nécessité d’ancrer la construction du P-Sol dans la lutte des travailleurs, des paysans et des jeunes, et de doter celui-ci d’un véritable programme socialiste, et de structures pour permettre à ses membres de militer réellement.
Cette absence d’analyse claire pousse ces courants dans de mauvaises directions. Le MES et le CSOL se sont prononcés récemment pour des critères très flous pour définir la qualité d’un militant du P-Sol : pas de nécessité d’être régulièrement présent, de militer etc. Ce qui dans la perspective du congrès de fondation du parti en mai, peut amoindrir la discussion sur le programme, et faciliter les tendances à tout miser sur les élections. C’est autant un débat sur le programme que sur le contrôle du parti.
Un autre débat s’est ouvert. Certains dirigeants comme Milton Temer ou Heloisa Helena avaient fait la proposition d’une alliance avec le Parti démocratique du travail (PDT), une formation de centre gauche, mais cela a été repoussé par une majorité. Certaines forces comme le courant Enlace (qui regroupe ceux qui proviennent de DS), le député Joao Alfredo etc. continuent de proposer des alliances régionales avec le PDT.
Ce genre de débat se retrouve à chaque fois dans les nouveaux partis. La lutte pour un véritable programme qui permette d’aller vers le socialisme se fait en clarifiant ces questions. Socialismo révolucionario défend l’orientation d’un véritable programme socialiste, avec la nationalisation des principaux secteurs de l’économie sous le contrôle des travailleurs, la terre pour tous les paysans, le refus des logiques néo libérales. C’est en s’organisant autour d’un tel programme que les travailleurs et les jeunes du Brésil peuvent faire du P-Sol leur outil pour la lutte et la victoire contre le capitalisme et l’impérialisme. Et un tel outil devra se construire dans les luttes de la jeunesse et des travailleurs et pas seulement dans les élections.
Par Alex Rouillard