Quelles perspectives pour les Kurdes ?

Pourquoi un état indépendant : bref rappel historique.

La population kurde représente 25 millions de personnes d’Asie Occidentale réparties entre l’Irak, la Turquie, l’Iran et la Syrie. Population d’origine indo-aryenne, dont la majorité est aujourd’hui sunnite. Ils furent soumis au 17ème siècle à l’empire Ottoman.

Article paru dans l’Egalité n°101

Après la première guerre mondiale le traité de Sèvres a promis aux kurdes un Etat indépendant. Déçus par ces promesses non tenues, ils se soulevèrent plusieurs fois (de 1925 à 1928). En 1937 et 1938, en Irak, ils constituent la république de Marhabad, qui s’est effondrée aussitôt (en 1945-46), puis leur rébellion redevient active à partir de 1961 sous la conduite du général Barzani, l’accord de 1970 ne fut qu’une trêve, celle de Mars 1975 entre l’Iran, d’où partirent les combattants kurdes, et l’Irak, fut fatal à l’action de Barzani qui proclama vainement l’autonomie du Kurdistan Irakien.

Les kurdes furent éloignés des régions pétrolières. L’événement en 1979, de la république islamique a relancé le mouvement de rébellion, soutenu en Iran par les irakiens et en Irak par les iraniens. En Turquie, où l’existence même d’une réalité kurde était niée, ils se sont vu reconnaître en 1991 le droit de parler leur langue mais en privé seulement. Après la première guerre du golfe, les kurdes irakiens ont essayé de se libérer du joug de Bagdad. Incapables de triompher militairement, indésirables en Turquie et en Iran les kurdes d’Irak ont tenté de négocier un nouveau statut d’autonomie et en 1992 ont élu une assemblée régionale autonome. Les Kurdes sont une des plus grande population sans Etat et font face à l’injustice et à la cruauté, opprimés, éparpillés durant des siècles dans les pays où ils étaient implantés, ils ont été constamment manipulés aussi bien par les Etats où ils vivent, que par les différents dirigeants américains.

En effet, deux partis dominent la vie politique pour les Kurdes d’Irak ; l’U.P.K (Union du Parti du Kurdistan) et le P.D.K (Parti Démocratique du Kurdistan), dirigés respectivement par les deux rivaux , Barzani et Talamani, ils sont les seuls à avoir soutenu la coalition anglo-américaine, en acceptant d’être sous leur commandement et en mettant à leur disposition leurs milices. Elles étaient d’ailleurs au premier round à l’offensive sur les plus importantes villes du nord. Ils voulaient montrer ainsi aux Etats-Unis qu’ils étaient des partenaires sûrs. Pour eux, cette guerre était attendue et accueillie à bras ouverts avec le rêve de s’approprier certaines villes riches en ressources, et où ils étaient majoritairement implantés jusqu’en 1991. Après la révolte, Saddam les a pourchassé et pris possession de leurs biens immobiliers, de même pour les Turkmènes d’Irak. Le gouvernement américain préfère donc travailler avec ces groupes kurdes qui sont présent sur le terrain. De l’autre côté, les kurdes sont contraints de s’appuyer encore une fois sur les américains, bien qu’ils les aient déjà abandonné par le passé. Après la fin de la menace de Saddam Hussein c’est désormais la crainte de la Turquie qui justifie la politique de l’U.P.K et du P.D.K.

C’est sur les problèmes de Kirkouk et de Mossoul que la déclaration d’Ankara a été signée par les Etats-Unis, la Turquie et les troupes kurdes. Cette déclaration fait ressortir les problèmes de biens immobiliers saisis par l’ancien régime et annonce la création d’une commissions pour entamer les recherches en propriété. Or, les troupes de l’UPK et du PDK en intervenant dans Kirkouk, ont effacé toute trace pour compliquer plus encore les recherches. Face à la Turquie, qui craint que la création d’un Kurdistan autonome ne soit officialisée, les kurdes d’Irak entendent bien de se servir leur connaissance de la région, où, historiquement ils ont toute légitimité à vivre.

Quelle solution ?

L’administration Bush sait qu’elle doit désormais, trouver d’une manière ou d’une autre une solution au problème kurde sans se fâcher avec la Turquie. De plus, le peuple kurde est particulièrement divisé, seuls les dirigeants kurdes d’Irak s’appuient sur les Etats-Unis, tandis que dans les autres pays, comme en Turquie, ils ont à affronter les alliés de ces derniers. Ainsi, complètement dépourvus de cohésion politique (selon le côté de la frontière où ils sont, l’orientation tactique est opposée), ils laissent le champ libre aux USA pour continuer à jouer sur les divisions. Ces derniers voulant ménager à la fois leur allié turc et les Barzani, Talabani etc. Le peuple kurde risque peu de voir un Etat autonome voir le jour dans les circonstances actuelles, d’autant plus que les USA semblent plus soucieux d’intégrer l’UPK et le PDK au «gouvernement» provisoire qui sera formé (et imposé) autour de Chalabi.

Pour le peuple kurde, la réalité économique et sociale risque de ne guère changer, et de nouvelles déceptions vont venir. Pour réellement acquérir ses pleins droits, et vivre en paix, sans l’oppression de gouvernements comme celui de la Turquie ou de Saddam, il n’y a qu’en s’alliant avec les travailleurs et les paysans de la région (turkmènes, arabes etc.) qu’il sera réellement possible de déjouer les pièges des impérialistes. Tant que le capitalisme sera là, vu les extraordinaires richesses du sous sol du Kurdistan, l’oppression de nombreux peuples de la région continuera. C’est autour d’une perspective authentiquement socialiste et démocratique, garante des droits de toutes les minorités, où les richesses seront réellement contrôlées par les travailleurs et utilisées pour le bien être de toute la population, que les kurdes pourront gagner leurs droits démocratiques légitimes.

Par Wahiba Anes