Au mois de janvier dernier s’est tenu la 3ème édition du Forum social mondial de Porto Alegre. En terme de participation, ce fut sans conteste une réussite, puisque 100.000 personnes y ont participé (30.000 l’année dernière) venant de 150 pays.
Article paru dans l’Egalité n°100
Sa prise en charge de la question de la guerre contre l’Irak par l’organisation de deux manifestations et de plusieurs forums fut un point positif, montrant le dynamisme au sein du mouvement contre la mondialisation capable d’intégrer de nouveaux sujets. Seule ombre au tableau, mais elle est de taille, c’est la participation d’hommes politiques bourgeois – comme la délégation UMP.
Alter et anti
Elle est le symbole à la fois du fait que le mouvement est devenu incontournable et qu’il inquiète la bourgeoisie, mais aussi de la tentative de récupération du mouvement dans un cadre acceptable par les dirigeants du capitalisme. Ainsi Evelyne Herfkens, coordonnatrice du programme des Nations unies pour le développement, estimait que le FSM et les agences de l’ONU pouvaient avoir un « agenda commun », que le mouvement souhaitait uniquement « une mondialisation inclusive, et non qui génère l’exclusion » et qu’il suffirait de corriger « le déficit de régulation et de démocratie ». Autrement dit, que le capitalisme et ses institutions internationales soient plus “gentils”, plus humains, et que le mouvement contre la mondialisation capitaliste peut y aider.
Si une des gestionnaires du capitalisme peut affirmer cela sur le mouvement, c’est que celui-ci n’est pas clair quant à ses objectifs et sa perspective. Et effectivement, la division qui s’opère depuis quelques années en son sein entre ceux qui veulent en finir avec cette société et ceux qui en souhaite une gestion plus humaine, plus sociale ne fait que s’accentuer. Cette division s’est incarnée dans l’apparition d’un nouveau terme : altermondialisation / altermondialiste (une autre mondialisation) face à l’antimondialisation / l’antimondialiste (contre la mondialisation). Si le souci à l’origine de ce nouveau concept n’est pas dénué de fondement – montrer que l’on ne refuse pas la mondialisation sur des bases nationalistes, le fait que se soient ceux qui veulent uniquement réformer le capitalisme qui s’en soit emparé et qui veulent le propager n’est pas anodin.
Pour signifier, son refus du nationalisme stérile, et souvent meurtrier, il n’était pas nécessaire d’inventer un nouveau terme. Le mouvement ouvrier en avait déjà un : l’internationalisme.
Buvez, éliminez… le G8
Du 1er et 3 juin prochain se tiendra le sommet du G8 à Evian, sur le bord du lac Léman. Une nouvelle fois les serviteurs zélés du capital se rencontreront afin de décider de l’avenir de la planète. Ce sera une nouvelle occasion de montrer nos désaccords face à la mondialisation capitaliste. Cette année, les manifestations auront certainement une tonalité particulière du fait de la guerre que l’administration Bush et ses serviles alliés veulent mener contre le peuple irakien et de la présence de Bush, Blair et Berlusconi au sommet.
Depuis que le mouvement contre la mondialisation capitaliste est arrivé sur le devant de la scène, différentes visions de ce que doit être le mouvement et qu’elles doivent en être ses méthodes sont apparus : réformisme contre révolution, comme on vient de le voir à l’instant, et corollairement négociations avec les instances du capitalisme contre blocage des sommets, et enfin mobilisation de masse contre violence minoritaire.
Négociation ou blocage ?
Pour répondre à cette question, il faut se demander si les instances du capitalisme peuvent être autre chose que des chambres d’enregistrement des volontés des multinationales, des grands actionnaires et des gouvernements des puissances impérialistes et si les chefs d’Etat des pays capitalistes avancés peuvent être autre chose que des serviteurs du patronat. Autrement dit, le capitalisme est-il réformable ? Cette question agite le mouvement ouvrier depuis plus d’un siècle. Mais l’expérience a montré que nous ne pouvions absolument pas faire confiance ni aux dirigeants, ni aux instances. Deux exemples récents : Chirac au sommet de Johannesburg tient des discours grandiloquents sur la nécessité de préserver la planète. Mais en France que fait-il en matière de lutte contre la pollution ? Rien ! L’OMC avait, sous la pression d’un fort mouvement, accepté lors de sa réunion de Doha que certains pays du Tiers-monde puissent fabriquer et utiliser des molécules contre les maladies pandémiques qui les touchent sans être obligés de les acheter à prix fort aux firmes pharmaceutiques qui en ont le brevet. A la réunion suivante, tout est remis en cause sous la pression des multinationales des médicaments.
Mobilisation de masse ou violence minoritaire?
Pourquoi le mouvement contre la mondialisation est-il devenu incontournable ? Ce n’est certainement pas le fait que quelques centaines de personnes aillent casser des vitrines de banques et d’assurance, lorsque que ce n’est pas des magasins, retournent quelques voitures comme à Gènes en 2001. C’est la mobilisation de centaines de milliers de personnes, qui s’organisent et prennent conscience qu’il faut lutter, et que ce nombre croisse sans cesse.
Nous ne sommes pas contre la violence pour des questions morales, mais parce que lorsqu’elle est minoritaire elle ne permet pas de développer notre lutte contre le capitalisme et qu’elle devient antidémocratique puisqu’elle est imposée à la majorité des manifestants. Les Etats se servent de ce prétexte pour réprimer le mouvement – sans distinction d’ailleurs entre militant « non-violent » et militant “violent” -, et de plus pour la grande majorité des travailleurs et des jeunes qui ne sont pas encore convaincus de la nécessité de se battre contre le capitalisme, ou qui sont pour le moins indécis, la violence sert de repoussoir. Nous devons continuer de mobiliser inlassablement et aller vers des formes de luttes telles que les grèves comme lors du sommet européen de Séville l’an dernier.Car c’est en bloquant le système à sa base et en donnant à cette lutte contre le capitalisme une perspective socialiste indépendante que l’on en finira avec les horreurs de ce monde.
Cependant, nous ne sommes pas de ceux, comme Suzan George, qui condamnent les militants qui ont usé de violence. La violence ne vient pas du mouvement contre la mondialisation capitalisme, elle vient du capitalisme lui-même et des Etats.
Par Yann Venier