LO et LCR, des campagnes anticapitalistes… Cela est-il suffisant ?

La LCR et LO ont obtenu 2 millions de voix au premier tour de la présidentielle. C’est le signe net qu’il existe un fort courant qui refuse les politiques des capitalistes. Olivier Besancenot pour la LCR a incontestablement marqué la campagne présidentielle.

Article paru dans l’Egalité n°125

Sur la base de mesures anticapitalistes et sur un style sans concession, refusant par avance tout accord gouvernemental ou électoral avec le PS, la candidature du « jeune facteur » a eu un écho auprès 1,5 millions de jeunes et de travailleurs. Celle d’Arlette Laguiller pour LO a eu un bien moindre écho.

La critique marxiste n’est pas un passe temps. Elle sert à approfondir l’analyse, à clarifier les idées, à développer le débat pour renforcer la lutte pour le socialisme. La Gauche révolutionnaire ne critique pas pour le plaisir de critiquer mais pour formuler une orientation et un programme qui soit le plus à même possible de permettre aux jeunes et aux travailleurs de lutter correctement pour le socialisme. C’est selon cette idée que va se faire dans cet article la critique de la campagne électorale de LO et de la LCR, qui furent des campagnes anticapitalistes mais pas clairement révolutionnaires.

Plan d’urgence ou programme de transition ?

Tant LO que la LCR présentaient leur candidature sur la base d’un « plan d’urgence ». En gros, une série de revendications combatives mais pour la plupart défensives. Sur la plupart des points d’ailleurs, c’était les mêmes revendications (300 euros pour les salaires, Smic à 1500 euros net, augmentation de la taxation des grandes entreprises etc.). La plate forme de Besancenot abordait cependant plus de sujets (racisme, impérialisme, environnement) au risque de devenir un catalogue de revendications. Mais dans l’ensemble, ces deux plate formes popularisaient l’idée que pour satisfaire les demandes et les premiers besoins d’une majorité de la population, il faut une politique qui s’en prenne aux capitalistes et à leurs profits. Les deux candidats rappelaient également que ce sont les luttes collectives des travailleurs, des jeunes, des retraités, des chômeurs, qui font avancer les choses. Comme candidatures anticapitalistes, Besancenot et Laguiller ont donc rempli leur rôle. Si Besancenot s’en tire mieux, c’est en partie du au fait que c’est un jeune travailleur. Mais c’est aussi que les thèmes mis en avant étaient un peu plus accessibles que ceux de Laguiller. Cette dernière développant énormément sur la question des comptes des capitalistes, du secret bancaire et commercial. Besancenot partait plus directement de politique du gouvernement pour ensuite reprendre en partie ces points.

Manque d’initiative

Mais surtout, ce qui a été certainement décisif, c’est une plus grande clarté des termes par rapport au PS ainsi qu’une « lassitude » par rapport à la candidature de Laguiller. Par rapport au PS, Besancenot disait clairement « vous considérez que la candidate socialiste accepte le capitalisme libéral et vous voulez faire une vraie rupture avec la politique menée par la gauche lorsqu’elle gouvernait » quand Laguiller disait « voter pour ma candidature (…) c’est aussi dire à la gauche que vous n’accepterez pas qu’elle mène une politique de droite ». Et les affiches de LO reprenait la même idée, celle d’exercer une pression sur le PS s’il gagnait les élections, tandis qu’au moins en paroles, le positionnement de Besancenot était plus indépendant. Ce que sous-estime LO, c’est que les candidatures de Laguiller ont été populaires et soutenues pendant un temps exceptionnellement long pour une organisation de cette taille. En 1995 puis en 2002, Laguiller était en tête de la gauche anticapitaliste. Mais elle ne fit rien de ces bons résultats. Pire peut être, elle justifiait dans un de ses 4 pages de campagne le fait que son « plan d’urgence » de 95 n’a pas pu être mis en œuvre car « il aurait fallu un puissant mouvement social susceptible de faire peur au patronat et de le faire reculer ». Or en 95, il y a justement eu un grand mouvement de grève qui fit reculer le gouvernement. A croire que d’après LO seul un nouveau mai 68 permettrait de faire réellement quelque chose et donc autrement dit il faut encore attendre… Qu’il faille s’armer de patience pour reconstruire le mouvement ouvrier, c’est sur, mais si une organisation qui fait par deux fois plus de 5% dit qu’il faut encore attendre, alors les travailleurs se détournent d’elle et essaient de voir s’il n’y a pas mieux ailleurs. Besancenot a bénéficié de cela, et lui aussi a dit qu’il fallait une nouvelle force anticapitaliste. Mais la LCR ira t-elle au delà des simples paroles ? En tous cas, les législatives seront la continuation de la présidentielle pour l’une comme pour l’autre des organisations, qui se présenteront partout, donc face à face. La LCR risque de faire la même erreur que LO.

L’absence de la perspective révolutionnaire et socialiste

Tous ces éléments ont été soulevés pour montrer que d’un côté LO et la LCR sont dans le camp des anticapitalistes, mais que de l’autre leur programme est, à notre avis, nettement insuffisant.

Depuis l’époque de Marx nous savons qu’il nous faut un parti révolutionnaire. C’est la condition pour que les révolutions réussissent. Mais doit-on attendre une période plus favorable pour le dire ou le faire ? Doit-on laisser cela de côté dans la propagande comme dans l’agitation ? Nous ne le pensons pas. Pourtant, c’est ce que font LO et la LCR même si beaucoup de leurs militants n’hésitent jamais à se présenter comme révolutionnaires. Mais en général, la perspective du socialisme est réduite à quelques phrase dans les discussions de congrès ou dans les fêtes nationales. Or, c’est aux masses que la perspectives du socialisme s’adresse, pas à un simple cercle de convaincus. Et la nécessité du socialisme, ce qu’il permettra grâce à l’organisation démocratique de l’économie sous le contrôle des travailleurs ne dépendent pas du niveau de conscience actuelle des travailleurs. Ce qu’il faut, c’est évidemment trouver un moyen de s’adresser aux travailleurs malgré un faible niveau politique mais dans le cadre, dans la perspective, de la lutte pour la révolution socialiste.

Comme le notait Trotsky dans le Programme de transition : « Il faut aider les masses, dans le processus de leurs luttes quotidiennes, à trouver le pont entre leurs revendications actuelles et le programme de la révolution socialiste ». Car aucune des revendications anticapitaliste ne se suffit à elle même : elle ne sera pas maintenue éternellement dans le cadre du capitalisme. On le voit aujourd’hui avec la remise en cause sans cesse plus violente et profonde de tous les acquis sociaux des travailleurs.

C’est cette méthode qui a toujours guidé les marxistes, celle de lier le combat quotidien des travailleurs à la lutte pour se débarrasser du capitalisme au moyen de la révolution socialiste. Il ne s’agit pas de passer son temps à crier « Révolution » mais bien de formuler les revendications de manière transitoire, pour montrer la direction du socialisme. Il ne s’agit évidemment pas de plaquer les choses. Mais l’absence complète de formulation sur la stratégie pour les luttes, le refus de lier cela à la construction d’un nouveau parti anticapitaliste des travailleurs (ou au moins d’organiser le débat public autour de cela), et enfin le fait de ne jamais montrer en quoi sur la questions des salaires, des licenciements, des services publics… seul le socialisme permet d’en finir avec les maux du capitalisme, fait que la politique de LO et de la LCR n’aide pas les masses « à trouver le pont entre leurs revendications actuelles et le programme de la révolution socialiste ».

Cette divergence que nous avons avec LO et la LCR ne nous a pas empêché d’appeler à voter pour leurs candidats car on peut au moins s’appuyer sur certaines revendications ainsi popularisées pour développer une orientation réellement socialiste. Si la LCR par exemple transformait réellement son appel à une nouvelle force anticapitaliste, alors nous y participerions pour la construire et aussi pour développer le débat sur le socialisme en son sein. Cette nécessité du socialisme a toujours été au cœur de la construction des grandes organisations du mouvement ouvrier et ce dès l’époque de Marx. Pour reconstruire réellement celui-ci, la question du socialisme reste centrale. C’est cette question que la Gauche révolutionnaire dans son activité quotidienne, dans ses analyses, met en lien avec les préoccupations immédiates des travailleurs et des jeunes, car pour nous la construction d’un authentique parti révolutionnaire de masse reste la tâche fondamentale.

Par Alex Rouillard