L’été aura donc vu les patrons continuer impunément leurs plans de licenciements. La tendance, commencée au printemps 2001 (Marks et Spencer, Lu-Danone…), continue. Les patrons pourront raconter ce qu’ils veulent, à chaque fois, c’est bien la logique du profit, la concurrence acharnée qu’impose le capitalisme qui jette ces travailleurs à la rue. Plus de 24 000 entreprises ont fait faillite au premier semestre de cette année.
Article paru dans l’Egalité n°103
Pour la seule région Nord-Pas de Calais, le secteur métallurgie aura vu 3000 emplois disparaître en un an : Sollac, groupe Arcelor, a fermé le site de Biache-Saint Vaast (422 licenciements), et supprimé 430 emplois à Sollac atlantique à Mardyck. Les cokeries de Drocourt près de Lens ont été arrêtées par les Charbonnages de France : 300 emplois supprimés, etc. Et récemment, Eramet ferme son site près du port de Boulogne sur Mer ; 350 emplois directs, et autant d’indirects (dockers etc.).
A chaque fois ou presque, c’est la restructuration des groupes aux motifs de l’instauration de nouvelles normes de rentabilité qui est à l’origine de ces plans de licenciements. Le moyen le plus efficace pour les patrons d’augmenter suffisamment leurs profits restant de supprimer un certain nombre de salaires à verser.
Une série de mesures aidée par la politique du gouvernement
La baisse des allocations chômage pour les salariés licenciés pour cause de faillite de leur entreprise a été décidée par le gouvernement cet été. Cela tombe vraiment à pic dans le cas d’Eramet. Cela sera certainement très utile également dans le cas des salariés de Tati puisque le groupe est lui aussi en faillite. 1200 salariés se retrouveront ainsi au chômage avec des allocations amoindries. L’actionnaire principal, représentant la famille fondatrice de Tati, Fabien Ouaki pourra lui conserver son haras en Basse Normandie et ses 20 pur-sang…
Pourtant dans des groupes comme Eramet, l’Etat est actionnaire à 40%. Il est également gros actionnaire d’Alstom qui a annoncé un nouveau plan de plus de 2100 licenciements en juin dernier. Quant à Giat qui va supprimer 3000 emplois, c’est une entreprise publique. Mais le gouvernement veut bien trouver 300 millions d’euros pour calmer les banques qui ont fait crédit à Alstom, mais refuse bien évidemment d’effectuer un quelconque investissement qui sauverait les emplois. Pourtant, ce ne sont pas les besoins qui manquent. A l’usine Flodor, le patron a tout simplement déménagé les principales machines en ayant eu soin de donner une semaine de repos à tous ses salariés pour pouvoir agir. Cela s’était déjà produit à Palace parfum en Seine Maritime. Chirac a parlé de “patrons voyous” mais depuis il semble bien que ceux-ci ne craignent pas grand chose de la part du gouvernement.
Le seul moyen d’empêcher les licenciements ou de gagner un maximum de prime, c’est de lutter avec un vrai rapport de force. C’était déjà ce que nous disions au printemps 2001, en proposant que des actions comme des occupations, des blocages, voire des reprises de production au seul compte des travailleurs soient effectuées. Malheureusement, au delà d’une manifestation nationale bien tardive, et de quelques jours de grève (3 semaines avec occupation à LU-Calais cependant mais sans concertation avec les autres entreprises), rien n’est allé dans ce sens. Un mot d’ordre de loi d’interdiction des licenciements ayant même été avancé par beaucoup d’organisations (LO, LCR, PCF…) ce qui d’une part apparaissait inaccessible à la plupart des travailleurs en lutte et d’autre part ne leur été d’aucune utilité.
Des directions syndicales qui laissent faire
Deux ans après, d’autres plans de licenciements se produisent, et les directions syndicales n’en font pas plus qu’à l’époque sans parler des mots d’ordre des organisations qui semblent encore plus impossibles et inefficaces sous la droite. A Flodor, les délégués syndicaux ont préféré s’en remettre à la justice plutôt que de s’opposer eux-mêmes au déménagement des machines. On peut certes penser qu’une telle action aurait eu des suites judiciaires et que les dirigeants syndicaux nationaux n’auraient guère défendu les salariés. Mais devant l’injustice flagrante, et l’illégalité du déménagement, un véritable mouvement de solidarité aurait été organisable. La justice s’est contentée d’arrêter le directeur de l’usine, qui depuis a payé sa caution et est en Italie, pays du siège du groupe. D’autres patrons seront à l’aise pour reprendre l’idée. A Giat, la CGT a décidé de mettre en avant les risques que fait courir à la « défense nationale » le plan de licenciements. Pas un mot sur les profits exorbitants du secteur, pas une exigence de reconversion de la production. Tout au plus les propositions de la CGT permettront de sauver 1000 emplois. Autrement dit, c’est la certitude pour la direction de Giat que 2000 emplois peuvent être supprimés sans problème. Quant à la défense nationale, on sait ce que ça veut dire : la défense des intérêts des multinationales françaises pas de leurs travailleurs.
Ou encore, Air Lib, dont les 3500 salariés se sont retrouvés définitivement au chômage. De repreneur en repreneur, les salariés ont été ballottés, pleins d’illusion sur un secteur qui, avec les politiques libérales en matière de transport, va continuer à supprimer de nombreux emplois et multiplier les emplois sous-payés. La lutte pour la renationalisation sous le contrôle des travailleurs des compagnies de transport aérien, et leur transformation en un véritable service public, dont les tarifs calculés en fonction des revenus des usagers et non pour faire des bénéfices, étaient la seule qui aurait pu permettre aux salariés d’Air Lib, comme à ceux d’autres compagnies de stopper l’offensive patronale et les licenciements.
Une riposte plus que nécessaire
Plusieurs ministres de Raffarin ont félicité Bernard Thibault de son attitude lors des grèves de mai-juin, autrement dit de ne pas avoir appelé à la grève générale. Les salariés du privé qui vont découvrir que leurs retraites vont encore plus diminuer, les routiers qui vont apprendre que le plan Fillon annule le congé de fin d’activité à 55ans qui avait été obtenu lors des grandes grèves de 97, iront certainement grossir les rangs des déçus du syndicalisme, pour ne pas parler de ceux qui vouent désormais à la CFDT une haine tenace et fort compréhensible.
Rien n’est jamais perdu, aujourd’hui des luttes, des grèves voire des occupations dans le cas des licenciements sont toujours possibles. Mais les dirigeants syndicaux semblent tous prêts à laisser passer de nouvelles attaques gouvernementales qui aggraveront encore l’exploitation des travailleurs.
La suppression du jour férié est majoritairement rejetée chez les salariés (notamment les ouvriers et les employés). Dans les secteurs où l’on travaille les jours fériés, l’heure de travail est payée au minimum du double. La transformation d’un tel jour en jour normal sera une baisse de salaire importante. D’autre part, seules les cotisations sociales seraient concernées par cette mesure, pas les profits des patrons, qui pourront ainsi exploiter les salariés un jour de plus. Si les patrons pensent qu’il faut travailler plus, qu’ils embauchent et cessent de licencier. Enfin, la suppression d’un jour férié permettra la remise à plat des » 35 heures » sauce Aubry, la durée annuelle du travail passant de 1600 à 1608 heures. On comprend pourquoi Sellières, le président du Medef ( le « syndicat » des patrons) avait une mine si réjouie. Car dans l’état actuel des choses, avec la mollesse des dirigeants syndicaux, les patrons se disent qu’ils ont tout à gagne à une offensive contre la RTT.
Mais la colère contre le gouvernement et les patrons est grande parmi les salariés. La grève du 13 mai dernier avait été très suivie chez les salariés du privé. Il est possible que certains prennent l’initiative de déclencher une lutte sur les salaires, les emplois, les conditions de travail ou les jours fériés et appellent les autres à les suivre, car on n’a pas grand chose à perdre, et c’est aussi valable dans certains secteurs du public menacés de privatisation ou de plans de suppressions d’emplois (EDF-GDF, La Poste).
Dans nos syndicats, sur les lieux de travail, il y a urgence à organiser un travail concret d’aide aux salariés en lutte contre leur licenciement, mais également de défendre l’idée d’une journée de grève d’avertissement autour de revendications qui remettent en cause la politique du gouvernement et des patrons : contre les licenciements, contre la suppression d’un jour férié, pour l’augmentation des salaires, contre la casse des retraites etc.
Par Alex Rouillard