Les Gilets Jaunes bouleversent la situation

GJ champs elyseesL’éruption du mouvement des gilets jaunes a permis de tout bousculer. Ceux qui étaient persuadés que l’individualisme avait pris le dessus sur la solidarité et la lutte, que « les gens » étaient « endormis », ceux qui pensaient être tout seuls dans leur galère, et tous ceux dans le camp de Macron, celui des ultra-riches, qui espéraient continuer tranquillement leur politique pour nous exploiter toujours plus durement dans le seul et unique but qu’une poignée de parasites puisse se gaver sur la société entière. Le mouvement a montré qu’il existe, à une échelle de masse, la volonté de ne plus subir. Les gilets jaunes ne sont peut-être qu’une première étape dans la révolte, puis la révolution, contre cette société capitaliste.

Article publié dans l’Egalité193

La conscience d’une force collective

Gilets jaunes, nous nous sommes retrouvés sur les ronds-points, sur les péages gratuits, sur les Champs-Élysées et ailleurs tous les samedis, par centaines de milliers. Nous étions travailleurs, chômeurs après un licenciement économique ou une fin de contrat précaire, ouvriers ou intérimaires, fonctionnaires de catégorie C au salaire gelé depuis 10 ans, petits artisans écrasés, retraités, étudiants, femmes hyper-précaires. Des millions de personnes ont constaté qu’elles n’étaient pas seules à avoir un quotidien impossible. Que les découverts dès le 15 du mois voire dès la paye, c’était monnaie courante. Que les transports inexistants pour aller au boulot ou amener les enfants à l’école, on était des millions à avoir ce problème.

La première étape était désormais atteinte : celle où l’on prend conscience qu’on est des millions, qu’on a les mêmes conditions de vie et de travail insupportables, et surtout qu’on peut s’unir pour lutter contre cela.

Et c’est ce qu’on a fait. La mobilisation a permis non seulement que des millions de personnes s’unissent, mais aussi que l’on constate que c’est en allant dans cette direction qu’on pouvait faire bouger Macron. Oh, il n’a pas bougé sur grand-chose. Il s’est un peu agité, essentiellement pour dire qu’on n’avait rien compris à sa politique et qu’il fallait plus « expliquer ». Il n’a répondu à absolument aucune des revendications portées par le mouvement. Lui et ses amis les milliardaires n’ont rien compris au processus qui est en train de se dérouler. Car ce que revendique le mouvement des gilets jaunes, c’est de vivre mieux, de vivre en fait, tout simplement, d’arrêter de devoir payer pour tout alors que les milliardaires croulent sous la richesse.

Aspirations révolutionnaires

C’est cela qui a fait que les revendications qui ont émergé çà et là ont pu être surtout des revendications sociales et même anti-capitalistes. En premier lieu le rétablissement de l’ISF et l’arrêt des cadeaux aux riches et aux multinationales (CICE et autres), l’augmentation des salaires/retraites et l’investissement massif dans les services publics. Mais aussi des revendications sur la fin des privilèges des ultra-riches – non sans rappeler 1789… Ce n’est pas un hasard, mais une conséquence non seulement de toute la situation depuis des années (voir l’article « Une révolte prévisible » page 4), mais aussi de la manière dont la lutte s’est organisée. Contrairement à ce qui a pu se faire lors des occupations de places (les Nuit Debout) lors de la lutte contre la Loi « Travail » en 2016, les ronds-points et autres lieux d’occupation n’ont pas été des lieux de discussions sans fin qui ne décidaient rien ou pas grand chose. Au contraire, il s’agissait de lier les discussions sur les actions (résister aux flics, préparer le samedi prochain…) et celles sur les revendications, aller vers le concret. Les ronds-points, lieux d’organisation stratégique et de solidarité, ont pu devenir ainsi des lieux d’élaboration politique.

Tout le fonctionnement de la société, à tous les niveaux, est remis en cause. Pourquoi on bosse, où vont les richesses, qui décide, comment on surveille ceux qui décident… tout cela est une discussion sur la révolution, quelle société on veut. Le mouvement est profond et enraciné, c’est cela qui lui permet de perdurer, sans pause, depuis le 17 novembre et qu’il a le soutien de la majorité de la population malgré la répression et les mensonges des médias capitalistes.

Pour le moment, il regroupe quelques centaines de milliers de personnes, mais ses aspirations représentent les intérêts de l’écrasante majorité de la population et avant tout des 23 millions de travailleurs de ce pays, et dont le slogan central depuis le début est la démission du président des riches ! De nombreux débats doivent encore avoir lieu sur la stratégie, les objectifs, pour dégager Macron, transformer ce mouvement en véritable révolution et décider de quelle société nous voulons. Mais une chose est sûre, les Gilets Jaunes ont durablement transformé la situation et ouvert la voie à des luttes de masse. Peut-être à la révolution elle-même.

Par Cécile Rimboud