Le FN en ordre de bataille pour les prochaines élections… Et en face ?

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Le congrès du Front National a consacré la suprématie de Marine Le Pen qui avait pris la tête du FN de manière contestée en 2010. Mais cette unité n’est pas garantie, les tensions idéologiques et les appétits de pouvoir grouillentcomme de la vermine sous la carapace de la ligne officielle. Reste que sans véritable force pour le contrer, le FN peut continuer à progresser.

La croissance du Front National est réelle. Officiellement il annonce plus 300% de ses effectifs en 4 ans, avec 83 000 membres. Cependant, ce sont finalement 22 000 membres qui ont voté à ce
congrès. Aux européennes de 2014, il a fait 4,8 millions de voix contre un peu plus d’un million en 2009, passant ainsi de 3 à 24 eurodéputés. La percée électorale est réelle mais semble plus le résultat d’un vide que le FN parvient à occuper.

Partisans du contrôle économique contre libéraux ?

Cette percée ne s’est pas faite sur la base du programme traditionnel du FN (suppression du régime des retraites par répartition, du SMIC, privatisation de la plupart des services publics, renvoi massif des immigrés…). Avec la grave crise économique déclenchée en 2007-2008, provoquant une flambée du chômage mais affectant finalement peu les grandes entreprises et les banques, invalidant ce même programme, un recentrage populiste a débuté. Le peuple contre les élites patronales, politiques et syndicales, un programme comportant des nationalisations, la défense des droits des travailleurs, des acquis sociaux et désormais une distinction entre immigrés anciens (ou enfants d’immigrés) et immigrés clandestins ou qui arrivent encore.

Critiquant fortement le capitalisme et la mondialisation, la nouvelle direction du FN, Marine Le Pen, Florian Philippot, Steve Briois et autres ont fait un véritable putsch idéologique. Même sur des sujets comme le mariage pour tous, où le FN a toujours refusé d’appeler en tant que tel aux manifestations (tout en restant contre en prônant le droit à une « Union civile » entre homos).

La bataille fait rage dans le Fn

D’un côté, surtout implantée dans le Sud et le Sud Est, longtemps encadrée par les courants descendants de la mouvance pro-Algérie française, l’aile la plus traditionnelle, partisane de théories comme la « remigration » (le renvoi progressif de tous les immigrés), cherchant avec des figures comme Marion Maréchal Le Pen un remplaçant à Jean Marie Le Pen. De l’autre, les nouveaux cadres comme Briois, qui n’hésite pas à dire son admiration pour Jaurès, ou Philippot qui se rend aux commémorations de la mort de De Gaulle pourtant l’ennemi historique de l’extrême droite nostalgique des colonies.

Les divergences politiques de taille ont pu se voir au congrès mais aussi suite aux attentats contre Charlie Hebdo. Tandis que JM Le Pen déclarait: « Tous ces gens marchent avec la pancarte ‘Je suis Charlie’ alors qu’en fait ce sont des ‘charlots’ qui sont responsables de la décadence de la France », des maires FN faisaient des commémorations « Je suis Charlie » alors même que le journal attaquait tout le temps le FN.

Il est néanmoins peu probable qu’avant l’élection présidentielle de 2017 il y ait un clash ouvert entre ces deux courants. Ce qui est sûr par contre, c’est que le vide politique n’a pas été comblé. Aucune opposition de gauche assez intransigeante n’a émergé face à Hollande. Beaucoup d’éléments contredisent dans la réalité ce discours prétendument défenseur du peuple. Il y a les pratiques dans les municipalités qu’il dirige (suppression de nombreux budgets sociaux), le fait que la famille Le Pen soit multimillionnaire.
De plus, les élus du FN sont des politiciens professionnels comme les autres, qui cumulent bien souvent deux mandats importants (les eurodéputés quasiment tous conseillers régionaux ou départementaux). Mais cela mettra du temps à se voir.

D’autant qu’en face du FN, il est plus difficile de mobiliser qu’avant alors que le danger reste le même. Ainsi, la contre-manifestation à Lyon lors du congrès du FN n’a rassemblé que 8000 personnes, et a même rapidement été dissoute sous le double jeu de soi-disant «black blocks» (qui pensent de manière infantile que casser des vitrines de banque gênerait le capitalisme et l’Ordre) et d’un déploiement policier aussi massif que violent. Quant aux « collectifs » qui avaient refleuri après les européennes, ils n’ont guère passé l’été, incapables d’avoir un discours qui allie réellement la dénonciation du FN, celle de la politique du gouvernement et une pratique tournée vers les couches populaires larges.

Pour nous, la lutte contre le Front National est une lutte qui ne peut se permettre ce genre de preuve de faiblesse car l’enjeu est très sérieux. Le FN est un ennemi mortel des travailleurs et un recours possible des capitalistes dans la période à venir. Les prochaines élections verront certainement un score important pour le FN et à nouveau des réactions et des manifestations. Nous proposons de ne
pas attendre, de s’organiser et de mener activement campagne pour dénoncer autant le FN, son venin raciste, son discours d’endormissement des travailleurs (ne vous révoltez pas, votez pour nous) que le système capitaliste qui le nourrit.

Par Alex