Des scènes horribles se sont déroulées le week-end dernier (3-4 août) en Grande-Bretagne lorsque des centaines de personnes se sont rassemblées devant des hôtels hébergeant des demandeurs d’asile à Rotherham et à Hull, jetant des briques et des bouteilles et, à Rotherham, pénétrant par effraction dans les lieux et y mettant le feu. Les images ayant été diffusées à la télévision, dans la presse et sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes noires, asiatiques et immigrées sont aujourd’hui effrayées, ce qui est tout à fait compréhensible.
Article du Socialist Party, l’organisation sœur de la Gauche révolutionnaire en Angleterre & Pays de Galles, publié le 6 août 2024 sur www.socialistworld.net
Une trentaine de « manifestations » d’extrême droite ont été organisées dans plusieurs villes du pays. Ces manifestations racistes et islamophobes, organisées au nom de l’expulsion des migrants, font suite au rassemblement national organisé par Tommy Robinson à Trafalgar Square le samedi 27 juillet, auquel ont participé des milliers de personnes.
Contre-manifestations
Ces événements sont terribles et doivent être combattus, même s’il est également important de noter que les manifestations racistes ont été de taille très variable. Dans de nombreux cas, les manifestants se comptaient par dizaines plutôt que par centaines. Souvent, les manifestations locales d’extrême droite ont été largement dépassées par les contre-manifestations de syndicalistes locaux, d’habitants et de militants antiracistes. Les membres du Socialist Party ont participé à ces manifestations et ont contribué à les mettre en place au sein du mouvement syndical local et des communautés.
Dans des régions comme Sunderland et Bolton, la jeunesse musulmane s’est mobilisée pour défendre les mosquées et s’opposer à l’extrême droite. Les manifestations d’extrême droite sont rejetées par l’immense majorité des gens dans toutes les communautés. Dans tous les cas où il y a eu de la violence et du vandalisme, les communautés locales se sont rassemblées après coup pour aider à nettoyer.
Et, par une décision délibérée, les médias de l’establishment n’ont pas fait la promotion des dizaines de milliers de personnes qui ont défilé le samedi 3 août contre la guerre à Gaza dans le centre de Londres, face à un petit groupe d’extrême droite d’une centaine de personnes, ni de l’énorme manifestation de la Trans Pride, réunissant elle aussi des dizaines de milliers de personnes, qui a défilé le samedi 27 juillet, en même temps que le rassemblement de Tommy Robinson. Les événements qui démontrent l’unité et la force de la classe ouvrière ne doivent pas être promus par les médias capitalistes !
Pouvoirs de la police
Le nouveau gouvernement travailliste et les médias discutent actuellement de la question de savoir si la police a besoin de plus de pouvoirs. Les chefs de police se sont empressés de dire qu’ils n’avaient pas assez de ressources. Alors que de nombreuses personnes comptent sur la police pour défendre les communautés et arrêter les auteurs de violences, des pouvoirs renforcés pourraient également être utilisés contre les jeunes musulmans qui agissent pour défendre leurs communautés, les militants anti-guerre ou les syndicalistes qui mènent des actions.
Les individus d’extrême droite comme Tommy Robinson cherchent à exploiter l’aliénation et le désespoir profondément ancrés des personnes abattues par des décennies de pauvreté et d’austérité.
Les capitalistes conservateurs et travaillistes veulent détourner l’attention
Les politiciens capitalistes, qu’ils soient conservateurs ou travaillistes, ont redoublé d’efforts pour faire des migrants des boucs émissaires, désignant les personnes arrivant par petits bateaux comme la source du problème, tandis qu’ils réduisent et privatisent les services au point de les détruire, et qu’ils réduisent les salaires et les avantages sociaux. Pendant ce temps, ils permettent aux riches de devenir de plus en plus riches.
Le gouvernement de Keir Starmer a été élu avec le plus petit nombre de voix de tous les gouvernements qui ont été au pouvoir, et on comprend pourquoi. Pour une partie de la classe ouvrière, il n’y a aucune chance que les choses s’améliorent sous ce nouveau gouvernement. Les terribles meurtres et agressions à l’arme blanche d’enfants à Southport ont été l’élément déclencheur des événements de la semaine dernière, mais les conditions permettant à l’extrême droite d’exploiter la colère et le désespoir étaient déjà réunies.
Les divisions que l’extrême droite tente de créer permettraient aux patrons et à leurs partis politiques pro-capitalistes de continuer à faire baisser le niveau de vie de tous les travailleurs. Déjà, la couverture médiatique de ces manifestations d’extrême droite a rapidement remplacé la nouvelle de la suspension par Starmer des députés ayant voté en faveur de la suppression du plafond des allocations pour deux enfants, les nouvelles annonces d’austérité de Rachel Reeves (députée travailliste, ministre des Finances) visant à combler un « trou noir de 22 milliards de livres » dans les finances publiques, et la promesse de ne pas verser d’argent aux universités menacées d’insolvabilité.
Le vote en faveur des candidats de « Reform » (extrême droite) aux élections législatives était un avertissement sur la façon dont les forces populistes et d’extrême droite pourraient s’engouffrer dans la brèche à mesure que la colère grandit sous un gouvernement travailliste. Mais la vague de grèves massives de 2022-23 a montré l’énorme pouvoir potentiel de la classe ouvrière pour combler ce vide en luttant pour les salaires, les emplois, les logements et les services dont nous avons tous besoin. La lutte contre le racisme est indissociable de ce combat.
Les syndicats doivent mobiliser !
Une mobilisation syndicale sérieuse contre le racisme et l’extrême droite est nécessaire. Si cette mobilisation était liée à la lutte pour les salaires, les emplois, les logements et les services, les syndicats pourraient mobiliser beaucoup plus de personnes lors des manifestations antiracistes.
Un tel mouvement contribuerait grandement à affaiblir le soutien à l’extrême droite, car il constituerait un pôle d’attraction susceptible d’unir toutes les sections de la classe ouvrière – en rassemblant les jeunes musulmans qui défendent leurs mosquées avec la classe ouvrière organisée, de toutes origines, avec son potentiel d’imposer à ce gouvernement de meilleurs salaires, la construction de logements sociaux et le financement des services publics.
En 2018, le Trades Union Congress (TUC, fédération syndicale britannique) a accepté de lancer une campagne pour « Des emplois et des logements, pas de racisme ». Il est temps que cette campagne soit mise en œuvre. Cela devrait inclure une approche sérieuse de la mobilisation pour les manifestations locales et la mise à disposition de délégués syndicaux. Se contenter de compter sur la police pour assurer la protection peut poser des risques inutiles pour la sécurité des participants.
La confédération TUC et les syndicats devraient appeler à une manifestation nationale d’urgence un samedi sur le thème : « L’unité des travailleurs, pas la division – des emplois et des logements, pas de racisme ».
Une voix politique de la classe ouvrière
Une partie essentielle de la lutte contre le racisme et l’extrême droite doit être de gagner une voix politique pour la classe ouvrière qui fasse campagne pour des politiques socialistes. Au plus fort des grèves ferroviaires et postales de 2022, Mick Lynch, secrétaire général du syndicat ferroviaire RMT, et Dave Ward, secrétaire général du syndicat des travailleurs de la communication, ont lancé le réseau « Enough is Enough » (Trop c’est Trop). Un demi-million de personnes se sont inscrites, beaucoup espérant que ce serait le début d’une nouvelle voix politique. Malheureusement, Enough is Enough s’est essoufflé et l’extrême droite s’est cyniquement emparée de son nom.
En 2010, feu Bob Crow, secrétaire général du RMT, a lancé, avec le Socialist Party et d’autres, une alliance électorale contre l’austérité, la Trade Unionist and Socialist Coalition (TUSC). L’une des questions alors était de savoir si Bob devait se présenter contre Nick Griffin, alors leader du Parti national britannique (BNP) d’extrême droite, dans l’est de Londres, où le BNP disposait de 12 conseillers municipaux. Ce genre d’initiative doit être prise par le mouvement syndical. Alors que le gouvernement travailliste de Starmer continue de mettre en œuvre des politiques anti-ouvrières, les syndicats devraient convoquer une conférence pour discuter de la construction d’un outil politique pour les travailleurs.
En 2017, le manifeste anti-austérité de Jeremy Corbyn a permis au Labour de prendre un million de voix à Ukip, l’ancêtre du parti d’extrême droite Reform. L’existence d’un parti basé sur la classe ouvrière organisée qui se bat pour des politiques antiracistes, anti-guerre et socialistes – pour les salaires, les emplois, les logements et les services dont nous avons tous besoin – réduirait le soutien aux groupes d’extrême droite et contribuerait à isoler les quelques individus violents qui veulent les construire.