Une des choses qu’avaient montrées les résultats du 1er tour de l’élection présidentielle du 21 avril 2002, c’est que l’extrême droite, et en France le Front national, pouvait être un bénéficiaire direct de la crise du capitalisme.
Article paru dans l’Egalité n°103
Désorientés, démoralisés par la politique de gestion du capitalisme du PS et du PCF qui s’est traduite par une aggravation des conditions de vie, des millions d’anciens électeurs de « gauche » ont pris l’habitude de voter, pour diverses raisons, pour le FN. Certains ont succombé à la propagande raciste du parti de Le Pen que les gouvernements de gauche et de droite ont si bien légitimés par leurs politiques discriminatoires et sécuritaires. Mais la vraie raison de fond reste celle-ci : les politiques pro-patronales menées par les partis que les travailleurs considéraient comme les leurs (PS et PCF), les ont démoralisées et donné envie de « secouer ce système ». Plus de 30% des ouvriers de l’industrie qui ont voté (il y a eu près de 50 % d’abstention dans cette catégorie) ont porté leurs voix sur Le Pen.
Le 21 avril a été un avertissement, l’expression d’un rejet de ce système. C’est un phénomène que l’ont retrouve dans la plupart des pays d’Europe, qui a vu la parti de Haider, le FPÖ, participer au gouvernement en Autriche. En Angleterre, malgré un mode de scrutin défavorable, le BNP (British National Party) a désormais plus de 10 conseillers municipaux. En Belgique, le Vlaams Block (nationaliste flamand, très violent à l’encontre des organisation du mouvement ouvrier) a encore progressé aux dernières élections (22% à Gand par exemple), et le Front National, groupuscule d’extrême droite mais qui a bénéficié de son nom grâce au score de Le Pen l’an passé, a fait 9% en Wallonie (partie francophone de la Belgique).
Car partout en Europe, les anciens partis de la classe ouvrière se sont ouvertement convertis à la gestion du capitalisme au profit des patrons, laissant les travailleurs, et notamment les travailleurs très exploités, seuls face à la violence de l’exploitation patronale, et à la violence toute entière d’une société qui multiplie les injustices, la misère… L’extrême droite cache son projet ultralibéral derrière un discours populiste contre les » élites « , en défense des » petits et des sans grades » (Le Pen le 21/04/02). Mais dans la réalité, l’ensemble des dirigeants du FN sont des couches sociales supérieures de la société (beaucoup de patrons de PME), et le soutien apporté par Le Pen à la casse des retraites ne trompe pas, c’est bien en défense du capitalisme que se pose ce parti, la propagande raciste servant à faire croire aux travailleurs que leur problème n’est pas leur patron (sauf si il est étranger ou juif ou de gauche) mais bien le travailleur immigré qui est pourtant exploité lui aussi. Les travailleurs de Moulinex, MetalEurop etc. apprécient certainement.
Tant que le mouvement ouvrier, et notamment l’extrême gauche n’aura pas proposé d’alternative de masse, des millions de travailleurs peuvent se faire embobiner par Le Pen et ses amis. Ceci peut se reproduire aux prochaines élections. Répondre comme beaucoup l’ont fait, au vote protestataire, anti-système (bien que cela était confus et reste source de dangers), par un appel (nécessairement sans contenu social et de classe) à voter pour le candidat anti-immigré et pro-patronal, Chirac, ne décrochera pas ces travailleurs de Le Pen, cela peut même les conforter dans le slogan « tous pourris » et mettre une partie de l’extrême gauche dans ce sac.
Par Alex Rouillard