Crise politique de la bourgeoisie, Macron et son pouvoir plus fragiles que jamais

En trois ans, depuis les présidentielles de 2022, on a eu 5 premiers ministres. Borne, Attal, Barnier, Bayrou et maintenant Lecornu. Parmi eux, trois n’ont pas tenu un an. Chaque gouvernement est perçu comme plus illégitime que le précédent. On peut rajouter à cela les 23 utilisations de l’article 49.3 par Borne pour passer les lois en force, une dissolution de l’Assemblée nationale par Macron, la censure de Barnier en décembre 2024 et Bayrou qui vient de perdre le vote de confiance qu’il a lui-même convoqué à l’Assemblée. Du jamais vu dans l’histoire de la Ve République !

Cette crise politique est gigantesque et le pouvoir de Macron se dévoile comme il est en réalité : très faible.

De quoi Macron est-il le nom ?

Successivement, la droite (LR, ex-UMP) et le PS, serviteurs historiques de la classe capitaliste en France, ont mené les attaques en leur nom. Ils se sont grillés aux yeux d’un grand nombre de travailleurs et de jeunes, ouvrant une crise de la représentation politique de la bourgeoisie.

Face à cette crise politique, la bourgeoisie n’avait pas d’autre choix que de trouver un personnel politique autoritaire, inflexible, qui serait présenté comme un sauveur, au-dessus des partis. La classe dirigeante a déniché Macron, le « Mozart de la finance », un aventurier politique, sans attache et surtout sans base sociale, pour continuer de mener sa politique.

Il a prétendu se positionner au-dessus des classes sociales, pour donner l’impression qu’il aiderait aussi bien la population que les capitalistes. Le slogan de Macron en 2017, « ni de droite ni de gauche », en était l’expression la plus claire. Sa fake news du ruissellement défendait que plus les riches s’enrichissaient, plus la population en bénéficierait.

En réalité, le mandat de Macron est de mener aussi loin que possible la contre-révolution sociale que les gouvernements de droite comme du PS mènent depuis trente ans. Toutes les attaques ont le même but : se débarrasser de tout ce qui est collectif, public et permet la solidarité, pour en faire des marchés, où tout s’achète et se vend, afin qu’une toute petite poignée de capitalistes se gavent de profits.

« Crise institutionnelle » ou crise du capitalisme ?

On entend souvent que Macron est un « dictateur », qu’il a fait un « coup d’État » en n’appliquant pas la « règle » de nominer un Premier ministre issu de la force arrivée en tête aux législatives. Cependant, quand Macron prend cette décision, à trois reprises, en nommant Barnier, Bayrou et maintenant Lecornu, il n’enfreint pas la Constitution de la Ve République. Au contraire : elle le lui permet. La Ve République est de nature antidémocratique et bonapartiste.

En fait, la crise dévoile le vrai visage de la « démocratie » bourgeoise. En fait, elle n’a rien de démocratique et tord les usages et les « règles » quand bon lui semble, pesant le rapport bénéfices / risques, dans le seul but de préserver les profits des capitalistes.

Leur vrai problème est que leur propre système, le capitalisme, est dans une crise économique très profonde. L’économie mondiale affiche une « croissance » au ralenti. Pour faire des profits, les capitalistes doivent donc intensifier leurs attaques pour nous exploiter toujours plus ! Ils doivent aussi accaparer des marchés, et c’est pour cela qu’ils détruisent tous les services publics et les privatisent. Et c’est aussi pour cela que les tensions internationales sont aussi brûlantes – c’est la lutte pour les marchés.

Donc non, ce n’est pas la « loi » de l’offre et de la demande qui fait que tout augmente, qu’il faut payer des choses qui devraient être gratuites, et que dans le même temps nos salaires baissent. C’est la dictature du profit capitaliste !

La Guerre civile en France a été écrite par Karl Marx en 1871, à chaud, en pleine révolution de la Commune de Paris. Une œuvre qui tire des leçons essentielles pour tous ceux qui se demandent comment renverser les bonapartistes contemporains et construire un gouvernement ouvrier et un régime véritablement démocratique.

Révolution et contre-révolution

La crise actuelle est forte mais ce n’est pas la première de l’histoire. En tant que marxistes, nous analysons ces phénomènes car cela nous permet d’établir des perspectives, de comprendre où l’on va – et ce qu’on peut faire. La méthode marxiste permet d’établir qu’il existe des lois générales dans le capitalisme.
Marx avait analysé avec précision le développement de la lutte des classes en France. Il a démontré que devant chaque révolution (1789 et 1848 notamment), la bourgeoisie s’est tournée vers un personnage autoritaire pour détruire les acquis que les masses révolutionnaires en lutte avaient arrachés pour elles-mêmes et qui étaient contraires à ses intérêts (Napoléon Bonaparte et Napoléon III) : « En réalité, c’était la seule forme de gouvernement possible, à une époque où la bourgeoisie avait déjà perdu, et la classe ouvrière n’avait pas encore acquis la capacité de gouverner la nation. » (Karl Marx, La guerre civile en France, 1871). Il y a toujours eu un lien entre un pouvoir autoritaire et réactionnaire de type bonapartiste, la contre-révolution, et le potentiel révolutionnaire du côté des travailleurs et des jeunes.

En agissant comme il le fait, Macron tend les contradictions de classe dans la société encore plus que les politiciens bourgeois traditionnels, en attaquant tout le temps et partout. C’est cela qu’il appelle « disruption ». De ce fait, le caractère bonapartiste du pouvoir de Macron permet de mesurer l’ampleur de la crise « au sommet », c’est-à-dire de la classe dominante. Lénine a analysé qu’il s’agit de la première des trois conditions pour caractériser une situation comme révolutionnaire. La deuxième sont les attaques incessantes contre la majorité de la population qui dégradent violemment les conditions de vie des classes opprimées. La troisième est l’accentuation de l’activité politique des masses, elles-mêmes poussées vers l’action politique indépendante.

Le mouvement qui a commencé le 10 septembre montre, une nouvelle fois, qu’une partie des travailleurs et des jeunes veut affronter le pouvoir de Macron. Mais la bourgeoisie peut encore compter sur le fait que la classe ouvrière n’est pas assez organisée politiquement : nous n’avons pas de parti de masse des travailleurs avec un programme pour le socialisme. Si la lutte s’amplifie et devient un mouvement de masse déterminé, alors une grande partie des travailleurs et des jeunes tireront des conclusions sur la nécessité d’avoir une telle expression politique de masse de la classe. Remettre le socialisme à l’ordre du jour est nécessaire pour mettre fin au pouvoir bonapartiste de Macron, et c’est ce pour quoi nous luttons.

Une fin précipitée du quinquennat de Macron liée à un mouvement de masse poserait la question du pouvoir et d’un gouvernement des travailleurs. Mais ce n’est pas une revendication actuellement défendue à une échelle large. C’est le rôle d’un parti révolutionnaire tel que l’est la Gauche Révolutionnaire : défendre un programme qui permet de réaliser le potentiel d’une situation pré-révolutionnaire en donnant aux travailleurs et aux jeunes les moyens politiques de lever les obstacles pour dégager Macron et son pouvoir capitaliste, et bâtir une société socialiste où les travailleurs et les jeunes seraient aux commandes de l’économie et du pouvoir.

Article paru dans l’Égalité n°230, par Y.B.