
Le 25 juin 2025, la Haute cour d’Abuja a ajourné le procès pour trahison des manifestants du mouvement #EndBadGovernance, alors que le gouvernement nigérian continue les manœuvres pour retarder le jugement.
Un article du Democratic Socialist Movement (organisation sœur de la Gauche Révolutionnaire au Nigeria) publié le 27 juin 2025 sur socialistworld.net
Le juge Emeka Nwite était enfin disponible le 25 juin pour présider le procès pour trahison d’Adaramoye Michael Lenin et de dix autres personnes, après avoir été absent trois fois depuis novembre dernier. Cependant, le procès n’a pas eu lieu. Un avocat, qui paraissait en tant que nouveau procureur, a demandé un délai supplémentaire pour étudier le dossier. À juste titre, les avocats de la défense se sont opposés avec véhémence à cette requête, arguant qu’elle visait délibérément à faire perdre du temps et était irresponsable de la part du gouvernement, et ont demandé le classement sans suite de l’affaire. Le juge a toutefois accédé à la demande d’ajournement du procureur, à la condition que l’affaire soit classée au cas où le procureur retarde encore le procès. L’affaire a donc été ajournée au 9 octobre.
L’ancien procureur était apparemment sous le coup d’une sanction disciplinaire pour corruption présumée. Nous pensons qu’il s’agit là d’une excuse très pratique pour faire encore traîner l’affaire en justice. Le nouvel avocat qui, au sein du tribunal, a qualifié de manière répréhensible les militants de « criminels », d’auteurs de graves crimes contre l’État et devant être punis, avait manifestement eu amplement le temps, avant le 25 juin, de se familiariser avec les détails de l’affaire. Le fait est que le gouvernement est incapable de prouver les accusations absurdes et fantaisistes portées contre les 11 militants du mouvement #EndBadGovernance ; d’où ces tactiques de retardement dont nous pensons que le président du tribunal est complice. Nous pensons que l’objectif est de continuer à entraver les militants avec des accusations forgées de toutes pièces, notamment de trahison, passible de la peine de mort, afin de dissuader toute nouvelle manifestation de masse ou révolte contre le gouvernement anti-pauvres de Tinubu.
Des « preuves » fabriquées
Cependant, le procureur était tout fier de dire que l’État disposait de preuves accablantes et de témoins en nombre suffisant. Nous ne pouvons ignorer le possible désespoir et la capacité du gouvernement à fabriquer des preuves afin de punir les militants, comme le procureur l’a réclamé devant le tribunal. Pour le gouvernement, les militants doivent payer cher pour avoir osé contester ses politiques anti-pauvres. Par exemple, en réponse à l’objection aux ajournements incessants et prémédités, l’avocat a déclaré de façon grossière que tout militant ne pouvant assumer les frais de comparution devant le tribunal devrait être renvoyé en prison pour « bénéficier » de transports gratuits ! Il convient de rappeler que les militants ont passé environ deux mois en garde à vue / prison avant que la campagne de solidarité locale et internationale n’oblige le tribunal à les libérer sous caution, sous des conditions malheureusement strictes.
En effet, la tenue, le 26 juin, d’une nouvelle manifestation de masse au Kenya pour marquer le premier anniversaire du soulèvement de la jeunesse de l’année dernière a peut-être renforcé la détermination du gouvernement Tinubu à réprimer Michael Lenin et d’autres. Les événements de l’année dernière au Kenya ont inspiré le mouvement #EndBadGovernance, qui a secoué le Nigeria en août dernier, et ont constitué un avertissement pour les dirigeants africains. Ce n’est pas un hasard si le ministre kenyan de l’Intérieur a justifié les tirs sur les manifestants mais aussi les passants, le 26 juin, en affirmant que le gouvernement était confronté à une « tentative de coup d’État ». Les élites corrompues sont prêtes à tout pour se maintenir au pouvoir.
Dans ce contexte, la campagne et l’appel à l’abandon des accusations de trahison et autres accusations futiles, ainsi qu’au renversement des politiques anti-pauvres et à la fin des atteintes aux droits démocratiques, doivent être intensifiés au Nigeria et à l’international. Une manifestation a été organisée à juste titre devant la Haute Commission du Nigeria par « Nigeria Solidarity UK », à laquelle participaient des membres du Socialist Party, la section du Comité pour une Internationale des Ouvrière (CIO) en Angleterre et Pays de Galles, en plus de diverses actions de solidarité menées par les sections de ce parti et par la section allemande du CIO. Dave Nellist, membre bien connu du Socialist Party et ancien député britannique, a adressé une lettre ouverte de protestation au président Tinubu pour condamner ce simulacre de procès et exiger qu’il soit mis fin. Il convient de rappeler que l’ancien chef du Parti travailliste britannique, Jeremy Corbyn, avait écrit une lettre similaire plus tôt dans l’année. Ces actions et protestations doivent se poursuivre et s’intensifier dans les trois mois précédant l’ouverture de ce procès pour « trahison ».
