ANPE : les couleuvres se suivent et ne se ressemblent pas

Après la mise en place des 35h sauce Aubry sans embauche compensatrice, après l’instauration du PARE qui nous donne un surcroît de travail sans pour autant apporter un meilleurs service aux travailleurs privés d’emploi, la direction veut nous faire avaler une nouvelle couleuvre. Et comme les précédentes elle est de taille !

Article paru dans l’Egalité n°101

Question de méthode

La réforme doit aboutir le 30 juin au plus tard et sera validé par décret du Conseil d’Etat (certaines dispositions du nouveau statut pouvant être modifié ultérieurement par décret simple). Cependant, il y a encore un mois, la direction de l’ANPE n’avait engagé les négociations que sur la façon dont allait négocier ! Voilà bien une façon de faire passer en force la réforme. Cela n’est pas étonnant vu la teneur du texte, et vu que les axes de réforme avaient été décidés par le ministère Guigou l’année dernière.

Sur le Fond

Il y a quelques mois, lorsque le premier bilan du PARE est tombé – bilan mauvais en terme de résultats concrets pour les chômeurs – les attaques ont fusé de toutes parts contre les agents ANPE, qui auraient fait obstacle au plan UNEDIC. Les solutions préconisées par des députés UMP et même par le représentant du syndicat CFDT à l’UNEDIC, pour remédier à notre mauvaise volonté étaient la privatisation partielle du service public de l’emploi en octroyant à des entreprises privées, comme les agences d’intérim, une partie de nos missions. Cette privatisation existe déjà aux Pays-Bas et en Allemagne. La réforme de notre statut est un pas de plus vers cette solution en donnant un fonctionnement et une structure d’entreprise privée.

Ainsi le personnel sera soumis de plus en plus au bon vouloir de la hiérarchie : les agents seront jugés par rapport à des objectifs quantitatifs, décidés par la hiérarchie, de plus en plus individualisés et nos primes en dépendront de plus en plus. Il sera mis en place en outre des “ certificats de compétences approfondies ”. Chaque année, la direction diffusera un nombre de sujets d’expertises sur lesquelles elle aimerait voir des agents travailler. Des agents volontaires pourront se positionner pour plancher sur les sujets. Mais c’est la hiérarchie qui décidera d’attribuer à tel ou tel agent volontaire le dossier. Ce travail permettra à l’agent d’obtenir une prime s’il remplit l’objectif et obtient la certification. Cette prime n’est versée qu’une fois et la certification obtenue n’a pas d’effet sur la carrière et la promotion.

La promotion interne, quant à elle, deviendra un vrai parcours d’obstacle. Jusqu’à maintenant elle se fait essentiellement par concours (interne ou externe). Si la réforme passe, elle se fera en deux temps : constitution d’un “dossier de preuves” de validation des acquis professionnels agréé par le chef d’agence ouvrant le droit au concours interne. Mieux vaudra être dorénavant dans les petits papiers de la hiérarchie. Le recrutement externe ne se fera plus exclusivement par concours ouverts à certains niveaux de qualification. On pourra ainsi entrer à l’Agence par validation des acquis professionnels, sur titre ou par l’apprentissage pour les échelons le plus bas. En ce qui concerne les mouvements de mutation, ils n’auront plus lieu que deux ou trois fois par an à la place des quatre mouvements actuels, ce qui entraînera une attente de 4 ou 6 mois au minimum avant de pouvoir muter. Les comités paritaires nationales des différents échelons de grades deviennent des chambres d’enregistrement des décisions hiérarchiques et de sanctions, car elles sont fusionnées. Le système de sanction est d’ailleurs développé.

Enfin, les différentes filières remodelées (administrative, production de service vis-à-vis des chômeurs et des patrons, informatique) deviennent plus hermétiques.

Refuser la réforme

Afin de faire passer la pilule, le Ministère du Travail promet l’augmentation du budget pour financer cette réforme. Il est étonnant qu’en ces heures de réelle austérité à peine cachée, le Ministère du Travail obtienne une rallonge budgétaire. Certains syndicalistes pensent pouvoir jouer sur ça pour obtenir le retrait de la réforme : gardez votre argent, nous gardons notre statut – aussi imparfait soit-il ! Il serait faux de croire que le gouvernement renoncera à cette réforme qui nous place de telle manière que le service public de l’emploi puisse être privatisé à terme. Le Ministère et notre Direction générale peuvent imposer la réforme et remettre le financement aux calendes grecques. L’Education nationale est habituée à ce genre de méthode. Ce n’est que dans la mobilisation, la grève, que nous pourrons mettre un coup d’arrêt à la casse de notre statut et du service public de l’emploi.

Par Yann Venier