Interview de Dadou, militante de la grève en 1995 et membre de la Gauche Révolutionnaire à Rouen
En 1995, j’étais institutrice à Petit-Quevilly dans l’agglomération de Rouen. J’ai milité activement pendant la grève de novembre-décembre 1995. Depuis, je suis et reste une militante de la grève pour défendre tous nos droits de travailleurs. C’est après ces grèves de 1995 que j’ai décidé de militer à nouveau et rejoint la Gauche Révolutionnaire.
Comment es-tu entrée en grève ?

Nous étions un certain nombre à vouloir lutter contre la casse de l’école organisée par le ministre de l’éducation Bayrou (déjà !) sous Juppé. On discutait beaucoup dans les écoles et les lieux de travail. Mais les directions syndicales n’engageaient pas la riposte. La crise sociale et politique traversait pourtant tout le pays.
Assez vite, on a participé à des manifestations appelées par les cheminots. La grève massive des étudiants de Rouen depuis début octobre, pour des moyens, était combative. Ils ont rejoint les assemblées des travailleurs. Tout le monde se réunissait à la Fosse, l’atelier des cheminots à Sotteville-lès-Rouen.
Comment la grève a-t-elle pu être reconduite et s’étendre ?
Nous avions des assemblées générales (AG) des grévistes, syndiqués et non syndiqués, chaque jour, sur mon secteur rive gauche de Rouen. Nous votions la grève, avions des discussions sur la situation, les déclarations du gouvernement, le contenu des tracts, nos revendications. Puis nous organisions des tournées d’écoles, de distributions sur les marchés pour propager la grève et ramener de nouveaux grévistes.
À Rouen, le mouvement s’est structuré dans un Comité d’Organisation de la grève. Il rassemblait des représentants des AG de secteurs, élus par les grévistes, auxquels se joignaient des représentants des syndicats impliqués dans la grève. Les directions syndicales localement ont dû accepter cette organisation de la grève qui les dépassait.
Le 12 décembre, 80 000 à 100 000 personnes étaient en grève et en manifestation à Rouen pour exiger la chute du gouvernement et dire « Dehors Chirac-Juppé » !
Cette organisation a permis d’étendre la grève et les revendications et mots d’ordre.
Nous avons stoppé l’attaque de Juppé par notre grève massive. Et cette structuration de la grève reste aujourd’hui encore un exemple avec le comité unitaire, réunissant des représentants élus du public, du privé et des étudiants, qui avait amorcé une forme d’auto-direction ouvrière démocratique.
