Devant la victoire sans réel soutien pour Macron. Construisons une gauche de combat!

Manifestation le 18 mars de la France Insoumise à Paris

Le putsch électoral a été réussi pour Macron. Après avoir été élu président sans difficulté grâce à la présence de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle, Macron a donc réussi à faire de ces élections législatives une simple confirmation de sa tactique, sans recueillir plus de soutien pour sa politique que lors de la présidentielle.

Une grande majorité des électeurs se sent complètement méprisée, à juste titre, et seuls 48,7 % des inscrits ont été voter au 1er tour (42,6 % au second tour contre 55,4 % au 2nd tour de 2012), la plus basse participation jamais enregistrée pour ce qui est censé s’appeler la « représentation nationale ».

Seuls 4 députés ont été élus dès le premier tour (contre 36 en 2012 et 110 en 2007), là encore le plus bas score enregistré. Très peu même dans les rangs du mouvement de Macron, La république en marche (LREM), atteignent les 50 %. Certes, LREM recule moins que les autres partis entre la présidentielle et les législatives et obtient 75 % des sièges au final. Mais c’est aussi parce que le seul intérêt annoncé du vote serait de confirmer la victoire de Macron. Et sous cet angle, la confirmation reste très faible et sans enthousiasme. Les autres partis reculent, mais pas à la même vitesse.

De fait, Macron a déjà créé contre lui une vague de dégoût profond, qui rapidement se transformera en hostilité et certainement en luttes contre sa politique. Car il l’a annoncé, il fera comme Hollande, mais en pire : nouvelle loi « travail », pire que la loi El Khomri, nouveaux avantages fiscaux pour les gros actionnaires, hausse de la CSG pour les retraités… En projet également, des attaques contre la Sécurité sociale et contre les chômeurs.

Le Pen, l’opposition en carton

Le Front National et Marine Le Pen avaient prétendu être la première force d’opposition à Macron, sur un clivage entre « patriotes » et « mondialistes », c’est à dire en fait ne remettant surtout pas en cause le capitalisme ou la domination des riches et des multinationales de France. C’est connu, ce sont les migrants ou les musulmans qui ferment les usines et envoient des milliers de travailleurs au chômage. Après avoir été le pantin du 2ème tour, juste l’idiote utile pour l’élection de Macron, Le Pen a été incapable de fédérer plus longtemps les divers courants d’extrême droite qui peuplent le FN. La crise est en cours, avec une division de plus en plus affichée. La campagne de Mélenchon avait retiré à Le Pen le monopole qu’elle prétendait détenir sur les milieux populaires (travailleurs, chômeurs etc.). Dans les villes, notamment ouvrières, le recul du FN était net et il a été largement confirmé lors des législatives.

En résultats globaux au 1er tour, le FN recule très fortement, passant à 2 millions 990 000 voix quand il en avait 7 millions 660 000 au premier tour de la présidentielle, et 3 millions 528 000 aux législatives de 2012. Il est éliminé dans de nombreuses circonscriptions où il terminait deuxième lors de tous les scrutins précédents, passant souvent 3ème ou 4ème. C’est dans les circonscriptions les plus rurales que le FN garde une deuxième place, mais il est éliminé dans la plupart d’entre elles. Il est en net recul dans le sud ; résiste un peu mieux dans le Nord et l’Est mais c’est largement moins qu’aux régionales de 2015 par exemple. Alors qu’il était annoncé 60 députés pour le FN, c’est au final 8 seulement, la plupart dans le bassin minier du Nord-Pas de Calais.

Ce n’est pas la fin du danger FN, mais sa crise interne continue de s’amplifier, autant nourrie par les querelles liées aux ambitions personnelles que par les divergences politiques (entre un parti ultra conservateur prêt à s’allier avec des secteurs de la droite, et un parti souverainiste rejetant de telles alliances au nom d’une ligne irréalisable qui combinerait maintien du capitalisme et sortie de l’euro). Ce n’est pas non plus la fin du « problème » FN, tant sa propagande raciste continue de pourrir le débat politique.

Écroulement total (mais malheureusement pas encore final) du PS

Le PS subit le plus grand recul enregistré pour une telle élection, passant de 10 millions de voix en 2012 à 1,7 millions de voix en 2017. Dans de nombreux départements, le PS perd tous ses députés et n’en a aucun au second tour, comme en Seine Saint Denis (93) où il avait 9 députés et n’a aucun qualifié au second tour. Dans bien des endroits, le PS passe même sous la barre des 10 % même pour ses figures les plus connues tel son 1er secrétaire, Cambadélis. Parfois, comme pour Valls dans l’Essonne, ou El Khomri à Paris, le PS ne doit sa présence au second tour qu’à la bienveillance d’En Marche qui n’a pas présenté de candidat contre lui. Mais au bout du compte, les anciens ministres (El Khomri, Touraine, Vallaud-Belkacem, Urvoas, Fourneyron) sont éliminés. Le PS paye, enfin, ses trahisons mais également sa politique de l’année 2016 (loi « travail », 49-3 et gigantesque répression des mouvements sociaux), et plus généralement les politiques d’austérité qu’il a menées à tous les échelons (régions, départements, dont il dirigeait encore une majorité il y a 2 ou 3 ans). Et le plus pitoyable, c’est que même là, la plupart des dirigeants du PS ne remettent pas en cause la politique qu’ils ont menée, au contraire. Après avoir trahi leurs propres électeurs et le peu de militants qu’il leur reste, en effaçant complètement le programme de leur candidat à la présidentielle, Benoît Hamon, et en se présentant à la fois comme PS et comme soutien de Macron, nombre de cadres du PS en accusent d’autres d’avoir causé la déroute en étant trop « critiques » vis-à-vis de Hollande. Le règlement de compte va continuer dans un parti qui s’effondre et est complètement pourri de l’intérieur. D’autant que sur le fond, si une partie des dirigeants remet en cause la politique de Hollande, ce n’est que sur certains points et jamais sur sa totalité. Quant à l’aile, majoritaire au sein des dirigeants, qui défend le bilan de Valls-Hollande, qui voulait la fondation d’un grand parti du centre (capitaliste évidemment), elle s’est fait doubler par l’apparition d’En Marche et ne va pouvoir que tenter d’accompagner la ligne Macron.

Les Républicains ne sont pas en meilleure posture après leur désastreuse campagne de la présidentielle et la désignation du pire candidat possible en la personne de Fillon dont le programme ultralibéral (et les affaires, dans une moindre mesure) ne pouvaient que susciter le rejet d’une majorité de la population. La manœuvre En Marche visait à détacher une aile libérale (et prête à tout pour des postes), ce qui a fonctionné avec l’arrivée d’Édouard Philippe et de Bruno Lemaire au gouvernement. Désormais, la droite va servir de force d’appoint en cas de problème sur certains votes à l’Assemblée, voire même à rien du tout si Macron parvient à maintenir une cohérence parmi son assemblage de députés.

L’avenir est à gauche

Après un très bon score et une bonne campagne de Mélenchon à la présidentielle et les 7 millions de voix obtenues, la France Insoumise (FI) aurait pu confirmer la dynamique lors des législatives. Malheureusement, un accord n’a pas été trouvé avec le PCF malgré une proposition, certes limitée, de la FI (réserver 26 circonscriptions gagnables à chacune des deux formations). Le PCF souhaitait se présenter dans un maximum de circonscriptions et même, dans certaines, faire jouer les accords locaux avec le PS comme dans la Marne (51), ou avec EELV comme dans l’Aisne (02), les Hautes-Alpes (05), etc. Ailleurs, la FI aurait peut être pu montrer un peu plus de souplesse vis-à-vis du PCF mais dans la plupart des cas c’est ce dernier qui a refusé les propositions d’être suppléant sur une candidature FI. Dans des dizaines de circonscriptions, un tel choix, stupide, a vu le PCF loin derrière la FI, mais a aussi empêché que la FI soit 2ème et se qualifie pour le second tour. Ce qui est bien dommage puisque la FI et le PCF avaient comme candidat commun Mélenchon à la présidentielle et qu’il convient d’additionner leurs voix à ces législatives pour juger du potentiel d’une nouvelle force politique à gauche aujourd’hui.

Quoiqu’il en soit, même si le recul entre la présidentielle et les législatives affecte aussi la FI (mais dans une proportion moindre que le FN et le PS), les voix PCF (615 000) et FI (2 500 000) représentent un net progrès par rapport aux législatives de 2012 (1 800 000 voix pour le Front de gauche). Tout le potentiel pour une nouvelle force politique, une gauche de combat contre la politique de Macron est visible dans ce score obtenu malgré l’ultra-domination médiatique de Macron et de son mouvement.

Ce potentiel s’est révélé au second tour, grâce aussi à une forte implication des militants et au final 27 députés (17 pour la FI et 10 pour le PCF). En Seine Maritime, avec le soutien actif des insoumis, le PCF recueille trois sièges (Le Havre, Dieppe, et la banlieue sud de Rouen), tandis que la FI obtient une élue à Paris, 4 en Seine-Saint-Denis, et voit l’élection de J-L Mélenchon à Marseille. Dans l’Essonne, Farida Amrani (France insoumise) était face à Valls, mais n’a pas reçu le soutien officiel du PCF local. Le recomptage est encore en cours, Valls ayant proclamé lui-même les résultats alors que le scrutin a connu de nombreuses irrégularités, un recours sera déposé par Amrani. Quoiqu’il en soit, c’est déjà quasiment une défaite pour Valls qui avait l’habitude d’être élu sans souci dans cette circonscription.

Les député-e-s FI ou PCF devront servir de relais pour les luttes des travailleurs, des jeunes, contre les sales coups que prépare Macron avec sa politique au service des super riches. Mais aussi, comme l’a dit Hubert Wulfranc, député de la 3ème circonscription de Seine Maritime (Saint-Étienne du Rouvray, Rouen rive gauche, Petit Quevilly, Oissel etc.) : « il va falloir continuer ensemble sinon cette victoire sera une victoire à la Pyrrhus » (une victoire qui cache une défaite sur le long terme).

La Gauche Révolutionnaire (GR) participe à la FI dans bien des endroits. Nous avons soutenu les possibilités de campagne unie avec le PCF et d’autres, là où c’était possible, et aussi participé à l’animation de la campagne de la FI que ce soit en Côte d’Or, dans les Hautes Alpes, dans le Nord, la Seine Maritime, la région parisienne, etc. Dans la Drôme, Rachel Mahé de la GR, candidate pour la France insoumise, a obtenu plus de 10 %, plaçant la FI comme première force de gauche dans la circonscription dominée de longue date par les Républicains et minée par le FN. C’est un très bon score et un encouragement tant pour la FI que pour la Gauche Révolutionnaire, qui tout au long de ces campagnes électorales a défendu à la fois la nécessité d’une nouvelle force politique de masse et de lutte rassemblant les travailleurs, les jeunes, les retraités, etc. contre les politiques au service des super-riches, et la nécessité de s’organiser autour d’un programme permettant réellement d’en finir avec les horreurs de ce monde en renversant le capitalisme et en construisant une société nouvelle, fraternelle et démocratique, le véritable socialisme.

Beaucoup n’ont pas voté par défiance contre la magouille électorale que représente le putsch électoral d’En Marche. Si un tel score de participation avait été enregistré à des élections de délégués syndicaux dans les entreprises, le scrutin aurait été invalidé et il aurait fallu le refaire. Mais Macron-Philippe n’auront pas de tels soucis démocratique. Le 1er ministre E. Philippe a même dit, sans rire évidemment, qu’il y avait ce dimanche 18 juin un « nouveau souffle pour la démocratie »… Il faut y comprendre que pour eux, seule comptait la formalité électorale des législatives, et que désormais ils vont déchaîner leur politique.

Il n’y a pas de scrutin électoral pour mettre en minorité le gouvernement dans les deux prochaines années. L’absence de structuration réelle de la France insoumise a rendu plus difficile la mobilisation des électeurs de la présidentielle et cela va devenir le principal enjeu des prochains mois. On ne pourra pas combattre la politique de Macron et la propagande capitaliste qui ira avec en n’étant pas organisés collectivement, au sein d’une véritable force politique de masse, pour résister et contribuer aux luttes.

Le combat va continuer, nous sommes des millions à ne plus vouloir de ce monde injuste et barbare. Il nous manque un véritable nouveau parti, réellement démocratique, pour lutter et réfléchir collectivement. Organisés tous ensemble, nous serions bien plus forts que les magouilles électorales de Macron qui n’a aucun soutien réel dans la population.

Venez discuter et agir avec nous !

Alex Rouillard