50e anniversaire de la mort de Martin Luther King, Jr : un héritage révolutionnaire

P1 MLKLe 4 avril 1968, Martin Luther King était abattu d’une balle sur le balcon du Loraine Hotel à Memphis, Tennessee. Cinquante ans plus tard, la radicalité de ses derniers discours résonne avec une acuité particulière au delà des frontières des seuls USA.

Il était venu à Memphis pour soutenir la grève des éboueurs, qui durait depuis deux mois suite à la mort de l’un d’entre eux, tombé dans une benne à ordure, et pour exiger un salaire et des conditions de travail décents. Dans la même période il préparait, avec un front d’organisations pour les droits civiques, une Marche des pauvres (Poor People’s March). Cette campagne pour l’égalité économique s’adressait à tous les américains au-delà des distinctions de couleur et de religion.

Dans le même temps, il s’était opposé à la guerre du Vietnam dans un discours prononcé un an plus tôt, le 4 avril 1967, où il s’attaquait au président Lyndon B. Johnson qui avait promis une guerre contre la pauvreté et le chômage mais dépensait plus d’argent pour la guerre du Vietnam. « Les bombes du Vietnam exploseront chez nous » avait prédit Martin Luther King. Ce qui signifiait que le coût (humain et économique) de la guerre serait payé par les travailleurs et jeunes américains par une pauvreté et un chômage accrus.

La lutte contre le racisme et pour les droits sociaux et économiques

Après la « Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté » du 28 août 1963 où il avait prononcé son célèbre discours « I Have a Dream », King poussait le mouvement pour les droits civiques à développer la lutte au-delà du Sud et pas uniquement contre la ségrégation et le racisme : le mouvement devait aussi porter sur les questions de l’inégalité de classe. Lors d’une précédente visite aux éboueurs de Memphis, il avait déclaré : « à quoi cela sert-il d’avoir le droit d’être servis à des comptoirs sans ségrégation si on n’a pas les moyens de s’acheter un hamburger ? », soulignant ainsi le lien profond qu’il y a entre la lutte contre le racisme et celle pour les droits sociaux et économiques.

Lors d’un discours prononcé à une convention de la Southern Christian League à Atlanta, Géorgie, le 16 août 1967, il avait déclaré : «  Si notre nation peut dépenser trente-cinq milliards de dollars par an pour se battre avec une guerre injuste, mauvaise au Vietnam et vingt milliards pour mettre un homme sur la lune, elle peut dépenser des milliards pour mettre les enfants de Dieu sur leurs deux pieds ici. Et un jour, nous devons poser la question : Pourquoi y a-t-il quarante millions de pauvres en Amérique ? Et quand vous commencez à poser cette question, vous soulevez des questions à propos du système économique, à propos d’une plus large distribution de richesse. Quand vous posez cette question, vous commencez à mettre en doute l’économie capitaliste. […]

Maintenant, quand je dis remettre en cause la société entière, cela signifie, en fin de compte, que le problème du racisme, le problème de l’exploitation économique et le problème de la guerre sont liés. Ceux-ci sont trois maux triples interdépendants. »

L’idée de Martin Luther King pour cette « Marche des pauvres » était fondée sur une critique assez radicale du capitalisme américain, une opposition au consumérisme, à l’impérialisme, à la guerre, au racisme et à une pauvreté structurelle. Parmi les revendications, il y avait : pour un budget de $30 milliards pour lutter contre la pauvreté, la mise en place d’un salaire annuel garanti, la construction de 500 000 logements sociaux pour éliminer les taudis, etc.

Un mouvement militant

Il s’agissait aussi de développer des modes d’action plus militants, la Marche de 1968 devait se terminer par l’établissement d’un campement de tentes au pied du congrès pour symboliser les taudis dans lesquels de nombreux américains, et pas seulement les minorités, vivaient. Ce campement devait perdurer jusqu’à ce que l’administration Johnson donne une réponse favorable aux revendications du mouvement. Par ailleurs des actions de boycotts de compagnies comme Coca Cola ou de grandes compagnies de banque et d’assurance étaient en cours, et des actions directes de désobéissance civiles inspirées de celles qui avaient été utilisées dans les années 1950 et 1960 contre la ségrégation et les lois Jim Crow dans le Sud. C’est cette radicalisation politique qui explique la multiplication des menaces de mort à son encontre ainsi qu’une surveillance renforcée du FBI.

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Poor People’s march, 23 juin 2018 à Washington, DC.

Aujourd’hui de nouvelles organisations essaient de reprendre le flambeau, comme Black Lives Matter, la campagne pour un salaire de $15 de l’heure ou la campagne pour une nouvelle « Marche des pauvres » qui a organisé une manifestation à Washington le samedi 23 juin. Tous ces mouvements vont dans la bonne direction, car face au milliardaire Trump et à sa politique ouvertement raciste et pro big business, les classes opprimées aux USA n’ont d’autres choix que de s’organiser par delà les divisions raciales et contre le capitalisme même qui crée le racisme et la pauvreté.

Par Virginie Prégny