USA: Baltimore envahie par la colère au lendemain de la mort de Freddie Gray

Manifestation après la mort de freddie gray

Le 26 avril dernier, le premier président américain noir, Barack Hussein Obama, s’est livré à des plaisanteries frivoles lors du dîner annuel des correspondants de la Maison Blanche en compagnies d’autres politiciens, de roquets des médias dominants et de comédiens vêtus de leurs plus beaux smokings et de leurs plus belles robes. A quelques dizaines de kilomètres de la Maison Blanche seulement, les jeunes de Baltimore, dans le Maryland, ont massivement laissé exploser leur rage après le décès de Freddie Gray des suites de blessures subies au cours de sa garde à vue. Sa moelle épinière a été endommagée à 80% et ses cordes vocales ont été écrasées. Il a sombré dans le coma et est mort une semaine plus tard. Les mots du Dr W.E.B. Du Bois (célèbre sociologue et activiste des droits civiques aux Etats-Unis, NDT) sonnent toujours vrai pour les travailleurs et les jeunes noirs : «Un système ne peut pas échouer à protéger ceux qu’il n’a jamais été censé protéger.»

Par Eljeer Hawkins, Socialist Alternative (section du Comité pour une Internationale Ouvrière aux États-Unis), New York

La mort de Freddie Gray et les protestations de milliers de jeunes de Baltimore remplis de juste colère illustrent toute la pertinence du mouvement «Black Lives Matter» qui a forcé l’arrivée de la question des meurtres policiers sur le devant de l’actualité. La Garde Nationale a été mise en état d’alerte face à la propagation de l’agitation et un couvre-feu a été décrété. Cela pourrait être le début de la ré-émergence du mouvement à l’échelle nationale. Pour le 1er mai, une section syndicale historiquement combative (International Longshore and Warehouse Union, ILWU) avait annoncé de sortir et de fermer le port d’Oakland en solidarité avec Black Lives Matter. Le 1er mai était effectivement l’occasion de renforcer la propagation des protestations à travers tout le pays en soulevant les revendications de justice pour les victimes de violences policières.

’The Wire’ dans la vraie vie

Des mois durant, les médias traditionnels et les dirigeants politiques Démocrates n’ont pas cessé de parler de cette thématique, sans qu’aucun plan sérieux n’ait été dévoilé pour s’en prendre à la brutalité de la police envers les communautés noires pauvres ainsi qu’à l’absence d’avenir décent pour les jeunes noirs à travers le pays. Examinons la recette mortelle qui a conduit à la rage de Baltimore.

La mort de Freddie Gray, avec tant d’autres femmes et hommes à Baltimore, a montré le véritable visage de la pauvreté, de la drogue, de la négligence des autorités, des lois de renforcement de la surveillance, de la désindustrialisation et du racisme endémique.

En dépit de la présence d’un maire noir, Stephanie Rawlings-Blake, les habitants de cette ville à majorité noire sont victimes d’un agenda patronal qui place le centre-ville de Baltimore au-dessus des besoins de la communauté de Gilmor, dans laquelle Freddie Gray vécut et mourut. L’exemple de ce terrain de basket délabré à Gilmor que les autorités de la ville ont systématiquement refusé de remettre à neuf pendant quinze ans, en dépit des levées de fonds organisées par le voisinage, est extrêmement illustratif.

Les policiers sont considérées comme une force d’occupation présente pour surveiller et contrôler la classe ouvrière et la jeunesse noire. L’application de la loi a une longue histoire derrière elle à Baltimore. Un récent article du New York Times intitulé «Les relations brisées entre Baltimore et la police» expliquait ainsi que plus de gens ont été tués à Baltimore par la police que dans la plupart des autres villes de taille similaire.

«Les agents de police de Baltimore ont tué 127 personnes en deux décennies, jusque 2012, avec une légère hausse marquée en 2007 et 2008, selon l’enquête du FBI sur les homicides justifiables par la police. La police de Las Vegas, qui couvre cette région métropolitaine avec une force de taille similaire, a tué 100 personnes au cours de la même période.

«L’année dernière, le Baltimore Sun a rapporté que les contribuables avaient payé 5,7 millions $ depuis 2011 suite à des jugements ou des règlements concernant 102 poursuites contre le comportement de la police. A. Dwight Pettit, un avocat spécialisé dans ces affaires et représentant la famille de Tyrone West dans un procès pour homicide contre la ville, a déclaré qu’il avait 20 dossiers ouverts en ce moment et qu’il était inondé de demandes.» (voir : Baltimores broken relationship with police.)

La police de «tolérance zéro» a été introduite par Martin O’Malley, le maire de Baltimore entre 1999 et 2007, un Démocrate qui par la suite est devenu gouverneur du Maryland. Il lorgnerait actuellement vers la course à la présidence. Cette doctrine conduit à des arrestations massives pour de petites infractions afin de «dissuader» de commettre d’autres crimes. Toute une génération a ainsi été balayée dans l’injustice du système criminel. Dans les faits, des familles ont été détruites et un grand nombre de personnes innocentes ont été emprisonnées pour le «crime» d’être pauvre.

Baltimore, Ferguson à plus large échelle

Les détails des blessures de Freddie Gray et de sa mort sont tragiquement monnaie courante à Baltimore. De nombreux suspects sont battus dans les camionnettes de la police avant d’arriver au poste. Certains ont été paralysés. La mort de Freddie Gray est arrivée au même moment que celle de Walter Scott en Caroline du Sud et à l’échec de la condamnation du flic qui a tué Rekia Boyd à Chicago.

L’élite dirigeante américaine se demande que faire face à l’attention constante attirée sur la violence policière. Certains parmi l’establishment veulent réaliser quelques réformes, mais en restant dans le cadre de marges très étroites. Le rapport Ferguson de l’ancien procureur général Eric Holder suite à la mort de Michael Brown décrit le taux de racisme, la manière dont les hauts fonctionnaires des villes agissent comme des sangsues sur le dos des pauvres ainsi que la corruption pure et simple. D’autre part, la nouvelle et première femme noire procureur général, Loretta Lynch, a été décrite par le Black Agenda Report comme étant «Condoleezza Rice avec un diplôme de droit». Rien ne changera avec elle.

Les réformes possibles prescrites dans le rapport Ferguson pourraient être un point de départ pour organiser des réformes plus lourdes afin de résoudre la crise de la violence policière et de la terreur parrainée par l’État. Mais la réalisation de réformes, même basiques, exigera l’existence d’un mouvement social militant coordonné, sans compromis, cohérent et national basé sur la classe des travailleurs et les pauvres, sous la bannière de Black Lives Matter.

L’indignation de Baltimore met en lumière l’urgente nécessité de construire un mouvement national cohérent. Le mouvement Black Lives Matter est à un carrefour. Après la vague de protestations de la fin de l’année dernière, il n’y a pas de direction claire ou de leadership, en dépit des liens importants qui se développent à l’échelle locale entre Black Lives Matter, la lutte pour un salaire minimum de 15 dollars de l’heure (Fight for 15) et les militants syndicaux de la base. Cela s’est notamment illustré le 15 avril au cours de la journée de manifestations, d’actions et de grèves contre les bas salaires. Ce jour-là, à Madison, dans le Wisconsin, des grèves ont eu lieu suite au meurtre de Tony Robinson. Les développements de Baltimore sont une nouvelle occasion de donner une direction à cette lutte à l’échelle nationale.

Qu’est ce qui est nécessaire pour forger l’unité autour d’un programme visant à mettre fin à la violence policière et à la pauvreté ? Cela implique de défier l’establishment politique capitaliste, y compris son aile noire, qui a comploté en gardant intact le racisme institutionnel à travers la «guerre contre la drogue» et l’incarcération de masse. Derrière ces politiciens se tient le système capitaliste, un système qui a toujours utilisé le racisme pour assurer la division des travailleurs et qui n’approuvera jamais les mesures décisives nécessaires pour briser la discrimination raciale. Cela ne peut être accompli par la lutte multiraciale de la classe des travailleurs pour un avenir socialiste égalitaire.

Le mouvement de masse doit être enraciné dans ce que nous avons besoin et ce que nous voulons pour être pleinement respectés en tant qu’êtres humains. Nous devons saisir l’opportunité maintenant! Nous avons un monde à gagner : un monde socialiste!

Les revendications de Socialist Alternative :

  • Nous devons savoir quels sont les policiers dont les actes ont conduit à la mort de Freddie Gray. Le commissaire de police Batts doit être révoqué maintenant. Les charges retenues contre les manifestants arrêtés doivent être retirées.
  • Pour la fin des politiques de tolérance zéro et l’élection de bureaux civils avec complets pouvoirs sur la police. Des candidats indépendants, antiracistes et issus des organisations de communauté et des syndicats devraient se présenter à ces élections. Pour la fin des politiques qui ont conduit à l’incarcération de masse des jeunes noirs.
  • Stop à la militarisation de la police! Les milliards qui sont consacrés à l’armement de la police doivent être consacrés aux écoles, aux soins de santé, aux services à la communauté,…
  • Pour la justice économique ! Pour un salaire minimum de 15 $ de l’heure, la garantie d’un bon emploi pour chacun, un investissement massif dans l’enseignement public et une lourde taxation des super-riches et des grandes entreprises.

Passons à l’action !

Construisons un mouvement de protestation de masse contre le racisme et la pauvreté ! Les organisations communautaire, les syndicats et les socialistes doivent former des coalitions afin d’organiser des journées d’action coordonnées au côté de “Black Lives Matter” pour la justice économique et raciale. C’est tout le système qui est coupable !