Suppression des lignes intercités : Le gouvernement continue la destruction du ferroviaire public

Manif de gare février 2014Le 26 mai dernier, le député du Parti socialiste Philippe Duron rendait au gouvernement le rapport de la commission parlementaire sur les trains intercités qu’il présidait. Ce rapport dresse un portrait très critique de ces lignes de trains.

Mais loin de vouloir remédier à cette situation, il préconise l’abandon d’un grand nombre de lignes jugées non-rentables – celles desservant les zones pourtant déjà les plus enclavées – pour ne conserver que celles qui sont économiquement rentables pour l’entreprise et qui pourraient être modernisés et voir leur cadencement accentué. Au final c’est une vingtaine de lignes sur les 32 lignes intercités qui pourrait être supprimée, ainsi que les trains de nuit. On est bien loin de la notion de service public…

Quoi qu’il en soit, ce rapport tombe fort opportunément au moment où le gouvernement a décidé de libéraliser et de développer le transport routier de voyageurs via les cars au travers du fourre-tout de la loi Macron. Favoriser pour les plus pauvres le transport routier, bien plus « chronophage » et dangereux, au détriment du transport ferroviaire, montre le cynisme de ce gouvernement.

Ce gouvernement n’est pas à son coup d’essai en termes de double-discours : d’un côté le président Hollande nous en fait des tonnes (de CO2) sur le réchauffement climatique dans la perspective de la conférence sur le climat de la fin de l’année qui se tiendra à Paris. De l’autre, son gouvernement prend des mesures qui vont accroître les émissions de gaz à effet de serre ! Le transport par car produit 2,5 fois plus de CO2 que le transport ferroviaire grande ligne.

Pour satisfaire les capitalistes du transport, le sacrifice de notre sécurité, de notre temps passé dans les transports et de nos conditions de vie sur l’autel des profits n’est en réalité bien peu de chose aux yeux de ce gouvernement.

Ce rapport parlementaire représente en réalité un pas de plus vers démantèlement du service public ferroviaire qui s’est accéléré ces dernières années. Ce n’est qu’un prétexte pour accélérer la marche vers l’ouverture à la concurrence. Pourtant, l’exemple de la libéralisation du rail anglais à partir de 1993 devrait servir de leçon. Les conséquences ont été tellement catastrophiques qu’ils font marchent arrière.

Les solutions mises en avant par la commission parlementaire ne fait qu’entériner et approfondir une politique vieille de plus de 2 décennies (voir repères historiques) qui a pourtant mené à la situation actuelle. Le constat fait dans la première partie du rapport pointe une situation connue depuis longtemps et dénoncée depuis tout aussi longtemps par les organisations syndicales, les salariés et les usagers :

  • mauvais état des infrastructures dont on sait qu’ils peuvent être la cause d’accidents (cf. Brétigny-sur-Orge),
  • ancienneté des trains à bout de souffle,
  • fermeture de lignes et de gares,
  • absence de services à bord
  • nombreux retards, annulations ou pannes
  • suppressions massives d’emplois (-25000 depuis le début des années 2000)

Globalement, la SNCF souffre d’un manque d’investissements et de développement. Le déficit comptable et budgétaire de la SNCF/RFF a toujours été le prétexte pour la mise en œuvre de cette politique de désinvestissement et de suppression de postes, tout autant que cette politique a accentué le problème de déficit. Le tout justifiant le démantèlement et la libéralisation du rail : un véritable cercle vicieux voulu et organisé par l’Etat et la direction de la SNCF.

Après 25 ans de casse, la SNCF, réunifiée depuis cette année, cumule 400 millions de déficit. Ceci dit, l’Etat, actionnaire de l’entreprise, s’est permis de percevoir 200 millions de dividendes l’année dernière, relativisant quelque peu le problème.

Si rien n’est fait pour les arrêter, les cheminots et les usagers du rail ne sont pas au bout de leurs peines. Un récent audit réalisé au nom du comité central d’entreprise montre que les projets de la direction vont aboutir à la suppression de 11 000 à 13 000 emplois supplémentaires d’ici 2020, soit près de 10% des effectifs actuels, du fait simplement de l’application de la réforme ferroviaire de 2014. Par ailleurs, le nombre de dessertes supprimées se multiplie, tout comme la baisse des cadencements, même pour les trains régionaux, qui jusque-là semblaient épargnés.

Une tout autre voie est possible :

  • Pour l’arrêt du démantèlement de la SNCF ! Non à la privatisation et libéralisation du rail public !
  • Non à la suppression de lignes nationales ou régionales. Halte à la suppression de dessertes
  • Pour un véritable financement public qui permette la rénovation et la modernisation de l’infrastructure et du matériel roulant
  • Pour des embauches massives de cheminots
  • Pour une tarification claire (retour à la tarification au kilomètre) et abordable
  • Pour la suppression du système de classe (1ère classe / 2ème classe)
  • Pour le développement du transport urbain de qualité et gratuit (permettant aux personnes venant en train rejoindre facilement leur lieu de travail)
  • Pour un développement du fret ferroviaire public en lieu et place du transport de marchandises longue distance en lien avec le développement du fret fluvial

Par Yann Venier