Regain des luttes en Tunisie

Grève générale à Sfax en novembre dernier
Grève générale à Sfax en novembre dernier

Les manifestations s’enchaînent en Tunisie depuis janvier. Les décès dramatiques depuis octobre de chômeurs poussés à bout montrent à quel point la situation sociale est catastrophique. Depuis 2010, le taux de chômage est
passé de 12 à 15,3%. 62% des tunisiens diplômés sont sans travail. Avec un taux de chômage de 30% dans la région défavorisée de Kasserine, la mort d’un jeune électrocuté après être monté sur un poteau pour protester contre son retrait d’une liste d’embauches dans la fonction publique a eu un retentissement important parce que son désespoir n’est pas isolé. La souffrance des tunisiens est la même depuis le départ de Ben Ali. Le sentiment que rien n’a changé depuis la révolution est généralisé, et la colère est accrue dans la région de Kasserine où les familles des morts de la révolution n’ont obtenu aucun semblant de justice. Suite au suicide de Ridha Yahyaoui, à Kasserine les manifestations des jeunes pour un emploi ont été fortement réprimées (246 personnes soignées suite à l’inhalation de gaz lacrymogène), ce qui n’a pas empêché l’extension à d’autres villes dont Tunis et Meknessi. Le couvre feu imposé par le gouvernement d’abord dans cette région, puis dans tout le pays, a été ignoré par les manifestants qui scandent «des emplois ou une autre révolution !». Le renvoi du gouverneur de Kasserine, les promesses d’embauche, n’ont calmé personne.

Les gouvernements successifs n’ont pris aucune mesure pour résorber la misère. Au lieu de ça, ils ont consciencieusement continué à servir les intérêts capitalistes, malgré leur faiblesse évidente. La seule menace par la fédération syndicale UGTT d’une grève générale a permis d’obtenir 6% d’ augmentation dans le privé, montrant ce que les capitalistes craignent le plus: voir l’économie paralysée par un mouvement de grève. De par sa force, l’UGTT porte la responsabilité de la construction d’une première journée de grève générale qui créerait un rapport de forces favorable et rendrait espoir à une population qui doit aussi faire face à la violence djihadiste. Une partie croissante des jeunes et des travailleurs cherche des perspectives politiques. Ainsi le Front populaire monte dans les sondages, grâce à l’investissement des militants de base dans les luttes.

C’est le rôle de l’UGTT et du Front populaire de donner des perspectives aux luttes et mouvements mais pour en finir avec la misère il faut qu’ils s’arment d’un programme combattif qui remète en cause le capitalisme et porte une perspective socialiste.

Par Luc de Chivré