Les cheminots continuent la lutte. La bataille du rail est elle perdue?

P4 CheminotsLa grève des cheminots démarrée en mars est historique par sa longueur et elle aura bien mis en difficulté le gouvernement. Sur toute la durée du conflit, les taux de grévistes étaient importants. La manifestation nationale du 22 mars a rassemblé plus de 40 000 cheminots à Paris, deux « journées sans cheminot » ont été un succès et malgré toutes les tentatives de la SNCF pour masquer les chiffres et la propagande anti-cheminot des médias et du gouvernent, cette grève a reçu un large soutien de la population.

Négocier la casse ou la refuser?

Malheureusement les directions de certaines fédérations syndicales cheminotes avaient plutôt comme objectif de peser sur les négociations avec le gouvernement. La grève « perlée » (2 jours de grève suivi de 3 jours travaillés) permettait aux cheminots de tenir plus longtemps et d’avoir du temps pour s’adresser aux usagers ou tisser des liens avec d’autres luttes comme celle des étudiants. Mais c’était essentiellement basé sur le calendrier législatif et non sur les besoins de la grève. De son côté, Sud-Rail, écarté de l’intersyndicale après son annonce de tenter le tout pour le tout en appelant à la grève reconductible, avançait cette stratégie sans s’être réellement donné les moyens de voir si cela suivrait. Cela portait le danger d’un épuisement en l’absence d’entrée d’autres secteurs importants dans la lutte contre la politique du gouvernement. Très peu de manifestations ont été appelées pendant le mouvement. Les directions syndicales ont joué un jeu ambigu en appelant à la grève contre la privatisation de la SNCF, en défendant le service public et ce qu’il représente comme enjeu de société mais sans demander explicitement le retrait de la réforme. Avant même la fin de la grève, ils demandait de négocier la future convention collective de branche avec le patronat et ont donc abandonné le monopole de service public !

Les Assemblées Générales (AG) sont globalement restées assez petites. Il manque de possibilités de véritables discussions sur la tactique parmi les grévistes les plus combatifs, notamment de la CGT et de SUD, y compris sur la question d’une grève reconductible si elle était organisable. Avec ce calendrier déjà fixé sur trois mois, cela laissait assez peu de choses à discuter aux grévistes, qui ne se retrouvaient pas maîtres de leur propre mouvement. Certaines AG ont pu appeler à ce que le calendrier soit changé ou à ce que la grève soit transformée en reconductible, mais cela a été assez minoritaire.

La pression n’a pas été suffisante à la base pour obtenir la généralisation des comités de grève afin d’élargir la lutte ou avoir une coordination nationale des cheminots pour la diriger démocratiquement. Les directions confédérales des syndicats ont manqué de combativité et n’ont pas cherché à construire le rapport de force nécessaire pour stopper Macron. Elles n’ont appelé qu’à une journée de grève interprofessionnelle le 19 avril, et ont même réussi à appeler à une grève de la fonction publique le 22 mai… en dehors du calendrier des cheminots !

La loi étant votée et avec les vacances, le nombre de grévistes diminue tandis que l’Unsa et la Cfdt en profitent pour sortir d’un mouvement qu’ils ont aussi soutenu avec les élections syndicales de novembre en ligne de mire. Une chose est sûre : même si la réforme passe, les cheminots n’ont pas été battus car toutes les forces n’ont pas été mise dans la bataille.

La lutte pourra continuer dès la rentrée, contre toute la politique de Macron et pour de véritable services publics, y compris du rail.

Par Matthias Louis