L’affaire Fillon révèle la crise majeure de la droite

affaire-fillon-76-des-francais-contre-l-emploi-de-prochesCe système, celui de la 5ème république, est à bout de souffle. Ce fut De Gaulle qui le mit en place, avec l’instauration d’un régime présidentiel qui se veut au-dessus des partis. Il l’a fait, en 1958, pour répondre aux besoins de la bourgeoisie française qui voulait un exécutif fort, capable de défendre ses intérêts notamment dans la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier crée en 1952, ancêtre de l’Union Européenne) et résoudre la question de la guerre d’Algérie. Se met en place un régime semi-bonapartiste avec élections législatives au scrutin majoritaire et qui permettra des cohabitations droite/gauche à partir de 1981. Tous les présidents se sont fondus dans le moule de cette 5ème république, Mitterrand le premier, alors qu’il avait voté contre.

Près de 60 ans après, le malaise est profond pour la classe dominante, bien en peine de trouver un représentant fiable. Signe de crise profonde du régime, Sarkozy et Juppé sont dégagés dans la primaire. Le programme ultralibéral violent de Fillon ne peut que ravir la classe dominante, mais divise son propre camp.

Les attaques sont une constante de la droite : De Gaulle en 1967 publie les ordonnances pour casser déjà la Sécurité sociale. Balladur en 1993 recule l’âge de la retraite dans le privé. Plus tard Juppé en 1995 s’attaque à la réforme des retraites mais perd et démissionne « droit dans ses bottes » face à la formidable grève des cheminots et de la majorité des travailleurs. Sarkozy et Fillon s’y remettent en 2010. Cette droite revancharde n’a de cesse de reprendre et casser les acquis que nous avions gagnés par nos luttes.

L’affaire Fillon, une affaire exceptionnelle ?

Non, et c’est même une constante du système politique bourgeois. 1974 : Giscard et les diamants offerts par Bokassa en Centrafrique; Sarkozy et ses nombreuses et célèbres casseroles, Lagarde (FMI) condamnée mais sans peine à purger et maintenant Fillon, les emplois fictifs, Axa, assurance privée qui verse du fric à sa société conseil alors qu’il veut privatiser la santé et la sécurité sociale. Malgré la tempête, il veut continuer, même mis en examen. Chez ces gens-là on est entre soi, au-dessus des lois, on n’a aucun compte à rendre !

Et alors Fillon avec une arrogance sans nom, s’en remet bien sûr au suffrage universel, seul juge selon lui. Ça rappelle le « moi ou le chaos » de De Gaulle, en difficulté lors de l’élection présidentielle de 1965.

Faut dire qu’il n’y a pas vraiment de plan B. Alors tout ce petit monde se ressoude en apparence : une rencontre avec Sarko et hop Fillon redurcit sa campagne. Il se prononce pour la majorité pénale à 16 ans ! Il ne fait que quelques meetings accompagnés par les casseroles des manifestants. Il faut dire que la crise de cette droite dure est profonde. Quand il rassure les sarkozystes, Juppé lui rappelle qu’il doit penser aussi à son électorat. Sarkozy avait en 2002 créé la fusion des différents groupes droite et centre droit dans l’UMP. À présent, avec LR, l’UDI, etc., tout cela s’effrite.

Voté en février par l’Assemblée, et pas que par la droite, l’amendement pour faits « occultes » (sic) et financiers porte le délai de prescription à 12 ans par rapport au moment des faits. Cela peut éventuellement sauver Fillon pénalement et bien d’autres. C’est surtout encore un exemple de ce qu’est ce régime politique, de ce que sont ces parlementaires et gouvernements au service de leurs intérêts personnels et de celui des patrons et des capitalistes.

Le #Penelopegate n’est que le sommet de l’iceberg

Abus de bien sociaux et détournement de fonds publics. Outre la femme de François Fillon, payée 831 440 € bruts pour un « travail » que personne ne l’a vue faire, outre ses enfants (sa fille, « assistante sénatoriale » payée 57 084 € bruts en 15 mois, son fils, « assistant parlementaire », touchant 26 651 € en 6 mois), outre le fait qu’on lui reproche d’utiliser ses assistants parlementaires (payés eux aussi par l’État donc nous) pour sa campagne présidentielle, c’est tout un système de détournement de fonds publics qui a été mis en place par les sénateurs UMP entre 2003 et 2014. Les élus reversaient le surplus de leur enveloppe pour payer leurs assistants à l’UMP, qui leur en reversait alors un tiers. Ce système aurait porté sur un total de 10 millions d’euros !

Trafic d’influence et conflits d’intérêts. Pénélope Fillon aurait aussi reçu 100 000€ pour un emploi fictif dans la revue d’un de leurs amis milliardaires, lequel a reçu la grand-croix de la Légion d’honneur quand Fillon était Premier ministre ! Il a aussi abusé de sa position d’élu pour faire tourner sa société de conseil, 2F Conseil, qui lui a rapporté plus de 756 000 euros entre juin 2002 et décembre 2015.

Par Marie-José Douet