Kanaky / Nouvelle-Calédonie : referendum d’indépendance le 4 novembre, le poids du colonialisme

coul P2 kanaky referendumDepuis 1988, les accords de Matignon, puis ceux de Nouméa en 1998, l’État français prétend s’être engagé dans un « processus de décolonisation ». Il est vrai que de nombreuses compétences de l’État ont été transférées vers les institutions locales (Haut-commissariat, Congrès, gouvernement, Sénat coutumier et Conseil économique, social et environnemental). Cependant, l’État français et les Caldoches (descendants des premier colons blancs) gardent la mainmise sur l’économie et les décisions importantes.

La richesse des uns fait la pauvreté des autres

Parmi les sujets qui opposent souvent Kanaks et Caldoches, il y a la gestion des mines de nickel. En effet, la Nouvelle Calédonie est le 3è réservoir mondial de ce minerai. L’exploitation est gérée par la Société Le Nickel (SLN) fondée en 1880. Celle-ci a subi de nombreux changements de propriétaires, mais toujours liés à la bourgeoisie française et son État (Rothschild, Elf Aquitaine, AREVA et ERAMET). L’exploitation du nickel représente 90 % des exportations, 20 % du PIB et 3,5 % de la population active.

Les assemblées des Provinces du Sud (majoritairement caldoche) et du Nord (majoritairement kanake) participent aussi à la gestion des mines. La population est donc soumise aux exigences de rentabilité des capitalistes. Les kanaks en particulier se retrouvent divisés car une partie de leurs dirigeants tirent aussi profit de cette manne économique. Pour exemple : la lutte qui oppose des jeunes de tribus du Nord dans la région de la mine de Kouaoua. Ils s’opposent au développement des activités minières qui polluent les rivières et implique toujours plus de déforestation sur des terres qui, de plus, sont sacrées pour les Kanaks. Ils bloquent l’accès à la mine depuis le 9 août. Mais dans cette région la SLN négocie avec les chefs de clans, qui y trouvent un intérêt personnel.

Diviser pour mieux régner

La division des Kanaks a toujours été une volonté de l’État français pour garder le contrôle de l’île. Selon l’INSEE , « en 2014, 39 % de la population totale, déclarent appartenir à la communauté Kanak. Les Européens représentent 27 %, et les Wallisiens et Futuniens, 8 %. Les autres communautés (Tahitiens, Indonésiens, Ni-Vanuatu, Vietnamiens et autres populations asiatiques) rassemblent au total moins de 6 % de la population ».

Cette préoccupation de mettre en minorité la population autochtone se retrouve aujourd’hui à la veille du référendum. Nombre de kanaks de droit coutumier doivent faire des démarches pour être inscrits sur les listes électorales, alors qu’ils devraient y être de droit puisqu’ils sont chez eux ! Alors que nombre de métropolitains qui viennent juste faire du business en Nouvelle-Calédonie auront leur mot à dire sur l’avenir de l’île à égalité avec les autochtones.

Le colonialisme toujours présent

Avec 20 % de présence policière de plus qu’en Métropole et une garnison de 1500 soldats, c’est une vraie force d’occupation qui protège les intérêts de l’impérialisme français. Ce sont les jeunes et les travailleurs kanaks qui en paient le prix, l’esprit de l’indigénat et le racisme qui y est associé planent encore dans l’air.

Avec la crise économique des années 2010, les cours du nickel ont baissé et les entreprises en ont profité pour multiplier les plans de licenciements. Les luttes de travailleurs se sont multipliées, occasionnant à chaque fois des rixes avec les gendarmes.
Alors que la pauvreté y est importante et ethnicisée (le taux de pauvreté est à 9 % en province Sud, 35 % en Province Nord, 52 % aux Îles Loyauté) et que 50 % des kanaks sont au chômage, la seule réponse des gouvernements est la répression accrue, en particulier contre la jeunesse.

Référendum : quels enjeux ?

« Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? », voilà la question qui sera posée au référendum du 4 novembre prochain. 165 ans après la colonisation et 30 ans après les accords de Matignon, les néo calédoniens ont enfin la possibilité de s’exprimer sur le statut de leur pays. Mais les conditions matérielles héritées de la colonisation rendent ce vote complexe. Le droit des peuples à l’autodétermination est un droit qui doit toujours être défendu quelles que soient les conditions. Pour autant, l’avenir doit aussi être envisagé en prenant en compte avant tout l’intérêt des travailleurs et des jeunes, quelles que soient leurs origines. L’USTKE et le Parti Travailliste (indépendantiste) appellent à la non-participation à ce référendum, considérant qu’il s’agit d’une mascarade et que les dés sont pipés d’avance. Cela est compréhensible, tant le poids de la bourgeoisie française est fort là-bas. Cependant, cette élection est aussi une occasion pour défendre la construction d’une Nouvelle Calédonie socialiste (comme le défendait le FLNKS dans les années 80-90), seule issue pour les exploités du pays.

Par Virginie Prégny, article publié dans l’Egalité 191